Les salariés de Latécoère se sont mobilisés, mercredi 15 février dans la matinée, devant le siège de la société aéronautique à Toulouse (Haute-Garonne) afin de dénoncer la délocalisation de l'usine de Montredon et la fermeture de celle de Labège.
Le siège de Latécoère en plein cœur de Toulouse (Haute-Garonne), fait d'inox et de verre, est flambant neuf. Comme "l'usine du futur", inaugurée il y a à peine 6 ans, et située à quelques kilomètres de là, à Montredon. Pourtant, cette chaîne de production doit être délocalisée au Mexique et en République Tchèque.
La décision, annoncée lors d'un CSE extraordinaire organisé le 25 janvier dernier, concerne 109 personnes auxquelles s'ajoutent les 36 salariés de l'usine de Labège, elle aussi, appelée à fermer. À l'appel de la CGT, les salariés de l'entreprise ont débrayé mercredi 15 février pour exprimer leur colère.
"Il y a un sentiment de trahison, le sentiment d'avoir été dupé, d'avoir été pris pour des imbéciles, exprime Florent Coste, le délégué syndical CGT. Tout cela se mélange dans la tête des salariés. Cette usine de Montredon a été lancée en grande pompe et a bénéficié d'aides publiques. C'est une trahison vis-à-vis des salariés et de la Nation."
Une première rencontre avec la direction
Ils veulent mettre aujourd'hui la pression lors d'une réunion de négociation avec la direction. Une première rencontre depuis l'annonce de la délocalisation. Depuis plusieurs jours, le personnel politique exprime son désaccord concernant la stratégie de l'industriel aéronautique. "Depuis l'arrivée de nouveaux actionnaires en 2019, aucune perspective de développement offensif des sites en Occitanie n'est donnée, en dépit des aides publiques importantes qui ont été attribuées par l'Etat et l'Union Européenne.(...) Je n'accepterai pas que ce soient les salariés qui ont fait de lourds sacrifices pendant la crise Covid, qui paient des erreurs de stratégie de la direction" déclare la présidente de la région d'Occitanie, Carole Delga.
De son côté, le maire de Toulouse et président de la Métropole, Jean-Luc Moudenc, affirme ne pas vouloir rentrer "dans les caricatures et la démagogie", et attend de rencontrer les dirigeants du groupe aéronautique avant de se positionner.
Pour les élus LFI de Toulouse, l'usine de Montredon "doit être pérennisée et les emplois garantis, sans baisse de salaire. Le gouvernement doit aussi prendre ses responsabilités pour sauver ce fleuron industriel."
Le débat sur les aides publiques relancé
Les annonces de Latécoère relancent la polémique sur les aides publiques versées aux entreprises privées sans condition. Pour Maxime Combes, économiste et membre d'Attac France, le dossier est un nouveau scandale après ceux de Michelin (1999), Continental (2009), Goodyear (2014), Whirlpool (2017), Ford (2019) et Vallourec (2022) comme il l'explique sur son compte Twitter. "Les pouvoirs publics paraissent impuissants ? C'est une impuissance organisée et voulue : les aides publiques ne sont conditionnées ni à l’interdiction de licencier ni à l’obligation de rembourser des aides en cas de licenciement (rapport parlementaire du 31 mars 2021). Le pire ? Latécoère n'est pas un cas isolé. C'est même plutôt la règle : l'absence de conditionalisation systématique des aides publiques conduit à ce que les entreprises encaissent l'argent public sans transparence, sans contrôle et sans sanction. C'est #OpenBar et aucun devoir."
La stratégie et les aides touchées par l'entreprise, détenue depuis 2021 par le fonds d'investissement américain Searchlight Capital Partners, vont être scrutées dans le détail au cours des prochaines semaines et alimenter le débat politique.
(Avec Bruno Frediani)