Une Toulousaine, Fanny, témoigne à visage découvert de l'enfer qu'est devenue sa vie, pendant son mariage et après qu'elle a quitté son conjoint violent. "C'est un enfer, je ne sais pas ce qui va m'arriver au coin de la rue".
Elles sont rares, les femmes victimes de violences qui acceptent de témoigner de leur calvaire, à visage découvert. Et pour cause. Bien souvent, même après qu'elles ont échappé aux griffes de leurs agresseurs, elles continuent d'être harcelées par ces derniers.
Fanny, elle, a décidé de franchir le pas. Cette Toulousaine, mère d'une petite fille, veut que la peur change de camp. "J'ai décidé de médiatiser ma situation après le 30ème féminicide en France. J'ai pris peur. Je me suis dit : "La prochaine, c'est moi". Il faut parler, il faut lever le tabou. C'est un problème de société. Aujourd'hui, ce sont des femmes. Demain, ce seront nos filles. On ne peut pas accepter l'intolérable, en France, en 2019".
Pour Fanny, les violences conjugales ont commencé six mois après son mariage. Le couple s'installe à l'étranger, elle trouve du travail, pas lui. Les violences physiques et psychologiques interviennent dès le début de leur installation. "Au début, j'ai excusé. Et puis, on ne se pose pas la question. On ne divorce pas quand on vient de se marier. On excuse mais ce sont de faux prétextes. Il n'y a aucune excuse à la violence. Dès qu'elle intervient, il faut lancer l'alerte car ce n'est pas normal. L'homme qui nous aime, au contraire, il doit nous porter, nous élever".
Le déclic
Quand Fanny a-t-elle décidé de fuir ? "Lors d'une énième scène de violence en mars 2015, j'ai été hospitalisée en urgence. J'étais enceinte, l'accouchement a été déclenché. Et ça a été le déclic. Je me suis dit : "Ma fille est en danger. Ce n'est plus possible, il faut que je parte".Mais Fanny ne part pas tout de suite. Car c'est compliqué. Elle prépare sa fuite pendant plusieurs mois. En cachette. "Je ne lui ai jamais dit que j'allais le quitter parce que j'avais peur".Je n'étais plus seule, je devais protection à mon enfant
Les suites judiciaires
Fanny quitte le domicile conjugal et débarque à Toulouse. Mais là, elle se confronte à la justice. "Aussi bien à Rouen qu'à Toulouse, la police m'a toujours aidée. Le problème, ce sont les juges qui classent les plaintes sans suite. On a un arsenal juridique mais personne ne l'applique. Ils nous mettent en danger par leurs décisions. Ils ne prennent pas en compte les violences conjugales, ils parlent de conflit parental alors que les violences conjugales sont un crime".Fanny le martèle : les violences conjugales, c'est unilatéral. "Tout ce que je fais, c'est mener des actions en justice car c'est tout ce qui me reste pour me protéger. J'essaie de faire confiance mais finalement, c'est un pas de plus vers l'enfer".Les violences conjugales mènent à la mort
Car le mari de Fanny ne l'a pas laissée tranquille. Même après le divorce, prononcé à ses torts exclusifs. "Il ne m'a pas lâchée. Il m'a retrouvée sur mon lieu de travail. J'ai dû changer de travail". Et alors que la juge ordonne que la passation de l'enfant entre le père et la mère se fasse dans un lieu neutre, elle déboute dans le même temps Fanny de sa demande de confidentialité de son adresse.
Cela a été mon arrêt de mort
"Une torture"
Les violences continuent. "Il vient à mon domicile, il a fait une tentative d'effraction, je n'ai plus de vie. Je suis en mode survie, je ne sais pas ce qu'il y a derrière ma porte, s'il ne va pas me jeter de l'acide".Malgré cela, la justice classe sans suite la plainte pour effraction, au motif qu'elle est insuffisamment caractérisée. Et ce, alors qu'il y a eu un témoin oculaire de la scène. "Bon, la prochaine fois, il me tue. Il n'y a pas 36 étapes entre les menaces et le passage à l'acte".Mon quotidien n'est fait que de stratégies
"C'est une torture. Quand je quitte ma fille, le matin, je ne sais pas si je la reverrai le soir. Ma voiture, je la cache. Je ne sais pas ce qu'il peut mettre dessus".
Un message pour toutes les femmes
Fanny témoigne ainsi depuis plusieurs mois, pour elle mais aussi pour les autres femmes, victimes de violences conjugales. "Je le fais pour d'autres femmes que je connais, qui vivent cachées. Je parle parce qu'il faut que ça s'arrête. Et pour que la justice puisse agir, pour que nos agresseurs soient punis parce qu'aujourd'hui, ce n'est pas le cas"."Bien sûr, il faut partir, à cause des enfants car ils vivent le danger avec nous. Mais les décisions de justice nous mettent en danger car nos agresseurs continuent à diriger nos vies par ces décisions".