"Islamo-gauchisme" : 600 noms de chercheurs, dont une vingtaine de Toulouse, livrés à la vindicte sur internet

Accusés d'être "complices de l’islam radical", les noms de 600 chercheurs, dont une vingtaine de Toulouse (Haute-Garonne), ont été publiés sur internet. Les universitaires pointent du doigt la responsabilité de leur ministre, Frédérique Vidal. Le CNRS va déposer plainte.

Le 20 février dernier, ils sont 600 universitaires et chercheurs à avoir signé une tribune dans le Monde. Tous demandent la démission de Frédérique Vidal après que la ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche ait indiqué son souhait d'ouvrir une enquête menée par le CNRS sur la présence de l’ « islamo-gauchisme » au sein de l’Université.

24 heures plus tard, la totalité de ces noms étaient publiés sur un blog, proche de la mouvance d’extrême droite, les désignant comme "600 gauchistes (et quelques autres) complices de l’islam radical qui pourrissent l’université et la France".

Cette liste contient les noms des personnes, toutes payées par l’Etat donc par l’impôt des Français, souvent fonctionnaires, pour effectuer d’hypothétiques recherches qui n’intéressent qu’eux-mêmes et la sphère gauchiste plus ou moins radicale. Ces recherches, dont tout le monde se fiche éperdument qui n’ont, dans la grande majorité des cas, aucune utilité, servent à développer les théories qui ont pour unique but que de faire avancer l’islam et par conséquent le radicalisme islamique  à l’université en particulier et en France en général.

Texte accompagnant la liste des 600 noms de chercheurs

Frédérique Vidal a "ouvert la boite de Pandore"

Parmi cette liste une vingtaine d’universitaires toulousains dont l’historien Franck Gaudichaud, de l’université Toulouse Jean Jaurès. Même si cette liste l’inquiète, ce que retient avant tout le maître de conférence c’est le rôle joué par la ministre Frédérique Vidal.

On voit que les déclarations de la ministre se prêtent à ce type de manœuvres de la part de la fachosphère. Elle a ouvert la boîte de Pandore. Elle cherche des têtes de turcs en inaugurant une chasse aux sorcières dans un moment où l’université traverse une période très difficile. C’est ça qui est scandaleux.

Franck Gaudichaud, Historien - université Toulouse 2 Jean Jaurès

Un sentiment partagé par cette enseignante également de l’université Toulouse Jean Jaurès dont le nom a été divulgué et qui souhaite conserver l’anonymat : "J’en veux à la ministre qui a lancé cette polémique inutile. On est dans un détournement de l’attention hyper fort. Elle a quand même déclaré que tous les cours reprendraient en présentiel. Nous sommes le 8 mars et personnellement je n’ai vu aucun étudiant depuis des mois."

Une polémique pour cacher la situation des étudiants

En revanche, elle évoque ses étudiants "en dépression" dans l’attente "d'un rendez-vous chez le psy depuis trois, quatre, six mois"  et ceux "à l’aide alimentaire". "Pour moi, il y a toutes ces questions qui sont importantes et c’est un peu dommage qu’une personne ayant publié cette liste mobilise plus l’attention que les étudiants qui font la queue pour manger. C’est très triste mais aussi très révélateur de la place de l’université aujourd’hui".

Face à la situation, le CNRS a décidé de saisir la justice.

Je suis contente que le CNRS réagisse, avoue l’universitaire. Mais la réaction que j’attends c’est celle de la ministre et celle du chef du gouvernement. Cette ministre a contribué à mettre en danger des enseignants et des chercheurs. Ce climat est alimenté par les responsables politiques. Jean-Michel Blanquer qui a parlé de l’islamo gauchisme, Frédérique Vidal qui réutilise ce terme qui ne renvoie à rien. Il y a un climat, une montée de l’extrême droite qui est dangereuse mais aussi des responsabilités politiques et collectives de jouer avec le feu. On est dirigé par des personnes politiques dont le seul but est de créer de telles situations.

Chercheuse - université Toulouse 2 Jean Jaurès

La justice saisie

Franck Gaudichaud va se signaler au CNRS. L'historien ne se sent pas menacé personnellement : "je sens en revanche qu’il y a une menace collective sur l’indépendance de la recherche, le débat contradictoire. Le débat entre les pairs. Ce qui est inquiétant c’est que cela prenne de l’ampleur. La liste est devenue soit disant la liste d’islamo-gauchistes alors que c’est une affabulation complète."

Contactée, la présidence de l’Université Toulouse 2 Jean Jaurès a indiqué à France 3 Occitanie qu’elle porterait également plainte, se constituerait partie civile dans ce dossier et offrirait la protection fonctionnelle à ses enseignants.

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