Toulouse : l'université Jean-Jaurès porte plainte suite aux accusations d'"islamo-gauchisme"

L’université Jean-Jaurès porte plainte contre des blogs d'extrême-droite qui ont qualifié une vingtaine de ses enseignants-chercheurs « d’islamo-gauchistes ». Ceux-ci avaient co-signé la pétition du Monde réclamant la démission de la ministre de l'enseignement supérieur.

Suite à la polémique qui a opposé la ministre de l'Enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation Frédérique Vidal aux universitaires, 600 enseignants-chercheurs ont signé une pétition dans Le Monde pour demander sa démission. Parmi eux, une vingtaine d'enseignants-chercheurs de l'université Jean-Jaurès. Or, un site internet a diffusé les noms de ces chercheurs et les a traités d'"islamo-gauchistes".

L'université Jean-Jaurès a déposé une plainte avec constitution de partie civile auprès du procureur de la République, contre ce site. Son conseil d'administration mentionne dans un communiqué  "de graves accusations et des propos injurieux, voire diffamatoires à l’égard de collègues de différentes universités, dont la nôtre. De tels agissements, attentatoires aux personnes et à leurs fonctions, appellent une réaction ferme de la part de notre établissement".

"Un prétendu mouvement "islamo-gauchiste"

L'université va, en outre, soutenir ses enseignants-chercheurs s'ils choisissent eux aussi la voie judicaire, en leur accordant la protection fonctionnelle. Dans son communiqué, le conseil d'administration précise : "les propos tenus dans les médias par la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation à la fin du mois de février ont suscité de vives réactions d’incompréhension, voire de défiance, dans les milieux universitaires et scientifiques".

"Face aux affirmations récentes relatives à un prétendu mouvement "islamo-gauchiste" à l’œuvre dans les universités françaises, le CA de l'Université Toulouse - Jean Jaurès (...) réitère son attachement à la liberté académique inscrite dans le Code de l'éducation et dénonce les propos délibérément polémiques qui tendent à décrédibiliser la recherche en sciences humaines et sociales alors même que celle-ci devrait être défendue haut et fort comme une ressource fondamentale pour comprendre et faire face à la complexité du monde contemporain".

Vers une chasse aux intellectuels ?

L'"islamo gauchisme" est un néologisme qui désigne la proximité supposée entre les idéologies de gauche et l'islamisme radical. Ce terme est le plus fréquemment utilisé dans les médias proches ou se réclamant de l'extrême-droite.

Franck Gaudichaud est professeur d'histoire à l'université Jean-Jaurès. Il fait partie des signataires de la pétition du Monde et il s'est vu taxé d'islamo-gauchiste sur internet. Il a participé cette semaine à un colloque sur le thème de la liberté d'expression à l'université avec d'autres enseignants-chercheurs qui s'estiment calomniés et des étudiants.

"C'est intéressant de regarder dans les années 30 et de rappeler que dans ces années, il y a eu ce type de propos, de chasse aux intellectuels qui étaient à l'époque déclarés "judéo-bolcheviques", termes qui traînaient dans la presse d'extrême-droite comme Gringoire ou Je suis partout". 

" Une boule puante idéologique"

"On est dans un contexte de grande précarité étudiante, explique-t-il, de problèmes récurrents de financement de la recherche et madame Vidal lance une espèce de diatribe, de boule puante idéologique. Elle parle d'"islamo-gauchisme" pour dévier des problèmes réels qui sont ceux de la précarité du financement de la recherche".

Pour Anna du collectif étudiant "Le poing levé", l'une des organisations étudiantes solidaires des enseignants-chercheurs signataires de la pétition contre la ministre : "ce n'est pas juste une diversion, c'est aussi le prolongement d'une attaque islamophobe et sécuritaire sur le plan universitaire puisque les études qu'elle vise en fait, ce sont les études sur le genre, sur la classe, sur la race. Ce sont des études essentielles et pourtant très minoritaires dans l'enseignement supérieur et la recherche qui visent à comprendre et déconstruire les rapports d'oppression et d'exploitation".

Les enseignants-chercheurs soutenus par leur université dénoncent une menace sur l'indépendance de la recherche et sur les débats contradictoires. Le colloque qu'ils ont organisé a été relayé sur les réseaux sociaux.

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