Les Etats-Unis ont annoncé vendredi qu'ils allaient relever à 15% les taxes douanières imposées aux avions Airbus importés d'Europe, tout en laissant inchangés les tarifs qui pénalisent d'autres secteurs de part et d'autre de l'Atlantique.
Depuis octobre, en représailles aux subventions à l'avionneur européen Airbus, le gouvernement américain inflige des tarifs douaniers punitifs à 7,5 milliards de dollars de produits importés (dont le vin, le fromage, le café, les olives et les anoraks) à hauteur de 25%, sauf pour les avions, qui étaient taxés à 10%. Ce sera 15% à partir du 18 mars.
Au conflit vieux de 15 ans qui oppose Airbus à Boeing par le biais de leurs Etats, s'ajoutent les tensions commerciales entre Washington et Bruxelles.
Du coup, à chaque nouvelle décision, les différents secteurs concernés retiennent leur souffle, dans l'espoir que leur catégorie soit retirée de la liste, et dans la crainte que les tarifs ne soient augmentés.
"L'industrie des boissons spiritueuses des deux côtés de l'Atlantique a suffisamment souffert", a ainsi réagi vendredi le Distilled Spirits Council, une association professionnelle américaine.
Elle appelle les autorités à retirer les taxes de 25% sur les whiskys américains côté UE, et celles de 25% sur les liqueurs importées de 5 pays européens, estimant qu'elles pénalisent l'économie des Etats-Unis et menacent des emplois.
Négociations
Mais le président américain Donald Trump utilise aussi ces taxes comme instrument de négociation.Après des mois de guerre commerciale avec la Chine, à coups de tarifs douaniers punitifs réciproques, il s'est exclamé "notre stratégie a payé!" quand les deux pays ont signé un accord mi-janvier.
Son attention se porte maintenant sur l'Europe. Donald Trump et la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, ont en effet annoncé fin janvier, après une rencontre à Davos (Suisse), leur volonté de relancer le chantier commercial transatlantique et de conclure un accord dans les prochaines semaines.
Mais pour l'heure, les négociations n'ont pas abouti et les relations restent tendues alors que l'hôte de la Maison Blanche brandit toujours la menace de taxer les importations de voitures européennes, qui fait trembler en particulier les industriels allemands.
Lundi, il a déclaré qu'il était temps de négocier "très sérieusement" un accord commercial avec l'Union européenne. Il souhaite que les pays membres de l'UE ouvrent davantage leur marché aux produits américains, notamment agricoles.
Récemment, son administration a menacé de surtaxer "jusqu'à 100%" l'équivalent de 2,4 milliards de dollars de produits français. De quoi faire frémir les producteurs, mais aussi les importateurs américains de vin français, qui, dans une lettre à l'USTR, ont chiffré de 11.200 à 78.600 les pertes d'emplois aux Etats-Unis si ces menaces étaient mises à exécution.
"Frustration"
Les viticulteurs français réclament de leur côté à Airbus un fonds de compensation à hauteur de 300 millions d'euros pour les dédommager.
"Je comprends leur profonde frustration d'être pris en otage", a réagi Guillaume Faury, le patron d'Airbus, lors d'une conférence de presse à Toulouse jeudi. Mais "s'en prendre à Airbus, c'est méconnaître la situation de relation de bloc contre bloc dans laquelle nous nous trouvons (...) je pense que ce n'est pas la bonne solution", a-t-il affirmé.
En octobre, après 15 ans de bataille judiciaire, l'Organisation mondiale du commerce (OMC) avait autorisé Washington à prendre des sanctions record, jugeant que le constructeur aéronautique européen avait bien bénéficié de subventions indues.
Delta Air Lines, compagnie américaine cliente d'Airbus, avait alors déploré ces sanctions, estimant que les tarifs douaniers allaient causer de "graves préjudices aux compagnies aériennes américaines, aux millions d'Américains qu'elles emploient et aux voyageurs".
Dans une procédure miroir, l'OMC devrait au printemps autoriser l'UE à imposer elle aussi des droits de douane en réaction à des subventions indues versées par le gouvernement américain à Boeing.