Depuis plusieurs mois, les chauffeurs Uber se rebellent contre la plateforme numérique américaine. Ils souhaitent être reconnus comme des salariés et non comme des auto-entrepreneurs. L'avocat de Toulouse, Christophe Marciano défend les intérêts de 60 d'entre eux à travers toute la France.
Me Christophe Marciano est avocat à Toulouse (Haute-Garonne). Mais depuis maintenant deux ans, il parcourt la France, Nice, Cannes, Grasse, Nantes, Paris et sa région, Lyon, Tourcoing ou encore Bordeaux, pour batailler face au géant américain, Uber. L’avocat défend une soixantaine de chauffeurs dont neuf travaillent dans la capitale d'O ccitanie. " Mon objectif est d’intenter des actions afin de faire requalifier leur contrat Uber en contrat de travail". Considérés par la plateforme américaine comme des travailleurs indépendants, Christophe Marciano veut démontrer qu’ils en sont en réalité de véritables salariés.
Un lien de subordination direct
" Aujourd’hui mes clients sont payés, très mal, à la course. Ils ne choisissent ni le trajet, ni le client. Ils n’ont aucune indépendance dans leurs choix « d’entrepreneur » : ce ne sont pas eux qui fixent le prix de leur travail. De plus, Uber a également la possibilité de sanctionner l’un de ses chauffeurs en le déconnectant de l’application durant une ou deux semaines. " déplore-t-il.
Autant d’éléments qui prouvent selon le juriste qu’il y a un lien direct de subordination entre Uber et ses chauffeurs. Le 4 mars 2020, la Cour de cassation a considéré que le contrat conclu par un travailleur avec une plateforme numérique peut relever du salariat. Une décision faisant jurisprudence et confirmée à plusieurs reprises par la Cour d’appel de Paris, mais qui n’a changé en rien les (mauvaises) pratiques d’Uber.
Les procédures judiciaires ne s’avèrent finalement pas si simples pour les clients de Me Marciano : " Aux Prud’hommes d’Argenteuil, les 4 juges n’ont pas su se départager. Deux étaient pour. Deux autres contre. Nous irons devant un juge professionnel. Le Conseil des Prud’hommes de Paris rejette la moindre demande des chauffeurs se déclarant incompétent, obligeant les plaignants d’aller en cour d’appel. "
Une dossier très politique
Pour l’avocat toulousain, ce dossier est d’une importance cruciale : "l a reconnaissance du statut de salarié leur conférerait la protection du Code du travail, l'allocation de congés payés, d'un salaire minimum ou encore par exemple le remboursement des frais kilométriques, le respect des durées maximales de travail, le paiement d'heures supplémentaires, travail de nuit ou encore travail le dimanche".
Mais il reconnaît le côté très "politique" de cette affaire. " Uber s’est engouffré dans un vide juridique lors de la présidence de Nicolas Sarkozy et notre personnel politique ne s’est jamais saisi du problème. C’est à l’image de notre société qui s’américanise. Cette "ubérisation" de la société comme on la nomme ne respecte pas le droit français. En reconnaissant l’emploi de salariés au sein d’Uber, l’entreprise américaine se retrouverait dans la situation de devoir payer des charges, ce qu’elle ne fait absolument pas actuellement."
Mais une prise de conscience semble progressivement s’installer. Le 9 décembre 2021, l’Union Européenne a publié une proposition de directive visant à reconnaître « les faux indépendants » comme de vrais salariés. Les Vingt-Sept devront trouver un compromis. Le chemin à parcourir reste encore long.