À compter de ce samedi 1er avril, c’est la fin de la trêve hivernale partout en France. À Toulouse (Haute-Garonne), des associations de défense du droit au logement s'inquiètent du nombre d’expulsions à venir. Certaines craignent un pic de personnes sans abri.
En période de trêve hivernale, les fournisseurs d'énergie ont interdiction de couper l’électricité, le gaz ou le chauffage au domicile des personnes qui ne sont pas en capacité de régler leurs factures. Mais il est également interdit d’expulser tout locataire qui occupe légalement même en situation de loyers impayés un logement durant cette période. Débutée le 1er novembre dernier, elle s’est achevée vendredi 31 mars 2023.
“Chaque année c’est pareil, vous savez. On va avoir des gens qui se retrouvent à la rue alors qu’ils ont fait toutes les démarches”. Selon Laurence Kantzer, représentante légale de l’association Droit au logement de Haute-Garonne (DAL31), la fin de la trêve hivernale, "va mettre à la rue des gens qui se retrouvent dehors, sans solution de relogement, alors que toutes les démarches ont été faites”.
Une sexagénaire toulousaine bientôt à la rue
À l’instar d’une retraitée de 77 ans et sa fille. Depuis plusieurs années, elles sont toutes deux locataires d’un immeuble situé au centre-ville de Toulouse. Il a récemment été mis en vente par ses propriétaires. Mère et fille sont donc contraintes de quitter les lieux mais n’ont nulle part où aller après leur déménagement forcé. Pourtant, “elles ont fait tout ce qui était possible pour trouver une solution de relogement”, assure-t-on au DAL31. En vain.
Une fois que les délais de prises en charge arrivent à échéance, il y a souvent des pressions et on force les locataires à partir.
Laurence Kantzer, DAL31
Après s’être rapprochées de l’association, avoir la décision d’expulsion mère et fille vont bel et bien se retrouver à la rue. “C’est une aberration”, dénonce Laurence Kantzer. Le DAL31 a bien tenté de mener des actions en justice pour suspendre la procédure d’expulsion. Mais là encore, les démarches sont longues. “Quand on se lance, ça peut durer plusieurs semaines. Parfois, le juge rend une décision qui peut ne pas s’appliquer. Parfois on arrive à trouver des solutions temporaires de relogement, par exemple à l’hôtel. Mais une fois que les délais de prises en charge arrivent à échéance, il y a souvent des pressions et on force les locataires à partir”, raconte encore Laurence Kantzer.
Jusqu’à 16.000 expulsions chaque année
Depuis la pandémie de Covid-19, le nombre d’expulsions annuelles est plutôt stable sur l’ensemble du territoire. Ces dernières années, elles étaient entre 12.000 et 16.000 dans toute la France, indique la Fondation Abbé Pierre. Mais cette année, elle craint une augmentation significative, notamment à cause de l’inflation.
Selon Sylvie Chamvoux, qui pilote l’antenne régionale en Occitanie, le nombre d'expulsions à compter de la fin de la trêve hivernale risque d’atteindre des records cette année dans la région. “Non seulement les gens se retrouvent à la rue mais en plus ils ont déjà passé beaucoup de temps dans des logements indignes”. La responsable, qui indique avoir recoupé des témoignages dans toute la région, dénonce un manque criant de moyens alloués aux solutions de relogement. “Mettre toujours plus de personnes dans la rue n’est pas une solution”, lance ainsi Sylvie Chamvoux.
“Des gens meurent dans la rue toute l’année”
Parmi les personnes sous le coup d’une expulsion, des familles nombreuses souvent en situation de grande précarité. D’après les remontées effectuées par les quelques 50 bénévoles actifs au sein du DAL31, elles sont désormais expulsables à compter de ce samedi.
Thomas Coudrette, représentant du collectif d'entraide et d'innovation sociale de Haute-Garonne (CEDIS 31), souligne que la fin de la trêve hivernale est d’autant plus inquiétante que “les gens meurent dans la rue toute l’année”. Son organisme, qui intervient auprès des personnes à la rue qui viennent d’être expulsées, en témoigne. Eté comme hiver, les décès de personnes sans abri sont signalés et recensés. “Donc c’est bien de se mobiliser à la fin de la trêve hivernale, c’est bien sûr une date importante, mais il faut trouver des solutions pérennes toute l’année”, assure le responsable toulousain.
Selon le décompte effectué par l’association toulousaine Goutte de vies, qui fait le décompte des personnes sans abri mortes dans la rue, 30 décès sont à déplorer en 2022.