Le suicide de Magali, employée de la mairie de Fonsorbes (Haute-Garonne), a provoqué un véritable choc au sein des services municipaux de cette commune. Selon ses fils, elle aurait souffert de harcèlement au travail. L'alerte avait été pourtant lancée au début de l'année.
Lundi 14 novembre 2022, Magali aurait fêté ses 52 ans. C'est pour cette raison que ses collègues ont décidé d'organiser une marche en sa mémoire près de deux mois après le suicide de cette mère de famille et employée à la mairie de Fonsorbes (Haute-Garonne). Corinne Vazquez, 56 ans, employée au service ménage de cette municipalité située près de Toulouse, Patrick Pujol, 50 ans, employé au service technique de la ville et Nagib Salah, 51 ans, délégué syndical CGT, ont accepté de témoigner. Au cours de la conversation, un tremblement de voix, un silence, un sanglot, trahissent l'émotion qui affleure à l'évocation de leur collègue.
Le besoin de prendre du recul
Depuis la fin août, Patrick Pujol ne trouve plus le sommeil. Présentant des signes de dépression, il a été arrêté par son médecin, il y a quinze jours maintenant. "L'ambiance exécrable au sein des services de la mairie depuis toutes ces années", l'accompagnement des agents au cours des six derniers mois comme représentant syndical CGT et la charge émotionnelle provoquée par la mort de Magali, l'ont incité à "prendre du recul et du repos." Magali, Patrick Pujol "la connaissait en dehors du boulot". Pour lui, "c'était plus une amie qu'une collègue. On discutait de tout et de rien, mais jamais de son mal-être. Avant de partir en vacances, durant l'été, cela allait même très bien même si on était plus au moins au courant du harcèlement qu'elle subissait."
Au début de l'année 2022, 19 témoignages avaient été transmis aux syndicats et à la municipalité rapportant le mal-être d'agents, notamment ceux appartenant au service du ménage auquel appartenait Magali. Malgré cette alerte, il y a eu un "manque de communication des directions jusqu'aux élus" juge Patrick Pujol. "Ce drame aurait pu être évité s' il y avait eu une écoute."
Magali, calme, souriante, sans aucune méchanceté
Corinne Vazquez travaillait avec Magali au service entretien. Depuis sa disparition, l'envie de ne plus aller travailler ne la lâche pas. Mais il lui reste encore huit ans avant la retraite. Elle fait face au traumatisme mais seule : "Dans mon service, je n'ai que des nouveaux et des remplaçants. Je n'ai même pas un titulaire avec moi. Ils sont tous en arrêt-maladie. Les personnes qui y travaillaient ne veulent plus exercer dans l'école où se trouvait Magali."
La veille du suicide de Magali, Corinne Vazquez a eu sa collègue au téléphone. "Elle n'allait pas bien, explique cette employée arrivée à la mairie de Fonsorbes en 2000. La semaine précédente au travail avait été mauvaise pour elle. Moi personnellement, je savais qu'elle avait un mal-être, mais pas du tout qu'elle pourrait en arriver là. Magali, elle ne disait jamais rien lorsque l'on s'en prenait à elle. Elle n'avait pas le caractère à être méchante. Pour moi, c'est l'une des raisons de ce qu'elle a vécu."
"Magali était vraiment adorable, calme. Elle frôlait les murs. Elle ne parlait pas trop fort. Quand elle discutait avec moi, elle rigolait, mais dès qu'elle voyait passer un responsable, elle disait "vite, vite, il faut que l'on travaille". Elle avait constamment cette épée de Damoclès au-dessus de la tête" raconte Nagib Salah, représentant syndical de la CGT à la mairie de Fonsorbes.
Des pratiques généralisées ?
Mais au bout du fil, la douleur le rattrape. Elle est trop forte. Il se racle la gorge. "Je me sens très mal et mal à l'aise. Je me dis que si je n'avais pas été absent lorsqu'elle a repris le travail, peut-être que j'aurais pu lui parler, peut-être que cela ne se serait pas passé."
Ce sentiment de culpabilité ne le lâche pas. Mais il en veut surtout aux élus et aux directions de la mairie de Fonsorbes: "Ils ne peuvent plus dire qu'ils n'étaient pas au courant de ce qui se passait dans les services municipaux, tranche Nagib Salah. Mais les agents, ils n'en ont rien à faire."
Cette colère sourde se nourrit aussi du traitement injuste qu'il aurait subi en tant que représentant syndical pour s'être fait trop entendre : une évolution de carrière bloquée, le dépôt d'une main courante contre son responsable, les courriers envoyés à la mairie. Désormais, tous demandent que la justice soit faite en la mémoire de leur collègue Magali. Les fils de Magali ont déposé une plainte en justice afin de connaître les raisons exactes du suicide de leur mère.