À quoi servent les maths ? Comment trouver du sens dans cette matière axée sur le raisonnement ? Le témoignage d'un professeur dans un lycée de Toulouse nous éclaire sur la méthode à adopter pour apprendre à apprécier sa discipline.
Ce lundi 14 novembre 2022 s'ouvrent les Assises des Mathématiques organisées par le CNRS. L'occasion de faire un état des lieux des moyens à mettre en œuvre pour l'évaluation des besoins dans l'enseignement, mais aussi dans les domaines de l'industrie ou de la science.
Pour faire face à ce constat national inquiétant : 25% des élèves en fin de 3ème n'ont pas le niveau suffisant en mathématiques, le ministère de l'Éducation nationale tente de réconcilier les élèves avec les maths en ajustant les effectifs dans les classes de 6ème ou encore en rendant obligatoire cette option dès la première.
Au-delà des futures orientations gouvernementales, un professeur de mathématiques dans un lycée toulousain nous donne quelques clés pour que sa discipline ne soit plus la mal aimée des matières de l'enseignement général.
Les mathématiques, une matière sélective
Les maths en France c'est comme le Latin avant, c'est une matière qui opérait une sélection, et quand on n'était pas bon en Latin, on ne faisait pas ce qu'on voulait. Aujourd'hui, ce sont les mathématiques qui sont devenues sélectives. Le problème est qu'on associe à tort mathématiques et intelligence. Or l'intelligence logico-mathématique revêt une forme d'intelligence, qui ne résume pas à elle seule l'ensemble des capacités d'apprentissage. C'est dangereux d'associer les maths à l'intelligence, admet Alexandre*.
Le problème est franco-français, car nous sommes le seul pays à avoir deux voies, celle des classes préparatoires aux grandes écoles élitistes où les mathématiques sont le seul sésame pour y accéder et la voie universitaire. C'est terrible.
Les maths, une matière comme les autres
En maths soit on est bon, soit on n'est pas bon. Ce n'est pas vrai, les mathématiques c'est comme dans les autres matières, il faut apprendre sa leçon, faire les exercices et travailler pour y arriver. Il y a une certaine technicité qu'on a voulu balayer pour populariser les maths en rendant l'apprentissage ludique, mais le raisonnement reste la base et est accessible à tous. Comme un musicien a besoin de faire ses gammes pour jouer un beau morceau, on travaille tous les jours, on progresse et on s'améliore.
Pas de mystère donc, pour un bon apprentissage de cette matière un brin austère, il faut de la technique, de la rigueur et cultiver l'effort.
La notion d'effort est importante et elle n'est pas uniquement liée à l'apprentissage des mathématiques. Je constate dans mon lycée, pour la plupart de mes élèves, la perte de cette notion. En voulant préserver nos enfants de la dureté de la vie on les a mis dans un cocon. Or la vie demande des efforts.
Certains élèves voient dans les maths un moyen d'accéder à une école d'ingénieur, cette manière utilitaire d'aborder suffit à les motiver. D'autres n'arrivent pas à résoudre un problème et ont tendance à baisser les bras. "Je n'y arrive pas, donc je suis nul, donc ce n'est pas la peine de produire d'efforts". Le plus difficile à vivre reste pour les élèves dont la crainte de ne pas y arriver malgré tous les efforts. Un entrainement quotidien est donc indispensable, comme pour un musicien qui travaille ses gammes.
Comprendre le monde dans lequel on vit
Les mathématiques servent d'outils aux autres matières, et pas seulement aux matières scientifiques. Elles sont partout mais on ne les voit pas. Pourtant la question "à quoi ça sert ?" revient fréquemment auprès des élèves. Cette question n'est pas posée dans l'enseignement de l'anglais par exemple, car les élèves savent immédiatement l'utilité d'un nouvel apport de vocabulaire qui leur servira dans leurs échanges sur les réseaux sociaux ou dans leur quotidien. La question est plutôt "à quoi ça me sert moi en tant qu'individus?"
Les applications des mathématiques dans le quotidien sont énormes. Un appareils photo, un téléphone portable, autant d'objets où les algorithmes mathématiques viennent se cacher. Les progrès de la médecine vont être fulgurants dans les années à venir grâce aux mathématiques. Elles vont investir l'intelligence artificielle, boostées par la puissance des ordinateurs de calculs.
Pour former le raisonnement
En plus, elle est formatrice pour le raisonnement, précise Alexandre. Une dissertation nécessite un raisonnement mathématique, une plaidoirie d'avocat aussi est une démonstration, il faut amener les arguments au bon moment, quelles hypothèses on expose, quels sont les arguments qu'on développe et cheminer vers un but.
Pour le plaisir
Le plaisir de résoudre des problèmes est aussi très important, c'est un bel aspect des mathématiques. Quelque soit le problème, et là on s'en fiche qu'il y ait une utilité au problème, on va essayer de le résoudre en cherchant, parfois en échouant, mais quand on trouve la solution c'est jubilatoire. Se poser la bonne question pour pouvoir la résoudre, cela demande beaucoup d'efforts difficiles. On est loin de la satisfaction que peut offrir l'immédiateté.
Quelqu'un qui raisonne bien raisonnera bien dans tous les domaines, conclut l'enseignant.
* Le prénom a été modifié à la demande de l'intéressé
