Le journaliste syrien Hussam Hammoud vient enfin d'obtenir son visa en France par la justice. Opposant déclaré au régime de Bachar-el-Assad et aux islamistes, il ne pouvait pas venir sur le territoire français. Maître Ludovic Rivière retrace son parcours.
L'avocat toulousain Ludovic Rivière était dans la confidence de l'obtention de son visa depuis le 6 octobre 2022. Mais ce n'est qu'aujourd'hui que la nouvelle a été officialisée pour préserver la vie en Syrie du journaliste, Hussam Hammoud. Me Rivière était à Nantes le 5 octobre dernier lors de l'audience en référé devant le tribunal administratif pour lui faire obtenir son visa en France.
France 3 Occitanie : Maître, quel est le parcours d'Hussam Hammoud ?
Ludovic Rivière : c'est un homme de 30 ans avec la double activité de journaliste et de "fixeur". C'est-à-dire une personne qui sert d'intermédiaire, d'interprète et de guide à un(e) journaliste dans un pays peu sûr. C'était un activiste anti Bachar-el-Assad. Originaire de Rakka (Syrie), il a dû fuir dans d'autres villes syriennes plus à l'est lorsque l'Etat Islamique a été instauré. Il a été menacé de mort, enlevé et torturé par Daesh pendant un mois, suite à ses enquêtes. Il a aussi essuyé des tirs alors qu'il était en voiture. Il s'est ensuite exilé en Turquie, car il y a des antennes de Daesh. C'est un journaliste militant pour la liberté de la presse, mais c'est surtout l'un des meilleurs spécialistes de Daesh. Il a travaillé en France pour Médiapart, France Info, France Inter, Brut, Arte, Le Monde. Ses enquêtes ont été citées au moment du procès des attentats du 13 novembre. Son énorme travail a permis de découvrir des registres dans les ruines syriennes sur les traces des frères Clain et d'autres. Il a trouvé ces registres avec les noms des djihadistes. Ces documents ont été remis au parquet antiterroriste de Paris, qui les utilise pour chaque procès.
France 3 Occitanie : Et malgré tout ça, l'Etat français n'a pas voulu dans un premier temps lui accorder de visa ?
Ludovic Rivière : effectivement, c'est quand même très surprenant. Malgré tout son travail, tout ce qu'il a fait pour la France dans la lutte contre le djihadisme. Les services français l'ont questionné à Ankara (Turquie), de très longs interrogatoires, car il avait beaucoup d’infos. Il a fini par révéler des choses ultraconfidentielles. Suite au refus de l'Etat français de lui accorder un visa humanitaire le 5 septembre 2022, il a encore reçu des menaces directes de Daesh via des comptes Twitter très récemment. C'était les 7 et 8 septembre derniers avec des tweets très explicites. Et quand il a demandé son visa à la France, le pays des droits de l'Homme le lui a refusé. Nous avons donc saisi en référé le tribunal administratif de Nantes. L'audience a eu lieu à huis clos, car toute information sortant du tribunal pouvait provoquer sa mort. En moins de 24 h, le tribunal a suspendu la décision du gouvernement français.
France 3 Occitanie : Que va-t-il se passer maintenant ?
Ludovic Rivière : l'audience s'est tenue le 5 octobre à Nantes. Le même jour, il y avait la sortie de son livre co-écrit avec la journaliste Céline Martelet : "L’Asphyxie. Raqqa, chronique d’une apocalypse" chez Denoël.
La décision du tribunal a été rendue le 6 octobre, mais personne n'a communiqué avant aujourd'hui, le temps qu'il passe la frontière turque. Hussam Hammoud est menacé par les Islamistes mais aussi les Turcs, les Kurdes... Ces pays veulent tout faire pour empêcher les journalistes de parler et d'écrire. Aujourd'hui, on peut enfin annoncer la bonne nouvelle. Il a obtenu un visa en France pour y demander l’asile. C’est un combattant pour la liberté si la France lui refusait l'asile, je n'y comprendrais plus rien.
C'est un journaliste d’enquête en danger. Il court de gros risques pour promouvoir la liberté. Il a déposé sa demande d'asile, un refus serait incompréhensible. Aujourd'hui, il est arrivé en France. Là, il se repose mais à partir de la semaine prochaine, je pense qu'il parlera aux médias. Il va pouvoir poursuivre son énorme travail, plus librement.
