La proposition de Toulouse School of Economics de créer une nouvelle université regroupant la TSE, l'université Paul-Sabatier et l'ISAE-SupAéro provoque surprise, incompréhension mais aussi une très forte opposition. Les présidents des autres établissements d'enseignement supérieur toulousains dénoncent "la brutalité" d'une "initiative isolée".
Qu’ils soient enseignants ou étudiants, leur première réaction au projet révélé par le directeur général de Toulouse School of Economics, Christian Gollier, a été celle de la surprise. "Il y a quelque chose d’irrationnel dans tout ça" estime Jacques Py, professeur en psychologie sociale à l’Université Toulouse 2 Jean Jaurès et représentant du syndicat Sup Recherche. Irrationnel, car cette proposition intervient à quelques jours de la présentation des conclusions du groupe de travail chargé "d’élaboration d’un projet collectif visant la construction d’une grande université de recherche à Toulouse."
Un "déni de la démocratie universitaire"
"Je comprends que pour certains tout cela n’aille pas assez vite, reconnaît Jacques Py. Mais il faut avancer étape par étape. Nous n’arriverons à rien si tout le monde ne se met pas dans une logique d’ensemble. Le compromis est, en effet, difficile." Face aux difficultés rencontrées pour faire avancer "un projet collectif dysfonctionnel", pour l’enseignement-chercheur, ce projet n’est tout simplement "pas une bonne idée".
Pour Clément Varenne, responsable de l’administration et du pilotage de l’école des docteurs de l’Université de Toulouse et représentant du syndicat UNSA ITRFBIO, la proposition de créer la Toulouse Tech University, en partenariat avec l'Université de Toulouse 3, Toulouse School of Economics et l'ISAE-SUPAERO est "dangereux" : "il recycle les vieux démons du projet Uniti, présenté il y a douze ans, afin d’obtenir le label Idex. Il porte en lui un véritable déni de démocratie universitaire avec notamment un conseil d’administration composé majoritairement de personnes extérieures, situé à Paris. Le principal but de ce projet vise à se positionner dans les classements internationaux."
Du côté des syndicats étudiants, la position est la même. Déjà opposée à toute idée de fusion des universités toulousaines, l’association générale étudiante de Midi-Pyrénées (Agemp) est également "contre le projet Toulouse Tech University". "Ce que l’on constate, c’est qu’à aucun moment, que ce soit pour le projet de site unique ou pour Toulouse Tech University, on ne parle des étudiants, de la formation et des conditions d’enseignement, explique la présidente d’Agemp, Océane Ranjeva. Seule la recherche est évoquée."
Un projet mort-né ?
L’élue au Conseil d’administration de l’Université Paul Sabatier met en avant ce qu’elle estime comme problématique : si Toulouse School of Economics, créée par le prix Nobel d’économie Jean Tirole, venait à quitter l’université Toulouse 1 Capitole, à qui reviendrait le bâtiment de 50 millions d’euros ? Après avoir évité sa mise sous tutelle pour des problèmes budgétaires, l’Université Toulouse Sabatier ne devrait-elle pas plutôt assainir ses finances "avant d’engager quoi que ce soit".
Même son de cloche, au sein du syndicat de l’UNI : "Nous sommes contre ce projet, se positionne le président de l’UNI Toulouse, Léo Skalecki. Nous considérons qu’il n’est pas viable et incohérent. TSE n’est pas en mesure de quitter UT1 de la sorte." Mais l’étudiant en droit retient néanmoins que la proposition d’une gouvernance avec des personnes morales s’avère "intéressante".
Un projet mort-né ? "Il est très peu probable qu’il aboutisse et qu’il soit labellisé" analyse Clément Varenne. "Ce projet n’est pas soutenu, renchérit Océane Ranjeval. Il est même refusé par une majorité. Nous avons d’ailleurs peur des tensions que tout ceci peut engendrer entre les différents acteurs de la vie étudiante." L’UNI ne croit pas non plus à la réalisation de ce projet. Pour son président, "c’est un coup dans la fourmilière finalement bienvenu. Il doit pousser l’université fédérale à se remettre au travail afin d’offrir un projet cohérent."
Le risque de fracturer le milieu universitaire toulousain
Dans un communiqué diffusé lundi 10 janvier dans l'après-midi, les présidents des autres établissements d'enseignement supérieur toulousains dénoncent "la brutalité" d'une "initiative isolée" et rejettent la possibilité de participer à ce projet qui "signerait une fracture profonde du site".
Selon les informations de France 3 Occitanie, Jean Tirole a récemment présenté son projet au président de la République Emmanuel Macron. "Si le gouvernement valide et l’impose, ce serait faire fi de toute la démocratie universitaire, tranche le représentant de l’UNSA ITRFBIO. Ces instances ne serviraient à rien. Pour que ce projet puisse se faire, il faut une décision en conseil d’administration."
L’Université Toulouse 1 Capitole et l’Université Toulouse 3 Paul Sabatier doivent voter à ce sujet dans les prochains jours.