Depuis aujourd'hui, les entreprises doivent appliquer la mesure gouvernementale sur le télétravail. A savoir trois jours minimum pour tous les salariés qui le peuvent. Sous peine d'amende. Une mesure qui passe mal auprès des petites et moyennes entreprises.

"C'est un reconfinement déguisé". Mathilde Iclanzan est Directrice générale de l'entreprise Wiseed basée à Toulouse.  Une PME qui met en place des "crowd-founding" pour des clients divers et variés. Wiseed compte 44 salariés dont 7 managers. "J'ai demandé à tous les salariés de venir au bureau pour voir comment nous pouvions organiser le télétravail. On n'a pas eu le temps de s'organiser et la plupart des salariés étaient en congé" explique Mathilde Iclanzan, à la tête de cette PME. L'annonce faite par Elisabeth Borne, la ministre du Travail, de l'Emploi et de l'Insertion n'a été faite que le 30 décembre.

A partir de demain, l'entreprise va mettre en place le télétravail sur 4 jours et pour trois semaines, soit une journée de plus que le minimum demandé par le gouvernement. "Nous allons faire des rotations sur le présentiel. Il n'y aura que 8 personnes maximum sur site, les autres vont rester en télétravail" explique Mathilde Iclanzan. Ce qui inclut les nouveaux-venus ou les stagiaires. "Cela n'a pas de sens de leur demander d'être en télétravail, donc ils seront sur site, mais encadré par quelqu'un. Mais ils font partie des 8 personnes présentes sur site" précise la directrice générale de cette PME.

Pression sur les entreprises avec le risque d'amende

En revanche, ce qui ne passe pas, ce sont les mesures coercitives annoncées par le gouvernement (jusqu'à 1000 euros d'amende par salarié pour les entreprises récalcitrantes à la mise en place du télétravail). "C'est une façon de mettre la pression sur les entreprises que je trouve inquiétante, pas très correcte" déplore Mathilde Iclanzan, la Directrice générale de Wiseed. "On fait tout ce qu'on peut depuis le début, ce n'est pas la peine de rajouter cette menace en plus. Nous avons investi 30.000 euros dans des ordinateurs portables l'année dernière, un investissement qui n'était pas prévu" explique-t-elle.

La chef d'entreprise évoque un autre problème, liée à ce risque d'amende. "Cela va nous obliger à nous justifier auprès de nos salariés, cela va entamer les relations employeur - employés, le lien de confiance entre eux et nous" regrette-t-elle. Mathilde Iclanzan qui ne cache pas son inquiétude pour l'avenir de sa PME. "On va devoir travailler en mode dégradé pendant une certaine période. Donc oui, on est un peu inquiet forcément."

Inquiétude pour l'avenir des PME

Même inquiétude du côté de la CPME-31, la Confédération générale des petites et moyennes entreprises de Haute-Garonne. "On nous a demandé de mettre en place en trois jours un dispositif très complexe et contraignant. On a été pris de cours avec des injonctions paradoxales" explique Samuel Cette, le président de la CPME-31 et d'Occitanie. Et de s'étonner de ces nouvelles mesures. "Le télétravail a été mis en place depuis longtemps. C'est étonnant qu'on annonce ces mesures, alors que tout ce qui devait être fait a été fait. " regrette-t-il.

Lui aussi s'inquiète pour l'avenir des PME. "Cette obligation de télétravail tombe dans un environnement de tension dans le recrutement. On doit produire mais on doit travailler en mode dégradé et si on ne dégrade pas, on est pénalisé...On ne peut pas faire plus. On ne comprend pas cette pression sur nous" soupire-t-il.

Du côté du Medef 31, on ne cache pas son  amertume. “Nous avons eu beaucoup de remontées des PME. Ça grince dans tous les secteurs" explique Pierre-Olivier Nau, le président de l'organisation patronale en Haut-Garonne.  Les chefs d'entreprises indiquent plusieurs difficultés : "D’abord cela pose la question de qui choisir, qui est éligible. Cela pose aussi la question de l’équipement des ordinateurs portables car toutes les PME n’en n’ont pas assez."

Incompréhension du côté du MEDEF

Selon lui, il y a une incompréhension de la part des chefs d’entreprise car ce n'est pas là - sur le lieu de travail - que le COVID s'est principalement diffusé. "Les chefs d’entreprise ont tout fait pour protéger les salariés et ils sont prêts a continuer à le faire. Beaucoup ne comprennent pas qu'on impose à nouveau du télétravail, surtout de cette manière là" explique-t-il. Mais il y a aussi une approche plus idéologique sans doute. Car selon le patron du Medef-31, "certains s’étonnent ou critiquent que le télétravail soit imposé par le gouvernement alors que dans d’autres pays européens c’est à la discrétion des entreprises. Le côté "imposé" nous gène".

Enfin, une forme d'inquiétude s'installe aussi auprès des patrons de PME. "Ils craignent que s'installe une forme de distance entre le salarié et l’entreprise, ce qui pourrait les amener à une forme de désengagement à terme, qu’il ne se sentent plus faire partie de l’entreprise" explique Pierre Olivier Nau, le président du Medef-31. Et de conclure "Trois semaines c'est un moindre mal, il ne faudrait pas que cela dure trop longtemps..."

Le télétravail en forte progression depuis la crise du COVID

Selon l’Association nationale des directeurs de ressources humaines (ANDRH), près de 30% des postes seulement sont "télétravaillables" en France dans les entreprises. Mais le télétravail ne cesse de progresser en France, surtout avec la crise du Covid et les restrictions sanitaires. En 2017, seul 3% des salariés étaient en télétravail au moins un jour par semaine selon la Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) qui dépend du ministère du Travail. Près d'un an après le début de la crise du COVID-19, le nombre de télétravailleurs a atteint 41% des salariés.

Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
choisir une région
France Télévisions utilise votre adresse e-mail pour vous envoyer la newsletter de votre région. Vous pouvez vous désabonner à tout moment via le lien en bas de ces newsletters. Notre politique de confidentialité