ENTRETIEN. "Le pays est dans une situation intenable", Pierre Moscovici président de la Cour des comptes décrypte les finances de la France

Le débat sur le budget 2025 vient de débuter à l'assemblée nationale et il promet d'être animé. Que pense de ce projet de loi de finances le premier président de la Cour des comptes. Pierre Moscovici était l'invité de France 3 Occitanie ce jeudi. Il estime que " le pays est dans une situation intenable".

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Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes et président du Haut Conseil des finances publiques était en déplacement à Toulouse ce mercredi 16 octobre 2024. Il a animé une conférence sur "les finances publiques au défi de la transition écologique" à l'université Toulouse Capitole.

En plein débat sur le budget de l'Etat 2025, qui vient de débuter et s'annonce houleux à l'assemblée nationale, Pierre Moscovici était invité sur le plateau du journal ICI 12/13 ce mercredi 16 octobre.

France 3 Occitanie: Concernant le projet de loi de finances, Sébastien Vincini, président du département de la Haute-Garonne, affirme que le gouvernement place les collectivités dans une situation intenable, a-t-il raison de dire cela ?

Pierre Moscovici : J'ai rencontré le président du conseil général et le maire de Toulouse et tous les deux sont confrontés à cette situation. Il faut prendre conscience aujourd'hui que le pays est dans une situation intenable, nous ne pouvons pas continuer avec un tel niveau de déficit, plus de 6% du PIB, 180 milliards d'euros. Nous ne pouvons pas avoir une dette publique, qui continue de croître et qui est supérieure à 3 200 milliards d'euros. 

Donc il faut faire des efforts, mais ces efforts doivent être partagés, partagés entre l'Etat, la sécurité sociale, les collectivités locales et il ne faut pas accabler les collectivités locales. Et au sein des collectivités locales, sans doute faut-il distinguer, selon les différentes strates le bloc communal, le bloc régional, le bloc départemental de celui de la solidarité, qui doit être préservé.

France 3 Occitanie : Les acteurs publics ont-ils les moyens de financer les grands chantiers ?

Pierre Moscovici : C'est une période de quelques années pendant laquelle nous avons besoin de faire des efforts collectifs. Il faut que nous soyons conscients que oui, il faut revenir en dessous de 3% du PIB d'ici à 2029, peut-être faudra-t-il étaler certains chantiers, faudra-t-il réfléchir à la façon dont les investissements se financent. Non, il ne s'agit pas de renoncer, nous n'allons pas entrer dans une période d'austérité et il ne le faut pas. Nous avons besoin d'investissements, d'investissement public mais quand on a 56,3% du PIB qui vient de la dépense publique, nous avons encore des marges de manœuvre, c'était 53,8% avant la crise Covid.

Donc si on est capable de réfléchir collectivement, mission par mission, service par service aussi sur la façon dont les collectivités travaillent ensemble, on peut dégager des économies intelligentes sans dégrader le service public auquel je suis très attaché.

France 3 Occitanie: La transition écologique, c'est la priorité selon vous ?

Pierre Moscovici : Ce n'est pas une priorité, c'est une nécessité impérative. Nous traversons des crises, crise sanitaire, crise énergétique, crise économique, crise de l'inflation, la transition écologique n'est pas une crise, c'est un défi qui va nous poursuivre pendant au moins une centaine d'années, c'est l'avenir de nos enfants.

Il faut trouver les moyens et c'est précisément pour ça que je souhaite que l'on soit capable de se désendetter parce que si vous avez une montagne de dette et de l'autre côté un mur d'investissement comment pouvez-vous construire le mur si vous ne faites pas baisser la montagne. Il faut diminuer notre dette ordinaire pour augmenter nos investissements écologiques qui représenteront aussi une dette écologique.

France 3 Occitanie : Avec un budget de rigueur, est-ce que l'institution que vous présidez va avoir plus de travail que d'habitude ?

Pierre Moscovici : Elle en a déjà beaucoup, mais elle joue son rôle. Si on nous avait écoutés, si on avait écouté la Cour des comptes, écouté le haut conseil des finances publiques, on aurait peut-être pris plus tôt des mesures qui nous auraient évité de nous retrouver devant cette falaise, avec une forme de brutalité. Mais les Français sont conscients que nous ne pouvons pas continuer à être aussi endetté. Je crois qu'ils sauront faire cet effort, à condition que cet effort soit juste, partagé et solidaire.

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