L'artiste performeur Abraham Poincheval s'est enfermé samedi dans une statue d'homme-lion, reproduction d'une fameuse statuette du paléolithique installée dans le parc du musée d'Aurignac, à une vingtaine de kilomètres de Saint-Gaudens (Haute-Garonne).
Un an après s'être cloîtré dans un rocher au Palais de Tokyo, Abraham Poincheval s'est enfermé samedi pour une semaine dans l'espace exigu d'une statue d'homme-lion, reproduction d'une fameuse statuette du paléolithique.
Départ pour l'immobile devant sa famille"Ça y est, je suis parti"
"Ça y est, je suis parti", murmure l'elfe blond de 45 ans, vêtu d'une combinaison polaire bleu.
À quelques minutes de son nouveau "voyage immobile" le performeur, très concentré et entouré de ses deux enfants, se dirige lentement vers la statue de 3,20 mètres de haut, installée dans le parc du musée d'Aurignac, à une vingtaine de kilomètres de Saint-Gaudens (Haute-Garonne).
Vers 11H00, au milieu des applaudissements d'une centaine de personnes, habitants des alentours et officiels, il se contorsionne pour s'insérer dans l'étroit sarcophage sculpté dans du mélèze. Il agite une dernière fois la main et referme sur lui le ventre de la créature.
Dans la plus ancienne statue antropomorphe
Abraham Poincheval a reproduit en grand une statuette du paléolithique. "C'est la plus ancienne statue anthropomorphe connue", explique Joëlle Arches, la directrice du musée de l'Aurignacien, spécialisé dans la préhistoire, qui a passé commande à l'artiste marseillais.
L'oeuvre originelle, haute de 32 cm, a été taillée dans une défense de mammouth par les premiers homos sapiens arrivés en Europe.
"Voyage en capsule"
"Ce lion, c'est une sorte de miroir pour les hommes qui vivaient il y a 30.000 ans", soulignait jeudi le performeur lors de l'installation de l'homme-lion. "C'est la première oeuvre que je fais qui s'attache à une oeuvre existante", avait-il expliqué en préparant son "voyage en capsule", comme il aime appeler ses performances de claustration.
Abraham n'en est pas à son coup d'essai
Car depuis plusieurs années, Abraham Poincheval multiplie les expériences d'enfermement.
Il a déjà passé huit jours dans un trou sous une pierre d'une tonne (2017) et deux semaines à l'intérieur d'un ours naturalisé (2015).
Il a aussi vécu une semaine sur une plateforme à 20 mètres au-dessus du sol devant la gare de Lyon, à Paris (2016), "enfermé dans le vide". Il a traversé les Alpes-de-Haute-Provence en poussant un cylindre de 70 kg, qui était à la fois un abri et un appareil photo
(2011). Enfin, il a habité à bord d'une bouteille géante (6 mètres de long) en remontant le Rhône (2015).
Un iconoclaste en lien avec les termites
Des expériences "iconoclastes", reconnaît le performeur. "Il y a un moment de rupture (dans mes oeuvres), quelque chose d'iconoclaste, en lien avec les ermites.
Cassons les repères de notre société, ne nous contentons pas des images qui nous sont données du monde".
Emmuré, empierré, ou enfermé dans un sarcophage d'homme-lion, plongé dans le noir et ne pouvant pratiquement pas bouger, Poincheval affirme ne pas souffrir "des privations sensorielles". "Vous sentez, au bout d'un moment, que vous êtes dans
un autre espace... l'esprit se balade".
"On a choisi un endroit assez beau et, derrière le bois, il y a des abris sous roche de la période aurignacienne. (Cette statue) c'est comme une sorte de totem, de veilleur", s'enthousiasme Poincheval le rêveur.
...pour répondre à une commande publique
Il va passer sept jours et six nuits en lisière de forêt, dans le bruissement d'un ruisseau, pour une sortie prévue le 8 juin, vers 11H00.
Cette performance et l'édification de l'homme-Lion pour ce petit musée, entre Toulouse et les Pyrénées, s'inscrit dans une commande publique du ministère de la Culture.
"Quand on a vu passer l'appel d'offres du musée d'Aurignac, on s'est dit +c'est pour Abraham+", raconte Lili Laxenaire, de l'agence Pièces montées, qui a proposé ce projet à l'artiste en 2016.
Des projets encore plus fous
Pour la suite, Abraham Poincheval a en tête des projets plus fous les uns que les autres : il compte rallier Londres en armure, comme "une sorte de chevalier errant", dit-il avec un demi-sourire.
Et pour 2019, il envisage la construction d'un radeau suspendu à un ballon, pour "marcher sur les nuages".
Vidéo : le reportage d'Emmanuel Wat et Eric Coorevits