"La psychiatrie, c'est le parent pauvre de chez pauvre de la médecine" : témoignage et analyse d'un profond malaise

Viol, agression sexuelle, suicide d'un patient... Les urgences psychiatriques du CHU de Toulouse ont connu des situations dramatiques en ce début 2024. Le ministre de la Santé a demandé une enquête de l'inspection générale. Qu'en disent les familles de malades ? Nous avons sollicité une responsable d'association. Entretien.

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"C'est intolérable. La situation, telle qu'elle est, est intolérable." C'est avec ces mots que la déléguée départementale de l'Union des familles et amis des personnes malades ou handicapées psychiques, entame notre conversation. Après les agressions sexuelles et le suicide de patients aux urgences psychiatriques du CHU de Toulouse, Josette Arvieu a accepté de partager son regard sur la prise en charge des malades.

L'Unafam est une association de bénévoles qui apporte soutien, écoute et accompagnement aux proches de personnes souffrant de troubles psychiques. Elle a également le statut officiel de représentant des usagers au sein des commissions des établissements hospitaliers. Josette Arvieu a participé à la première réunion, lundi 26 février 2024, du comité de suivi mis en place au CHU de Toulouse après les drames qui s'y sont joués.

"Les urgences, normalement, c'est un lieu de passage"

Des urgences sursollicitées alors qu'elles manquent cruellement de personnel. Surmenage, démission, Josette Arvieu salue ces soignants confrontés à "une équation impossible", à savoir "faire avec les moyens qu'ils ont ou qu'ils n'ont pas". Mais ce qui inquiète tout particulièrement la déléguée départementale de l'Unafam-31, c'est que les urgences psychiatriques pallient les manques de tout un secteur.

L'homme souffrant d'un trouble bipolaire et qui s'est suicidé, a passé dix jours sur un brancard de consultation. Avec l'engorgement des services, l'attente de prise en charge est devenue extrêmement longue pouvant entraîner pour le patient "une augmentation des angoisses."

Les urgences, normalement, c'est un lieu de passage, un lieu de consultation. Mais elles sont devenues un lieu d'hospitalisation sans avoir les moyens de donner des soins.

Josette Arvieu, déléguée départementale de l'Unafam-31

"Les soignants passent un temps fou à téléphoner pour chercher des lits qui n'existent pas, alors que sur la Haute-Garonne il y a 1100 lits. Mais sur ces 100, 308 sont dans le public, au CHU et à l'hôpital Marchand. Tous les autres sont dans les huit cliniques privées de la métropole, poursuit la responsable d'association. 

Le manque de fluidité, de coopération entre public et privé, c'est le point crucial mis en exergue et dénoncé par le ministre de la Santé, lors de sa venue au CHU le 20 février dernier. "Certes, mais ce n'est pas le seul problème", nous dit Josette Arvieu.

Travail en amont

Les bénévoles de l'Unafam offrent une écoute et un accompagnement des proches qui, comme la personne malade, vont se retrouver dans le déni et la souffrance. Il peut se passer beaucoup de temps avant la prise en charge alors que la situation dégénère. "J'en entends des histoires de toutes les familles qu'on accueille. Vous avez des mamans qui nous disent que leur fils de 30 ans les violente, qu'elles ont peur, qu'elles s'enferment."

Il y a cette souffrance de ne pas savoir et de ne pas arriver à accompagner une personne, à convaincre une personne de se soigner si tant est que les soins existent.

Josette Arvieu

Mais vers qui se tourner en cas de crise, à part les urgences ? "Pour consulter, il y a les centres médico-psychologiques", rappelle Josette Arvieu. Mais voilà, ils sont également surbookés. "Les CMP sont répartis par secteur, nous explique-t-elle. Un secteur de psychiatrie à la base a été conçu pour une population de 70 000 habitants. Dans certains secteurs, la population a triplé. Et face à cette augmentation de la population, rien n'a bougé."

C'est l'un des points soulevés par l'Unafam : travailler plus en amont sur la prise en charge psychiatrique.

"Il faut que ça change de tout au tout"

L'association compte 500 adhérents. Et "on accueille en moyenne trois nouvelles familles par semaine. C'est énorme." C'est dire l'ampleur des besoins d'aide quant à la prise en charge des malades et l'accompagnement de leur famille.

"Il faut qu'il y ait d'autres accompagnements, qui ne sont pas du domaine du médical pur et dur. Le travail accompagné, ça existe. Il y a les groupes de thérapies. Les idées, elles ne manquent pas. Et cela reste trop souvent des initiatives ponctuelles", selon Josette Arvieu.

La psychiatrie, c'est le parent pauvre de la médecine. Parent pauvre de chez pauvre. Donc là, au niveau des moyens donnés à cette spécialité de la médecine, il faut que ça change de tout au tout.

Josette Arvieu

L'Unafam n'a pas vocation à s'occuper directement des patients. Les bénévoles ne sont pas qualifiés pour ça. En revanche, l'association propose aux familles touchées un certain nombre de mesures d'accompagnement comme des groupes de parole animés par un psychologue ou encore des journées d'information sur des troubles spécifiques.

Respect des droits

Elle se bat également pour les droits des personnes handicapées psychiques, désormais reconnues en tant que tel. L'Unafam a obtenu dernièrement des victoires. La première concerne une prestation allouée par les MDPH, "une aide humaine pour, par exemple, accompagner les personnes, qui ont des troubles, faire leurs courses." La deuxième tient dans un recours collectif auprès de la justice européenne qui a reconnu l'État français coupable de non-respect des droits des personnes handicapées. 

C'est là une décision importante pour Josette Arvieu. "Après, quand il y a des discussions et des négociations, on ne peut pas nous dire que tout va très bien."

Une personne qui reste dix jours sur un brancard, des malades entassés dans des couloirs... Où est la confidentialité, où est le respect des droits ?

Josette Arvieu

L'Unafam-31 va continuer à porter la voix des usagers des structures hospitalières et des familles au sein des différentes commissions et comité de suivi mis en place au CHU de Purpan.

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