Dans un courrier de son directeur, l’INRAE a reconnu le caractère d’accident du travail de deux anciennes salariées, contaminées par la maladie de Creutzfeldt-Jakob et décédées respectivement en 2019 et 2021. Plus tôt, le 26 janvier dernier, un rapport d'inspection ministérielle avait en effet confirmé cette probabilité.
"En tant qu’employeur, j’ai souhaité au regard des différents éléments concordants de ces deux drames, que nous puissions assumer le caractère probable de l’origine professionnelle de ces contaminations", a déclaré Philippe Mauguin, directeur de l'Institut national de recherche pour l'agriculture (INRAE), dans un communiqué.
Relevant malgré tout que la science ne permettait "pas encore de l’établir avec certitude", ce dernier a décrit cette reconnaissance, prise à l’issue du Conseil d’administration de l’INRAE du 11 mars dernier, comme "une étape importante reconnue avec gravité et solennité".
Deux cas recensés en France
Le 26 janvier dernier, le rapport sur la sécurité dans les laboratoires de recherche sur les prions infectieux, réalisé à la demande du ministère de l'Agriculture et celui de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, avait conclu à la grande probabilité d’une contamination d’une technicienne de laboratoire par coupure lors d’une manipulation d’une lame de verre, en 2005.
Pierrette C., morte le 4 novembre 2021 de la maladie de Creutzfeldt-Jakob, étudiait des prions contaminés et plus particulièrement les interactions entre les micro-organismes pathogènes et leurs hôtes. Retraitée au moment de l’apparition de la maladie, elle exerçait dans le laboratoire commun de l'INRAE et de l'Ecole vétérinaire de Toulouse (ENVT).
Un cas largement similaire à celui d’Émilie Jaumain, technicienne dans le laboratoire INRAE de Jouy-en-Josas (Yveline) et également décédée de la maladie de Creutzfeldt-Jakob en 2019, à l’âge de 33 ans. Pour l'avocat de la famille d'Émilie Jaumain, Maître Julien Bensimhon, "cette reconnaissance n’est qu’une étape.
La deuxième étape, c’est que l’INRAE admette enfin que les accidents sont dus à des fautes de sécurité commises au sein des laboratoires.
Julien Bensimhonà France 3 Occitanie
Arguant que l’INRAE a fait "passer la recherche avant la sécurité des salariés", un "syndrome Marie Curie". "Émilie n’avait pas été formée à la manipulation des prions, ni à la conduite à tenir en cas d’accident", relève-t-il. "La pince avec laquelle elle s’est coupée n’aurait pas dû se trouver dans le laboratoire. La famille est satisfaite de la décision, mais nous ne sommes pas encore au bout du chemin de la vérité judiciaire."
Prévenir les risques
"Ces deux décès ont questionné la communauté scientifique et le corps médical" au-delà de l’INRAE, a relevé Philippe Mauguin dans son communiqué. "Suite au premier décès [d’Émilie Jaumain, ndlr], une publication scientifique parue en 2020 sur l’étude des voies de contamination par prion infectieux a, pour la première fois, émis l’hypothèse d'une contamination professionnelle par un bref contact, par simple piqûre, avec du matériel contaminé."
Dans la foulée de cette publication, les manipulations sur les prions infectieux avaient été stoppées dans l’ensemble des établissements de recherche en France. Chaque unité de l’INRAE devra par ailleurs faire l’objet d’un audit avant toute reprise des activités de recherche.
Cette dernière prise de position de l’INRAE reconnaissant le lien "entre le développement de la maladie de Creutzfeld-Jakob et les accidents du travail" devrait en tout cas conduire à des mesures "d’indemnisation des familles concernées", mais également à une réflexion profonde sur "la prévention des risques sur la santé et la sécurité des agents".