Insultes, documents jetés à la figure, agressions : le mal-être des médecins de plus en plus confrontés à la violence

Plus d'un millier d'actes de violence déclarés en 2022. Le sentiment d'insécurité augmente dans les cabinets médicaux. En Occitanie, près de 95% des médecins libéraux sondés disent "avoir déjà géré des situations de violence."

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Une société de plus en plus violente et qui touche tous les secteurs d'activité, y compris les équipes de secours et les soignants. L'union régionale des professionnels de santé d'Occitanie a souhaité faire un état des lieux auprès des médecins libéraux de la région. 441 d'entre eux ont répondu à un sondage, réalisé en février 2024. Les résultats viennent d'être communiqués : près de 95% des médecins libéraux interrogés disent déjà avoir eu à gérer des situations de violence.

Violence verbale, physique et psychologique

La majorité des médecins libéraux ayant répondu à ce sondage sont des femmes et travaillent en cabinet de groupe en milieu semi-rural. Et globalement, rares sont ceux qui n'ont jamais eu à gérer une situation de violence. 

75,9% des médecins ont déjà été victimes de violence sur ces trois dernières années, dont 30% plusieurs fois par an. Plus alarmant encore, 310 des 441 médecins interrogés évoquent des atteintes à leur personne : violence verbale, physique ou psychologique.

"La situation au sein de nos cabinets devient très, très problématique", commente un médecin libéral dans ses réponses au questionnaire de l'URPS Occitanie. Plusieurs médecins estiment que les agressions ont augmenté après la crise Covid et ses confinements.

"Je constate surtout pour ma part une pression psychologique assez énorme de la part des patients. Certains peuvent faire du harcèlement téléphonique afin d'obtenir ce qu'ils veulent", témoigne un médecin qui a repris le cabinet de ses parents dans une petite ville.

En quatre ans d'exercice, je suis psychologiquement au fond du trou et physiquement usée.

Un médecin libéral

Installée dans la petite ville où elle a grandi, ce médecin pensait que le fait qu'on la connaisse et qu'elle reprenne le flambeau de ses parents, cela la protégerait d'une certaine manière. Mais aujourd'hui, elle témoigne d'une violence "plus sournoise", très psychologique. "Récemment, j'ai perdu mon frère qui s'est suicidé. Scandale. Plusieurs patients m'ont accablée : "c'est curieux Docteur que vous ne l'ayez pas vu venir, que vous n'ayez pas compris que ça n'allait pas", raconte ce médecin. "En quatre ans d'exercice, je suis psychologiquement au fond du trou et physiquement usée."

Secrétaires et collaborateurs en première ligne

Les cris, les insultes... Des gestes violents de la part des patients qui frappent sur le mobilier ou leur jettent des documents à la figure. Ce sont les secrétaires et collaborateurs qui se retrouvent tout particulièrement en première ligne dans les cabinets médicaux.

"Les patients respectent encore le médecin que je suis, mais ne respectent pas le personnel", témoigne un médecin. Beaucoup lui emboîtent le pas. Ce sont les secrétaires qui voient particulièrement le niveau de violence verbale monter en intensité. Un rendez-vous jugé trop éloigné dans le temps. Refus de nouveaux patients. Et la situation dégénère.

"Avis humiliants sur internet" 

Autre évolution sociétale pouvant entraîner un certain malaise chez les médecins libéraux : l'usage du numérique avec son lot d'avis laissés publiquement. "Des avis humiliants sur internet auquel nous ne pouvons pas, déontologiquement, répondre", précise un médecin pour qui, "cela fait aussi partie de la perte de sens dans l'exercice du métier."

 Cela devrait être soumis à une réglementation plus stricte protégeant la réputation de notre profession.

Un médecin libéral

Sur les 441 médecins libéraux interrogés, et dont près de 76% ont été victimes de violence au cours des trois dernières années, seuls 18% ont déjà porté plainte. Plainte classée sans suite, jugement au tribunal huit ans après une agression, manque de soutien du conseil de l'ordre sont aussi évoqués par les médecins interrogés. Certains se disent également victimes d'un système défaillant.

"Violences institutionnelles"

La difficulté d'accès aux soins est plusieurs fois évoquée comme source potentielle de la colère exprimée par les patients. "Impression de défaillance globale du système de soins, écrit un médecin. Ce qui rend agressifs les patients car nous sommes parfois (souvent) en incapacité de leur apporter les soins adaptés aussi rapidement que cela serait nécessaire."

Comment être respecté par nos patients quand les autorités de santé nous méprisent à ce point ?

Un médecin libéral

Échanges et relations entre acteurs et autorités de santé peuvent aussi donner lieu à des situations conflictuelles. Voire des "violences institutionnelles" comme le souligne l'Union régionale des professionnels de santé. "La médecine générale est abandonnée. Dans cinq ans, il n’y aura plus de médecin généraliste tels qu’ils étaient jusqu’à présent, moi y compris", témoigne un professionnel.

Quelle attitude adopte ces médecins face à ce sentiment d'insécurité et cette augmentation des violences en tout genre ? Un tiers évite d'être seul. 12,6% ont décidé de réduire ou d'arrêter les gardes. 10,3% n'assurent plus de consultation à domicile.

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