Des seringues et du sang dans les poubelles : les collecteurs de déchets interpellent les institutions sur la gestion des déchets dangereux

La confédération nationale des collecteurs de déchets spéciaux alerte l'Etat : la gestion des déchets spéciaux et potentiellement dangereux n'est pas toujours respectée. Selon eux, une révision de la réglementation ne pourra pas se faire sans les concerter.

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« Nous sommes d’accord sur le fait qu’il faille redéfinir un périmètre de réglementations, mais pas sans nous concerter », annonce Lisa Attelan, présidente de la confédération nationale des collecteurs de déchets spéciaux (CNCDS). Ces derniers mois, le syndicat des collecteurs de déchets spéciaux, dont font partie les déchets hospitaliers et de soins en général, s’alarme.

Regroupant aujourd’hui une cinquantaine d’adhérents à travers l’Occitanie, la confédération voit la vigilance dans la gestion des déchets, parfois dangereux, se relâcher. « Traiter ces déchets médicaux a un coût, admet la présidente du syndicat, chef de l’entreprise Midi-Coll à Castelginest. Mais c’est un coût à payer pour préserver la santé publique. »

Faire des économies

Dans un guide parut en février 2021, mené par un groupe de travail pour l’Agence régionale de santé d’Occitanie, les auteurs estiment le coût du traitement des Déchet d’Activité de Soin à Risque Infectieux (DASRI) « de moins de 450 à plus de 1 000 € HT / tonne, voire davantage lorsque l’élimination est facturée au forfait » et pour les déchets d’activité de soins non dangereux (DASND) « de moins de 100 € à près de 200 € / tonne ».

Une différence de prix qui s’explique par le cahier des charges très précis que les collecteurs doivent respecter afin de transporter et détruire ces déchets potentiellement porteurs de virus, mais qui n’est pas passée inaperçue auprès des instances de la santé.

Ainsi, le rapport « CPIAS » diffusé par l’ARS Occitanie, vise en grande partie à analyser la part de déchets actuellement considérés comme DASRI et pouvant, éventuellement être redéfini en déchets non dangereux et donc, rejoindre la filière des déchets ménagers.

Ainsi, le rapport précise « l’optimisation du tri des déchets, et la nécessaire réduction des coûts économiques et environnementaux des DASRI, sont mentionnées dans le "pilier 2" du Ségur de la Santé » et que l’objectif de l’étude serait d’ « optimiser la gestion des flux de déchets dans les établissements de santé, afin de diminuer de 15 à 20% % le volume des DASRI. » Mais selon l'ARS, l'aspect économique n'est pas le seul enjeu de ce guide. « Nous avons été alertés par les établissement médico-sociaux qui souhaitaient améliorer leur gestion des déchets », affirme Claire Véron, ingénieure sanitaire à la direction de la santé publique de l'ARS Occitanie. 

Pour l'institution régionale, il était temps de revoir le dernier guide DASRI, élaboré en 2009. « Les pratiques et les enjeux environnementaux ont évolué, il faut le remettre à jour », ajoute l'ingénieure.

Un manque de concertation

Pour la confédération des collecteurs de déchets, le fond du problème n'est pas tant l'évolution du guide, mais les zones de flou qui pourraient en découler. « Nous ne comprenons pas pourquoi nous n’avons pas été intégrés à l’élaboration de ce rapport, soupire Lisa Attelan. Alors que nous sommes en première ligne. » Pour ces ramasseurs de l’ombre, la situation est grave.

Même si les recommandations données dans ce rapport ne concernent que des hôpitaux, cliniques et Ehpad, dont le volume de déchets de soins est conséquent, le syndicat affirme que d’autres secteurs, comme des cabinets médicaux ou laboratoires, ont déjà commencé à modifier leur politique de tri.

« Avant, on ramassait des fûts de 50 litres, pleins, chez certains cabinets dentaires. Où sont passés tous ces déchets ? », s’interroge Lisa Attelan. Ces derniers mois, le syndicat a reçu des témoignages d’agents employés dans des centres de tri de la région. Certaines photos sont sans appel : la réglementation n’est pas bien respectée. De son côté, l'ARS ne remet pas en cause ces abus et souhaite elle aussi les combattre. « Depuis 2016 nous faisons un suivi du traitement des déchets par les professionnels libéraux. Nous avons aussi rappelé que ce guide a été élaboré pour les établissements hospitaliers et qu'il ne concerne pas les professions libérales. »

Pour réduire les DASRI, le syndicat des collecteurs affirme que certains déchets partent tout simplement dans les ordures ménagères. Dans son communiqué d’alerte, le syndicat précise aussi « identifier un risque infectieux reste une interprétation subjective, parfois très difficile à réaliser. Certaines infections sont silencieuses, et donc sans symptômes évidents. Il y a toujours un risque d'erreur. Ex. : la compresse ou le coton usagé sera à catégoriser en Ordures Ménagères ou DASRI, en fonction d’un écoulement de sang ou pas. » Pour eux, en affiner les conditions pour classer un déchets dans la catégorie "risque infectieux", ou pas, c'est faire confiance à l'assiduité des professionnels de santé, et donc, augmenter le risque d'erreur. Une vision réfutée par l'ARS : « Ce tri est réalisé par des professionnels formés. Il faudra bien sûr rappeler aux équipes les règles, mais les erreurs de tri sont extrêmements rares », soutient Claire Véron.

Le Haut conseil de la santé publique saisi

D'abord rédigé au niveau régional, le sujet pose maintenant question pour la réglementation nationale. Les ministères de la Santé et de la Transition écologique se sont emparés du problème en saisissant le Haut conseil de la Santé publique le 17 février dernier. L’institution s'étant prononcée plutôt en faveur d'une évolution des mesures de 2009, un nouveau groupe de travail a été mis en place afin d'étudier le répertoriage des déchets de soins pour tout le secteur de la santé.  « Nous espérons pouvoir présenter un nouveau guide national d'ici fin 2024 », s'avance l'ingénieure Claire Véron.

Dans une lettre adressée au précédent ministre de la Santé, Aurélien Rousseau, le syndicat demande que leur alerte soit prise en compte dans ces réflexions. Selon le communiqué des collecteurs de déchets, à l’heure actuelle, « les déchets du secteur médical représentent 0.06% des émissions de gaz à effet de serre nationales. Sachant que les DASRI représentent 20 à 30% de ces déchets, ils génèrent donc soit 0.02% des émissions de gaz à effet de serre nationales ».

Pour eux, l’argument écologique n’a pas de sens si les déchets dangereux sont déclassifiés pour être finalement enfouis avec les autres déchets ménagers des collectivités. A ce jour, le syndicat n’a pas reçu de réponse du ministère et compte adresser une nouvelle alerte à la ministre nommée en janvier dernier, Catherine Vautrin.

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