Des peines d’amende avec sursis ont été requises contre des militants d’ANV-COP21 devant le tribunal correctionnel de Toulouse. Ils sont poursuivis pour vol après avoir "décroché" un portrait du président dans une mairie. Leurs avocats dénoncent des poursuites disproportionnées.

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Virgile (31ans), Alice (29 ans), Clarisse (26 ans) sont poursuivis pour vol. Ils comparaissaient ce vendredi devant le tribunal correctionnel de Toulouse. En juillet 2019, ils ont "décroché" le portrait d’Emmanuel Macron à la mairie de Mérenvielle (Haute-Garonne). Une façon pour ces militants écologistes de dénoncer l’inaction du gouvernement face à l’urgence climatique.

Le procureur a requis 200 euros d’amende avec sursis contre deux d’entre eux et demandé la relaxe pour Alice dont la participation à ces faits n’est pas certaine.

Les avocats ont souligné plusieurs irrégularités dans la procédure. Ils ont défendu la liberté d’expression, l’état de nécessité et la non qualification du vol. Ils se sont aussi étonnés de ces poursuites disproportionnées. Plutôt que de vol il s'agit peut-être, selon eux, d'un délit d'offense au chef de l'Etat.

En garde à vue après avoir "décroché" un portrait du président

"J’assume publiquement ce que j’ai fait", dit Clarisse au tribunal, "c’est dérisoire par rapport à la mauvaise foi et au manque de responsabilité du gouvernement face au changement climatique. Le temps passe, il est légitime de crier au secours et d’interpeller autrement nos dirigeants politiques."

Le 19 juillet 2019, avec Virgile elle a décroché le portrait d’Emmanuel Macron dans la mairie de Mérenvielle (Haute-Garonne). Sur place, ils ont laissé un manifeste expliquant leur geste. Le vide laissé au mur symbolisait l’inaction du gouvernement face au dérèglement climatique. Et emporter le portrait du président c’était l’emmener voir la réalité. Un employé de la mairie et un conseiller municipal témoins des faits l’ont reconnu : la scène s’est déroulée sans accrocs et aucune violence n’a été commise. Après discussion, ils ont même rendu le tableau avant de quitter les lieux.

Convoqué par les gendarmes, Virgile, repéré grâce à la plaque d’immatriculation de sa voiture, a passé une nuit en garde à vue tout comme Alice et Clarisse qui étaient venues le soutenir sur le parking de la gendarmerie avec un petit papier de format A4 qui disait "Libérez Virgile, Décrochons Macron".

"Un crime de lèse-majesté"

"Pourquoi les placer toute une nuit en garde à vue et les mettre sous contrôle judiciaire, s’interroge l’un des avocats, maitre Sébastien Delorge ? Pour quelles raisons on encombre une juridiction correctionnelle avec une affaire comme ça ? On a touché, nous dit-on, un symbole fort de la République".

Ces poursuites, elles sont politiques parce que c’est le portrait d’Emmanuel Macron. Il n’a aucune valeur marchande particulière ; ça coûte 8 euros 50. En fait, ils sont poursuivis pour un crime de lèse-majesté ou un délit d’offense au chef de l’état.

Maître Sébastien Delorge, avocat de l'un des prévenus

Agir au nom de l'état de nécessité

Maitre Claire Dujardin a plaidé l’état de nécessité. C’est l’article 122-7 du code pénal qui explique pourquoi dans certains cas l’infraction peut se justifier, parce qu’on n’a pas le choix. Il faut qu’il y ait un danger actuel ou imminent. "L’urgence climatique ce n’est pas une croyance, c’est un fait scientifique," dit l’avocate. "Les engagements ne sont pas respectés. En France, il y a eu des marches pour le climat avec des milliers de personnes, de jeunes dans la rue. Personne ne les a entendus. Un jugement a même constaté les manquements de l’Etat donc oui, malheureusement il n’y a pas d’autres moyens." Le 3 février dernier, l'Etat a en effet été jugé par le tribunal administratif de Paris "responsable" de manquements dans la lutte contre le réchauffement climatique, une décision "historique" pour les ONG qui attaquaient la France pour son inaction, soutenues par une pétition de plus de 2,3 millions de citoyens.
 

A Toulouse, ce vendredi, les avocats avaient fait citer deux témoins pour évoquer l'urgence climatique dont le chercheur du CNRS Christophe Cassou. Ce climatologue est l'un des douze scientifiques français auteurs du prochain rapport du GIEC (Groupe d'Expert Intergouvernemental sur l'Evolution du Climat). "L'origine humaine du réchauffement est établie", a-t-il dit au tribunal. "Les futurs climatiques dépendent des choix politiques qui seront faits".

Il a aussi rappelé que dans un rapport le Haut conseil pour le climat nommé par le gouvernement a dénoncé le manque d'ambitions pour atteindre les objectifs destinés à diminuer les gaz à effet de serre. "Juges, prévenus, avocats, témoins, on est tous dans la même barque, tous confrontés à ce problème" a dit le chercheur lors de l'audience, "nous sommes en train d'écrire quelque chose qui sera dans les livres d'Histoire."

Le tribunal a mis son jugement en délibéré au 21 mai.

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