Le hip-hop à Toulouse ça donne quoi ? Portraits de dj, rappeur, break-dancer, beat-boxer et graffeur de la Ville rose

Le hip-hop, culture dominante aujourd'hui en France, se compose de cinq disciplines : DJing, rap, beatbox, breakdance et graffiti. Retour sur les grands noms toulousains dans chacune de ces disciplines avec les portraits de DJ Logilo, Dadoo (KDD), les Berywam, Abdel Chouari (Vagabond) et Snake.

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Le hip-hop est sans conteste la culture dominante en France. Un fait avéré à travers les cinq disciplines qui constituent ce mouvement populaire (DJing, rap, beatbox, breakdance et graffiti). Les DJs se sont professionnalisés. Le rap est le genre musical le plus téléchargé sur les plateformes de streaming comme itunes par exemple. Le beatbox se fait entendre dans des émissions de talents à la télé. Le breakdance est en passe d'intégrer le programme des Jeux Olympiques de Paris en 2024. Quant au graffiti, il est utilisé par des grandes marques, dans des publicités, magasins et festivals. Bref, le hip-hop est partout, démocratisé, questionnant son origine populaire et revendicatrice. Dans chacune des cinq disciplines, certains champions du monde et autres pionniers sont toulousains. Voici les portraits de grands noms du hip-hop dans la Ville rose, et leur avis sur le côté schizophrénique de ce mouvement, qui est passé de la rue à la (presque) reconnaissance publique générale.

Le hip-hop c'est d'abord des DJs...

Le hip-hop est apparu dans les années 1970 aux Etats-Unis, dans le Bronx. Les fondateurs sont des DJs comme Kool Herc, Grandmaster Flash ou encore Afrika Bambaataa. Ce dernier a fondé la Zulu nation en 1975 après la mort de son meilleur ami Soulski, décédé des suites d'une fusillade entre gangs ennemis. Le DJ s'oppose alors radicalement à la violence et quitte le gang auquel il appartenait. Il crée ensuite son propre groupe, la Zulu nation, première famille de la culture hip-hop. Avec son groupe Afrika Bambaataa, il organise surtout des fêtes où les DJs ont un rôle central. La Zulu nation a également permis de nommer et rassembler les cinq disciplines du hip-hop (DJing, Emceeing (rap), B-Boy et B-girl (breakdance), graffiti et beatbox). C'est ainsi que le hip-hop est né.

...comme Logilo en France

La Zulu nation nomme les hommes "King" (roi) et les femmes "Queen" (reine). Son slogan, véritable devise du hip-hop, est "peace, unity, love and having fun" ; ce qui signifie paix, unité, amour et amusement. Le hip-hop est un mouvement culturel qui vient de la rue, considéré comme une alternative aux violences. Il est apparu en France dans les années 1980.

A Toulouse, tous les artistes que nous avons rencontrés pour cette série de reportages sont du même avis : DJ Logilo fait partie des figures majeures du hip-hop en France (avec entre autres Dee Nasty). Et dans le milieu du hip-hop, la reconnaissance la plus importante est celle de ses paires, celle des connaisseurs, celle de la famille de ce mouvement. DJ Madzikila se souvient très bien de l'arrivée du hip-hop en France, et de l'arrivée de son modèle à Toulouse: "Tonton logilo" comme il l'appelle. Madzikila et Logilo travaillent en collaboration avec des artistes dans l'un des plus grands centres d'art urbain de France, le MAPCU (mouvement associatif pour les culture urbaines), une friche culturelle (ancienne imprimerie) à Toulouse. Madzikila s'occupe aussi d'initier les volontaires au DJing à travers des masterclasses, lui qui a appris à scratcher (modifier manuellement la vitesse de lecture d'un vinyle) sur les créations de Logilo, incontestablement l'un des meilleurs scratchers de France. Ce dernier, véritable modèle pour toute une génération de DJs, a créé les premiers disques destinés spécifiquement aux scrachers. Il a même ouvert une école de scratch.

Logilo a notamment participé à la création du groupe de rap Sages poètes de la rue. Il a aussi contribué, dans l'ombre, au lancement d'artistes comme MC Solaar, Diam's ou encore Bigflo et Oli. Le géant du hip-hop n'oublie pas cependant qu'il a commencé la musique en solo à 13 ans, d'abord attiré par les lumières qui se dégagent à l'époque des platines des DJs qui croisent son chemin.
Logilo s'impose dans le milieu du hip-hop dans les années 90. Depuis, il a formé plusieurs générations de musiciens. Ce Parisien d'origine réside depuis 2008 à Toulouse. Il répond rarement aux médias mais a accepté que France 3 Occitanie dresse son portrait de manière évidemment non exhaustive. Le reportage de Karen Cassuto et Eric Coorevits avec Anne-Marie Groscolas et Joël Eon : 

Sans DJs pas de rappeurs

Ingénieur du son, arrangeur, compositeur, beatmaker ... Logilo porte une dizaine de casquettes. Chacun de ses savoir-faire correspond aujourd'hui à des métiers. Le hip-hop s'est professionnalisé. Pour Logilo, toutes ces disciplines sont liées. Il a même créé son propre label indépendant : "Logilo prod". Il fait partie de la deuxième génération de DJs, ceux qui font du beatmaking. En d'autres termes, Logilo compose des morceaux instrumentaux pour les rappeurs.

Le jour où nous l'avons rencontré, un rappeur, Aimé 365, venait de Bruxelles pour travailler spécialement avec Logilo qu'il décrit comme un "maitre de la narration". Le concept de cet artiste est de publier un morceau (et son clip) par jour sur Youtube pendant toute l'année 2020. Logilo a participé à plusieurs des titres d'Aimé, dont le tout premier de son projet, "Bronx", qui raconte l'histoire de la création du hip-hop : 

Démocratisation du hip-hop

Les enfants de tonton Logilo pratiquent le beatbox et le rap. Des disciplines dont Logilo a suivi l'évolution en trente ans de carrière. Il a connu le rap revendicatif, le rap des quartiers populaires et celui de tous les milieux, celui des discothèques et du divertissement.

Aujourd'hui le rap se mélange à d'autres genres musicaux, s'écoute en boucle à la radio. Il prend différentes formes et couleurs, des artistes aux profils divers s'en emparent. Le rap s'est démocratisé dans le sens où il est désormais à la portée de tous. "Une bonne chose", estime Logilo. A 52 ans, il n'hésite pas à constater que la génération 0 comme il l'appelle (née après 2000), a mis au monde de véritables talents. Et pour lui, plus il y a de jeunes qui s'expriment, "plus on est gagnants, tous gagnants".

Je pense que la problématique est dans l'étymologie du terme. Qu'est-ce qu'on appelle rap ? Qu'est-ce qu'on appelle hip-hop ? Est-ce qu'on peut faire du rap sans être hip-hop ? Oui. Est-ce qu'on peut faire du hip-hop sans en connaitre la philosophie ? Je crois que oui aussi. Pour moi l'ouverture est une bonne chose. Plus on a de jeunes qui s'expriment par une voie artistique, plus on est tous gagnants. Des gamins ici prennent un micro et disent ce qu'ils ont envie de dire et ça me va. Est-ce que je suis d'accord avec tout ce qu'ils disent ? Ce n'est pas le sujet. Il y a quelque chose de spontanée dans la démarche de vouloir créer, faire des choses. A partir du moment où un pratiquant fait de la musique, s'y intéresse, est passionné dans sa démarche, c'est une victoire pour nous tous. Forcément on aura des avis variés sur chaque artiste, mais je ne m'enferme pas dans ça. Je ne suis pas là pour donner mon avis sur le travail des autres, ça ne me regarde pas. (...) Il y a du génie dans toutes les générations et je vois les nouveaux génies arriver. C'est fantastique parce qu'ils sont de plus en plus précoces. Et de fait on peut les accompagner, les aider pour leur faire gagner du temps. L'idée c'est qu'ils nous livrent des œuvres fantastiques qui ensuite vont perdurer et être écoutées par d'autres générations. J'aime l'idée de me dire que quand je ne serai plus là, ma musique sera un témoignage. Prenez-le et essayez de le sublimer à votre tour pour en faire autre chose.

DJ Logilo à propos de l'évolution du hip-hop

Travail acharné

La transmission, l'humain, la solidarité, l'entraide, l'éthique, la fraternité sont des valeurs qui animent DJ Logilo. Elles résument à elles seules l'esprit du hip-hop.

Pour Logilo, le DJing est surtout une discipline qui demande du travail pour obtenir des résultats. Et du travail il en fournit, sans compter ses heures. Il ne porte d'ailleurs symboliquement pas de montre. Dans les studios où il exerce ce qui est devenu sa profession, il n'y a pas de fenêtre, et peu de lumière. Au quotidien il lui est impossible de savoir à l'avance s'il fera jour ou nuit quand il sortira de sa caverne, enfin satisfait de son travail. Logilo retrouve dans cet acharnement la culture ouvrière de ses grands-parents. Et de conclure "l'approche que j'ai du hip-hop est la notion de construire un tout avec rien, se réinventer chaque matin".

KDD parmi les pionniers du rap toulousain

Le rap est apparu quasiment au même moment que le DJing. L'un des pionniers dans le Bronx, Grandmaster Flash, s'est d'ailleurs associé à cinq rappeurs pour former le groupe Grandmaster Flash and the Furious Five.

En France, les groupes de rap formés dans les années 1980/1990 sont composés de chanteurs et de DJs. Kheops et Imhotep pour le groupe IAM, ou encore Sya Styles pour les Psy4 de la rime. Ces deux groupes sont marseillais, l'autre capitale, avec Paris, du rap français. D'ailleurs, Dadoo, membre du groupe toulousain KDD, est originaire de la Granière, à Marseille. 

Dans les années 90, NTM s'impose à Paris, IAM à Marseille... et KDD à Toulouse. Le groupe se compose de cinq membres : DJ Lindsay, Diesel, H2O, Robert et Dadppda ou Dadoo. C'est ce rappeur que nous avons rencontré. Et comme toutes les disciplines hip-hop sont liées, quasiment tous les artistes que nous avons rencontrés pour cette série de reportages se connaissent. Logilo a déjà collaboré avec Dadoo par exemple.
Dadoo a vu, lui aussi, l'évolution du rap en France. Quand il commence, Sarrazin Crew (dont Klams fait partie) tente de faire sa place à Toulouse aussi, notamment dans les quartiers populaires. Les deux groupes de rappeurs représentent les débuts du rap dans la Ville rose. A l'époque ce genre musical est souvent incompris mais il est impossible de passer à côté. En 1998, France 3 avait dressé le portrait du groupe KDD : 

Rap d'avant, rap d'aujourd'hui

Dadoo fait partie des artistes du "rap conscient" comme on l'appelle : celui qui a une dimension politique et dont les paroles dénoncent des problématiques sociétales. Pour autant, il se réjouit de ce que le rap est devenu : la musique la plus écoutée en France aujourd'hui. Quand on lui demande ce qui a changé entre ses débuts et aujourd'hui, il répond d'abord "l'apparition du wifi" avant de reprendre, sérieusement : "tout a progressé je trouve, dans le bon sens". Evoluant avec son temps, Dadoo salue le travail d'artistes comme PNL (deux frères, véritable phénomène sur la scène du rap français) ou encore Jul (l'un des rappeurs français qui vend le plus de disques en France). 

Le rap aujoud'hui c'est un succès populaire, c'est un genre dominant. PNL pour moi c'est les plus grands joueurs de blues. Jul c'est l'exemple même de la marque. Il a créé un monde à part entière et il est reconnu pour sa nature humaine. Ce qui a changé aujourd'hui c'est que je crois qu'on est en train de gagner, la culture est en train de gagner, de prendre beaucoup plus de considération pour ce qu'elle représente : être au plus proche de la jeunesse, être dans ce qui se fait de mieux. Souvent on me dit que le rap est gangster et je réponds : il te dissuade d'aller prendre une balle au coin de ta rue. Je crois qu'il fait un travail d'information populaire et d'éducation. Je trouve qu'on progresse plutôt bien.

Dadoo à propos de l'évolution du rap

Portrait de Dadoo 

Le rappeur tient à souligner que PNL et Jul sont des artistes indépendants. Pour lui, c'est le signe d'une évolution qui va dans le bon sens. "Le rap est passé du verbe à l'action" résume-t-il. Et de préciser : "de notre temps on était sous contrat, mais on était obligé pour que ça nous permette d'être au moins à égalité avec Céline Dion". Vingt-deux ans après ce premier reportage, nous avons retrouvé Dadoo dans le studio d'enregistrement toulousain CDXX de son petit frère, lui aussi rappeur, connu sous le nom de Billy Bats.

Désormais Dadoo se charge de découvrir et d'aider les nouveaux talents de la scène hip-hop à émerger. Et les artistes toulousains sont nombreux à rapper : Bigflo et Oli bien sûr, mais aussi Klams cité plus tôt dans cet article ou encore MelanK-sperDenfima mais aussi Europe. Dans ce reportage de Karen Cassuto et Xavier Marchand avec Anne-Marie Groscolas et Joël Eon, Dadoo revient sur ses débuts dans le hip-hop : 

Dadoo et le rap, le break, le graff, le cinéma ...

Et ses débuts, c'est d'abord le breakdance. A Marseille, installé sur le canapé de ses parents, Dadoo regarde Michel Druker à la télévision quand arrivent les invités de cette émission spéciale : le groupe Break Machine. Dans notre reportage, nous avons retrouvé les images précises évoquées par Dadoo, les images de ces danseurs sur un plateau de la télévision française qui ont poussé l'artiste à danser. Son père lui demande alors : "tu saurais faire ça toi?" S'en suivent des rencontres dans le milieu du hip-hop. Dadoo participera à des bandes originales de films comme Taxi 3, Rrrr, ou encore double 0 avec Eric et Ramzy. Les deux humoristes apparaissent aux côtés de Jamel Debbouze et Joeystarr dans le clip de l'un des morceaux les plus populaires de Dadoo : "Sales gosses", sorti en 2003 : L'artiste a également chanté auprès de Kool Shen du groupe NTM et Rohff dans : "L'avenir est à nous". Ce morceau, sorti en 2005, réunit alors trois grands noms du rap français. Désormais Dadoo travaille souvent seul. Pour suivre ses nouveautés, rendez-vous ici, sur son compte youtube.

En 2021, Dadoo rappera au côté de l'orchestre du conservatoire de Toulouse au Bikini pour célébrer les 30 ans du hip-hop. En attendant, il aime se rendre dans des lieux dédiés à ce mouvement culturel comme la boutique éphémère Hors Ligne par exemple, qui fermera ses portes en 2021.

Besoin de rien pour créer : le beatbox

Les cinq disciplines du hip-hop sont apparues à la même époque. Quand les rappeurs ne connaissaient pas de DJs, ou quand les musiciens n'avaient pas d'instruments pour s'exprimer, ils utilisaient le beatbox (reproduire des instruments avec sa bouche). Les rappeurs improvisaient alors des freestyle à côté de leurs copains beatboxers.

A Toulouse, Walid, appelé Wawad, commence sa carrière auprès de ses deux amis d'enfance : Olivio et Florian (Bigflo et Oli). Avec un autre ami, Fabien (Beatness), ils fondent leur propre groupe de Beatbox : les Berywam. Deux autres membres composent désormais le groupe: deux Loïc (Rythmind et Beasty). Et bien sûr, ils sont champions du monde.

En France, les Berywam se sont fait connaître grâce à leurs reprises de tubes sur Youtube avant de se faire repérer dans l'émission "La France a un incroyable talent", puis dans son homologue américaine "America's got talent". Ils participent à ce genre d'émissions télévisées dans différents pays du monde. Quand nous les avons rencontrés, ils étaient en pleine préparation de leur premier album composé entièrement de créations. Ce jour-là, Wawad se rend dans un hôtel toulousain pour récupérer les membres du groupe qui ne vivent pas dans la Ville rose. L'enregistrement de leurs morceaux se déroule dans le studio Elixir

Création de morceaux, au-delà du hip-hop

Au premier étage, Beasty travaille son anglais avec un natif. L'album des champions du monde est divers. Les sonorités hip-hop se mêlent à l'électro, au ragga ou encore au dancehall.Wawad explique : "c'est la discipline qui vient du hip-hop, mais pas forcément l'album". "Le beatbox est le plus vieil instrument du monde reprend Beasty, c'est le langage. Et dans la musique moderne on a parfois oublié qu'on était capable de prouesses, même sans instruments". Pour arriver à un tel niveau de prouesse justement, il suffit de travailler, explique le groupe.

"J'ai la même gorge, la même bouche que tout le monde" souligne Wawad. "On est motivé par la persévérance. On écoute des choses, et on essaie de voir si on est capable de les reproduire" poursuit Beatness. Cette notion du travail acharné revient toujours dans le hip-hop, autant que celle de créer avec peu de matériel. "Un qui chantait, un qui rappait, un qui faisait du beat-box, un qui breakait ... ça a commencé comme ça" précise Rythmind. Et maintenant le groupe parcourt le monde, gagne des compétitions et est suivi par une importante communauté internationale : celle des beatboxers, véritable famille.
Les Berywam nous ont ouvert les portes de leur studio d'enregistrement toulousain, alors que leur tout premier album n'est pas encore sorti. Le reportage de Karen Cassuto, Xavier Marchand, Anne-Marie Groscolas et Pascal Jugy : A l'époque où Walid et Fabien commencent le beatbox, personne n'en vit. Aujourd'hui, depuis quatre ans les Berywam vivent de leur passion. Un rêve et une chance dont ils sont conscients. A une autre époque le mouvement hip-hop était contesté et ses disciplines ne s'étaient pas professionnalisées.

En 2020, le groupe a sorti son premier single : "Berridim" qui atteint plus de 2 millions de vues sur Youtube. Nota bene : cette musique sort entièrement de la bouche de ces champions, aucun instrument n'est ajouté : A Loïc de conclure : "à la base le hip-hop, c'est surtout un mouvement de partage". 

Hip-hop = danse

Partager son savoir. C'est ce que fait Abdel Chouari au quotidien en enseignant le breakdance à Colomiers près de Toulouse dans son école breakin school. La danse, c'est ce sur quoi on tombe en premier quand on tape "hip-hop" dans les moteurs de recherche sur internet. Il existe différentes variantes de la danse hip-hop. Elle est visible partout : dans les clips, les films, les festivals... Et à l'origine, elle prenait surtout la forme de breakdance. Une discipline dans laquelle le quadruple champion du monde est toulousain avec son groupe Vagabond. Nous l'avons rencontré dans son école, l'une des seules de France dédiée uniquement au breakdance. Le reportage de Karen Cassuto, Christophe Romain, Anne-Marie Groscolas et Pascal Jugy : Abdel Chouari se souvient de ses débuts sous un porche avec les grands de son quartier. Car le hip-hop se transmettait de cette manière : dans la rue. Il regrette alors des pas qui se sont probablement perdus.

Aux Etats-Unis, le breakdance était surtout une alternative aux violences : au lieu de se battre, les jeunes s'affrontaient dans des duels (battle) de breakdance.

De la rue à l'école de break

Pour Abdel Chouari la démocratisation de cette danse est une bonne chose. Dans ses cours, il apporte une attention particulière aux valeurs qu'il transmet. Les professeurs qui travaillent avec lui en font de même. A l'image de Julien Maynadir qui a d'abord étudié la danse classique, contemporaine et jazz avant de se tourner vers le break. Une passion qui l'a sauvé de ce qu'il appelle ses "bêtises". Le breakdance est un moyen pour lui de se "faire du bien" et d'apprendre à se connaitre, se canaliser et se créer une personnalité.

Le hip-hop ça parle à tout le monde maintenant. Oui on a des salles toutes neuves, l'accès à cette culture est facilité. Mais à partir du moment où on n'est pas récupéré, pas instrumentalisé, où on garde notre âme, nos valeurs et nos codes, alors cette démocratisation n'est pas négative, elle est positive.

Abdel Chouari à propos de la démocratisation du breakdance

Encore une fois, les deux professeurs passionnés travaillent sans compter leurs heures. Abdel Chouari est à l'origine de festivals comme Nothing2looz qui rassemble les plus grands noms internationaux de sa discipline près de Toulouse. Une discipline qui est devenue tellement populaire que les écoles de danses hip-hop se multiplient.

A Toulouse Ldanse est aussi une association qui entend véhiculer de la "cohésion sociale", et de la "valorisation et de l'intégration au sein d’un groupe". Le breakdance fera même partie des disciplines des prochains Jeux Olympiques. 

A Toulouse, le hip-hop c'est surtout le graff

Parallèlement, la démocratisation d'une autre discipline hip-hop peine à se faire accepter : le graffiti. Il existe bel et bien en France au moins deux types d'adeptes du graffiti : ceux qui acceptent de réaliser des œuvres pour des mairies ou des grandes marques, et ceux qui considèrent ces derniers comme des "vendus" et se contentent de taguer sur des trains et murs illégalement, la nuit, prônant un retour aux origines de cette discipline. 

Le graffiti à la base, c'est l'expression de son ego. Il s'agit d'écrire son nom en grosses lettres sur les murs de la ville pour s'imposer, imposer son identité et affirmer son existence. Petit à petit, le graffiti s'est affiné et chacun a trouvé son propre style de dessin. Et devinez quelle ville est connue pour être un véritable laboratoire de graffeurs ? Toulouse évidemment. 
Dans la Ville rose, les adeptes du graffiti se souviennent de la Truskool formée de 2Pon, CeeT, Soune, Der, Pone, Tober et Tilt. A leurs débuts, ils s'appelaient ABS pour Arnaud Bernard System, un quartier toulousain où un énorme tag de Tilt s'impose toujours sur l'un des immeubles. Puis ils sont devenus TLT pour T'es laid Toulouse. Miss Van, Mademoiselle Kat, Fafi, Lus ou encore Plume font partie des graffeuses toulousaines reconnues nationalement voire internationalement. 

Celui que nous avons décidé de rencontrer se fait appeler Snake, il fait partie de la deuxième génération de graffeurs. Il a connu la démocratisation de sa discipline. Le "street art" est à la mode. A l'origine, c'était illégal. Si Snake réalise aujourd'hui des commandes pour la mairie de Toulouse et pour des entreprises, il continue aussi de taguer sur des terrains vagues et autres voies ferrées. L'artiste ne comprend pas pourquoi il est accepté que certains vivent du DJing, du rap, du beatbox et du breakdance (les quatre autres disciplines du hip-hop) mais pas du graff. C'est une véritable guerre de l'ombre qui oppose les graffeurs qui vivent de leur art à ceux qui entendent revenir aux origines illégales. Les uns effacent et ravagent les tags des autres. Pour Snake, c'est un faux débat. 

Ce n'est pas une obligation de vivre du graff, c'est un choix personnel, qui n'existait pas dans l'approche de cette culture au départ. Personne ne gagnait de l'argent avec ses dessins, on n'avait pas de maisons de disques comme les rappeurs. Et maintenant que nous avons des galeries d'art, on nous jette encore la pierre dessus. C'est une schizophrénie qui ne nous appartient pas. (...) Ce n'est pas antinomique de vivre de son art tout en restant subversif et authentique. Jimi Hendrix ou encore les Rolling Stones ne se sont pas compromis dans leur art par exemple, ils sont restés rockn'roll. Si la question se pose dans le graff, c'est parce que le système est schizophrène avec cette discipline. Je me souviens de campagnes publicitaires de certaines collectivités qui disaient : "regardez on dépense des millions pour effacer les tags dans la ville". Et aujourd'hui c'est plutôt l'inverse, les collectivités disent : "regardez on fait travailler des artistes, on a une politique culturelle". 

Snake à propos de la démocratisation du graffiti

Pour Snake, il est évident que toute évolution suscite la critique. Si certains affirment que le graff de la rue est mort, pour l'artiste ce n'est absolument pas le cas, au contraire. "Il y a des créations mortelles à l'international. Des gens peignent dans la rue partout, tout le temps" affirme-t-il. Il pointe du doigt la mentalité française qui pense "qu'il faut rester street et donc ne surtout pas évoluer, ne surtout pas en vivre". "Mais tu peux évoluer et toujours faire ce lien avec la rue, à toi de trouver l'équilibre" précise celui qui explique n'avoir rien à prouver à personne.

Snake fait partie des rares graffeurs français à avoir purgé une peine de prison pour ses dessins. 3 mois ferme, à l'âge de 21 ans. Pour la première fois il a accepté de répondre à un média à visage découvert. Son portrait est signé Karen Cassuto, Xavier Marchand, Anne-Marie Groscolas et Marina Chtopczyk : Dans ce reportage nous l'avons retrouvé aux minimes, où tout a commencé pour lui à l'âge de 15 ans. A cette époque, il n'était pas question du faire du dessin son métier. D'ailleurs, Snake préfère dire qu'il vit de sa passion plutôt que de parler de métier. Nous sommes également allés chez lui dans son atelier, où il nous a confié que le plus important, plus que l'argent et les contrats, est de prendre du plaisir. Enfin nous l'avons suivi à Blagnac près de Toulouse, dans un lieu dédié à l'art urbain, créé par le collectif Cisart. Cela fait plus de 30 ans que Snake laisse ses traces sur les murs de la ville. Courtisé par la mode, les marques et les municipalités, il est l'un de rares graffeurs à vivre de sa passion. Sa liberté à lui, c'est de décider avec qui il accepte de travailler. Il est à son compte depuis 25 ans. 

Le hip-hop, culture originaire de la rue, longtemps incomprise par certains, est incontestablement devenu la culture dominante en France. Une culture acceptée, comprise par le plus grand nombre. Le hip-hop s'est démocratisé. Le Djing, le rap, le beatbox, le breakdance et le graff sont accessibles à tous. Tout le monde peut apprendre et certains ont même la chance de pouvoir en vivre. Ces disciplines sont devenues des professions. Cela fait-il perdre à ce mouvement culturel son essence et son message originel ? Les artistes toulousains que nous avons rencontrés répondent que non. 
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