La fin de la trêve hivernale est effective depuis le 31 mars. Face au risque d’explosion du nombre de personnes à la rue, les acteurs sociaux se mobilisent. Entretien avec Anne-Claire Hochedel, déléguée régionale Occitanie de la fédération des acteurs de la solidarité (FAS).
Combien de personnes vont se retrouver à la rue à compter de ce samedi 1er avril ? Impossible de répondre précisément à la question, alors que la trêve hivernale, qui interdit l’expulsion de locataires en situation de loyers impayés ou banni la coupure de courant dans ces logements, a pris fin le 31 mars.
Cette année, près de 19.000 personnes sont menacées d’expulsion depuis a fin de la trêve hivernale, dénonce la Fondation Abbé Pierre qui lutte contre le sans-abrisme en France et craint un nombre record de personnes à la rue. Une inquiétude largement partagée en Occitanie par les associations pour le droit au logement.
Les personnes qui risquent de se retrouver à la rue font partie des populations vulnérables.
Anne-Claire Hochedel, FAS Occitanie
France 3 Occitanie : Avec la fin de la trêve hivernale, le nombre de personnes qui se retrouvent à la rue risque-t-il d’exploser comme le craint la Fondation Abbé Pierre ?
Anne-Claire Hochedel : Chaque soir à Toulouse, environ 150 personnes appellent et n’ont pas de réponse. L’hébergement d’urgence est complètement saturé à Toulouse. Même si le nombre de demandes de relogement ou d’hébergement reste le même depuis plusieurs mois et qu’il y a des créations de places. Aujourd’hui, le taux de demandes non pourvues est élevé et il explose dans toutes les grandes villes de France. Toulouse ne fait pas exception. Surtout qu’à Toulouse, on a une demande très forte qui vient de familles.
France 3 Occitanie : Pourquoi cette pression est-elle si forte à Toulouse ?
Anne-Claire Hochedel : Toulouse est une grande ville. Et la pression est forte dans toutes les grandes villes en France aujourd’hui. Ce n’est malheureusement pas un cas isolé. Dans les grandes villes, on croise des gens qui ont les moyens et et des gens qui n’ont pas les moyens mais qui sont attirés par les services, par le fait de potentiellement pouvoir subvenir à ses besoins en trouvant un travail déclaré ou non. C’est le cas dans toutes les grandes métropoles. En Occitanie, Toulouse est dans une situation particulière puisque c’est LA grande ville de la région. Bien qu’à Montpellier aussi on ait une pression qui est maintenant très forte.
Dans le privé, les loyers restent très élevés, en tous cas trop élevés pour des personnes avec des ressources réduites.
Anne-Claire Hochedel, FAS Occitanie
France 3 Occitanie : Quelles sont les solutions qui existent pour héberger les familles à la rue ?
Anne-Claire Hochedel : À Toulouse, on a un taux de prise en charge à l'hôtel qui est très important, entre 2.100 et 2.900 personnes sont concernées. Mais nous, on se bat pour qu’il y ait une diminution du nombre de recours d’hébergement à l’hôtel. Parce que trop souvent ce sont des situations où les habitants se retrouvent souvent dans des logements indignes. Il faut trouver un moyen de leur proposer une autre offre adaptée.
France 3 Occitanie : Comment expliquer cette saturation ?
Anne-Claire Hochedel : Le sans-abrisme, de toutes les façons, malheureusement, ne diminue pas. Et pourtant, à Toulouse, on est face à une décrue de la construction de logements. Depuis la période du Covid, même s’il y a eu une accélération des constructions, il y a eu une pause et là on assiste à une production insuffisante de logements. Les bailleurs sociaux, qui sont ceux qui répondent aux demandes des personnes en difficulté ou qui se trouvent en précarité économique, ne peuvent plus ou ne peuvent pas proposer suffisamment de logement. Dans le privé, les loyers restent très élevés, en tous cas trop élevés pour des personnes avec des ressources réduites et c’est un frein.
France 3 Occitanie : Et paradoxalement, vous indiquez que bon nombre de personnes arrêtent de faire une demande de logement ?
Anne-Claire Hochedel : D’abord, parce que les dispositifs que l’on a pu mettre en place répondent à un besoin. Ceux qui sont hébergés laissent la place à ceux qui ne faisaient même plus la demande. La saturation des dispositifs vient cacher la demande. Quand on arrête de faire une demande parce que les services sont saturés ça ne veut pas dire que l’on n’est plus à la rue. on peut toujours se trouver dans une situation difficile.
Les chiffres du non hébergement vont de pair avec les chiffres de fréquentation des banques et des aides alimentaires.
Anne-Claire Hochedel, FAS Occitanie
France 3 Occitanie : L’inflation et la crise économique renforcent-elles vos inquiétudes ?
Anne-Claire Hochedel : Les personnes qui risquent de se retrouver à la rue font partie des populations vulnérables. Et le contexte économique les fragilisent encore plus. Les chiffres du non hébergement ne concernent pas uniquement les questions du mal logement ou du sans-abrisme. Ils vont de pair avec les chiffres de fréquentation des banques et des aides alimentaires. Et ils sont tous en augmentation. Surtout que depuis le Covid et la crise sanitaire, on est sur une pente et ça reste très difficile. On n’arrive pas à retrouver un équilibre.