Crise universitaire à Toulouse : "la décision finale pour Toulouse Tech University se fera à l'Elysée " selon des élus

Le monde universitaire de Toulouse (Haute-Garonne) est secoué par la proposition de création d'une nouvelle université. Même si la région Occitanie et Toulouse Métropole ne s'expriment pas sur le sujet, des élus prennent positions et évoquent le rôle du président de la République, Emmanuel Macron.

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Depuis le 8 janvier et l’annonce du projet "Toulouse Tech University" porté par la Toulouse School of Economics du prix Nobel Jean Tirole, l’Université Toulouse 3 Paul Sabatier et l’école Supaero, le monde universitaire toulousain vit une véritable crise, "sidérée et pétrifiée par cette initiative" rapporte l’un de ses membres. 

La région Occitanie et Toulouse Métropole préfèrent pour le moment garder le silence. Ce qui ressemble à un véritable coup de semonce fragilise la "Communauté d’université et d’établissements" (Comue) expérimentale portée par la mission Lévy. Mandaté par Carole Delga et Jean-Luc Moudenc, ce groupe de travail avait pour objectif "de donner une nouvelle impulsion au pôle universitaire toulousain" et placer Toulouse parmi les "meilleures universités mondiales".

Un "bon projet à affiner" du côté de LREM

Sous couvert de ne pas connaître le dossier ou ne daignant tout simplement pas répondre à notre sollicitation, les élus prêts à s’exprimer sur ce sujet, sont peu nombreux. La député La République en Marche de Haute-Garonne, Monique Iborra le reconnaît : "la situation est très compliquée. Il y a déjà eu par le passé des tentatives de regroupement qui ont échoué. Je pense que l’on ne peut pas repartir sur la même stratégie et que Toulouse n’obtienne pas cette reconnaissance dont elle a besoin. Le projet "Toulouse Tech University" (TTU) paraît être un premier échelon de ce qui ressemble à quelque chose."

Également parlementaire En Marche, Pierre Cabaré juge ce projet "bon". Même si le député pense qu’il doit  "être affiné" afin notamment d’inclure "des étudiants et du personnel dans son conseil d’administration", c’est pour lui une réponse "à une vision trop intimiste des établissements toulousains" ayant fait "capoter tous les projets des dernières années".

Pour le sénateur Modem, Pierre Médevielle, "l’échec cuisant de la fusion des universités il y a trois-quatre ans est un véritable handicap pour Toulouse." La ville rose ayant disparu des radars du fameux classement de Shanghai, recensant les meilleures universités et écoles mondiales. "J’espère que ce projet alternatif (TTU) aboutira, renchérit le sénateur haut-garonnais. Il se veut plus élitiste que le projet d’une université fédérale expérimentale, mais les deux modèles ne sont pas incompatibles. Espérons que la raison l’emportera."

Mettre en avant la diversité de la recherche 

Ce projet "élitiste" ne passe pas chez Antoine Maurice. "La mission Lévy défend l’idée de la coopération. L’initiative portée par Toulouse School of Economics va totalement à contre-courant, déplore le conseiller municipal EELV d’opposition à Toulouse. L’excellence toulousaine, c’est d’avoir autant de diversité dans le monde de la recherche que nous l’avons aujourd’hui. C’est ça que nous devons faire vivre et non un choix d’exclusion."

Marc Péré ne pense pas différemment même s’il estime qu’il "faut avoir une approche modérée pour comprendre cette sortie. Elle acte une impossibilité, le fait que l’enseignement supérieur toulousain n’arrive pas à s’entendre." 

En revanche, le maire de l’Union ne mâche pas ses mots à l’évocation de Jean Tirole, dont l’école TSE est à l’origine de ce "contre-projet". "Je suis très surpris de la proximité de Jean Tirole et d’Emmanuel Macron dans ce dossier. Il y a un phénomène de cours où le courtisan vient parler à l’oreille du roi afin d’obtenir son soutien pour un projet. C’est un fonctionnement non respectueux des institutions républicaines et universitaires."

Un pavé dans la mare

Une image que ne cautionne pas Sébastien Nadot. "Il y a une incompréhension. Ce n’est pas Tirole qui a courtisé Macron. C’est Macron qui a courtisé Tirole." Pour le député, exclu de la majorité présidentielle, dès 2014 et son prix Nobel, l’économiste n’a pas été considéré à Toulouse comme "un chercheur et une chance" mais comme un "économiste libéral ne convenant pas à la place toulousaine". "A l'étranger, lorsque l’on évoque Toulouse, on parle d’Airbus et de l’école de Jean Tirole, raconte Sébastien Nadot. Mais localement, on n’a pas su intégrer cette pépite. Quand on en a une personnalité comme Jean Tirole, on travaille avec, on ne la rejette pas."

L’élu de la 10e circonscription considère "Toulouse Tech University" comme "un pavé salvateur dans la mare qui dit à l’université fédérale toulousaine : "Remuez-vous ! Vous déconnez à pleins tubes. Il y a urgence."" La mare ? "C’est cette petite bulle toulousaine qui ne vit que dans l’entre-soi, dans son bocal"  qui allait, selon le politique toulousain, repartir sur "un machin d’université fédérale, absolument pas attirant" alors que "tous les acteurs de l’université à Toulouse savent que le modèle fédéral n’est pas satisfaisant" dans un contexte où il faut aussi prendre en compte la mondialisation.

L'Elysée à la manoeuvre ?

Les écueils pour la concrétisation de "Toulouse Tech University" ne manquent pourtant pas. L’accord du conseil d’administration de l’Université Toulouse 3 Paul Sabatier le 24 janvier prochain, celui de l’Université Toulouse 1 Capitole afin que Toulouse School of Economics obtienne son autonomie et enfin ceux des ministères dont dépendent TSE, UT3 et surtout Sup Aéro. "La preuve que la décision finale se situe au niveau le plus haut" souffle Pierre Cabaré. En l'occurrence, à la tête de l’Etat.

"Le dossier est regardé depuis plusieurs mois par l’Elysée, assure son homologue, Sébastien Nadot. Et donc oui, la décision est bien à l’Elysée. Le ministère de la recherche n’a pas véritablement de périmètre, le cabinet du Président et celui du Premier ministre auront des choses à piloter."

Selon le député Cabaré, "le président de la République a fait son choix, celui de l’audace. Il souhaite aller vite. Dès le 1er février." Ces affirmations laissent perplexe un acteur ayant observé ce dossier au cours des dernières années. "Cela ne fonctionne pas comme ça", affirme-t-il. Contacté en début de semaine par France 3 Occitanie, le Ministère de l'enseignement supérieur n'a pas répondu à nos demandes. 

Les prochaines semaines devront apporter des réponses sur cette supposée intervention du chef de l’Etat. À moins que d’ici là, l’ensemble des acteurs de ce dossier, qui chamboule le monde universitaire toulousain, décide enfin de se parler et trouvent un terrain d’entente.  

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