Une décision de la Cour d'appel de Papeete (Polynésie française) condamne pour diffamation l'auteur d'une liste de chercheurs taxés d'être complices de l'islam radical en février 2021. Parmi eux, une vingtaine de Toulousains étaient visés à l'époque. L'individu doit s'acquitter de dommages et intérêts envers deux parties civiles.
L'affaire avait provoqué un vif émoi dans le milieu universitaire. Plus de deux ans et demi après les faits, un individu, nommé Philippe Boyer et soutien affiché du parti d'Eric Zemmour, Reconquête, a été condamné à des amendes pour diffamation après avoir constitué une liste de 600 chercheurs en les qualifiant de "complices de l'islam radical" sur son site appelé "Le site", comme le rapporte le site Académia. Parmi cette liste, 20 chercheurs travaillent à Toulouse (Haute-Garonne).
"Islamo-gauchisme" : 600 noms de chercheurs, dont une vingtaine de Toulouse, livrés à la vindicte sur internet https://t.co/6Bn4A75rJ3 pic.twitter.com/lt0bD89MtR
— France 3 Occitanie (@F3Occitanie) March 8, 2021
"Ces complices de l’islam radical pourrissent l’université et la France"
Deux de ces 600 scientifiques se sont constitués parties civiles. Relaxé en première instance, Philippe Boyer a été condamné en appel par le tribunal de Papeete (Polynésie française). Le tribunal a estimé que les constitutions de parties civiles sont recevables. La cour d'appel tahitienne estime que "ces propos portent atteinte à l‘honneur et la considération (aux chercheurs) puisqu’ils leur impute un dévoiement total de leurs fonctions de chercheurs à des fins de promotion d’une idéologie intégriste, soit le contraire même des principes du service public de l’enseignement supérieur laïque et indépendant de toute emprise politique, économique, religieuse ou idéologique. (...) Ces propos purement gratuits, ne sont basés sur aucune preuve tangible, M. BOYER se trouvant incapable de démontrer qu’ils correspondent à une quelconque réalité, ses propos se fondant manifestement sur un discours purement idéologique, niant la réalité et trouvant dans des concepts pour la plupart inventés dans un objectif d’hystérisation du débat, de radicalité et de volonté d’annihiler toute discussion ou contradiction, le moyen de décrédibiliser tout interlocuteur honnête, réfléchi et soucieux de pondération dans la discussion."
Philippe Boyer devra s'acquitter d'une amende de 100 000 francs pacifiques (un peu plus de 800 €). Et verser en tout 300 000 francs pacifiques aux deux parties civiles (environ 2 500 €).
Une polémique lancée par l'ancienne ministre de l'enseignement supérieur
Le 20 février 2021, ces 600 chercheurs signent une tribune dans Le Monde dans laquelle ils demandent la démission de la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche de l'époque Frédérique Vidal. Un appel après la volonté de cette dernière d'ouvrir une enquête menée par le CNRS sur la présence de "l'islamo-gauchisme" au sein de l'Université.
Le lendemain, les noms de ces chercheurs sont publiés sur un blog proche de l'extrême droite. Un texte l'accompagne, indiquant en substance que "ces complices de l’islam radical pourrissent l’université et la France", et que leurs recherches "servent à développer les théories qui ont pour unique but que de faire avancer l’islam et par conséquent le radicalisme islamique à l’université en particulier et en France en général".
Après ça, beaucoup de ces chercheurs étaient encore plus vindicatifs contre Frédérique Vidal. "J’en veux à la ministre qui a lancé cette polémique inutile. On est dans un détournement de l’attention hyper fort" lançait une chercheuse à l'université de Jean Jaurès à l'époque. Le CNRS avait aussi saisi la justice à l'époque.