Interrogé longuement ce mardi matin, Jean-Baptiste Rambla a aussitôt dévié vers ce qui le hante depuis 47 ans : l’enlèvement et le meurtre de sa sœur aînée Marie-Dolorès Rambla et l’affaire médiatique qui s’en est suivie. Le président l’a laissé s’exprimer.
Tout le ramène à ce passé et il ne s’anime que quand il en parle. "J’ai perdu ma sœur. Depuis que j’ai six ans, elle me manque. Je veux faire rétablir les faits qui m’ont pourri la vie", explique-t-il.
Jean-Baptiste Rambla a six ans en effet lorsqu'un matin de juin de l'année 1974, un homme les aborde, lui et sa grande soeur, devant le domicile familial où ils jouent. Il prétend avoir perdu son chien, encourage le petit garçon à le chercher. Au retour de ce dernier, nulle trace de l'homme ni de sa soeur. On retrouvera le corps de la fillette le lendemain, dans une champignonnière, le crâne fracassé à coups de pierres.
Peu après, Christian Ranucci est arrêté. Il nie, puis avoue avant de se rétracter. Il est condamné à mort et guillotiné avant que des doutes ne soient exprimés. Et divisent l'opinion publique française.
Un drame et une obsession
La famille Rambla, elle, n'a jamais douté. Et Pierre Rambla, le père de l'accusé, en a fait un cheval de bataille. Ne laissant guère de répit à sa famille pour se reconstruire après le drame.
"Il n’y a jamais eu de débat contradictoire", poursuit Jean-Baptiste Rambla. "Nos images ont été jetées en pâture, des images volées. Vous imaginez, mon père qui s’évanouit après avoir reconnu le corps de ma sœur, on le photographie et c’est publié ! Pareil à la maison, quand il l’annonce à ma mère : publié ! C’est inadmissible. Le chemin du deuil, on ne l’a jamais fait".
C’est une machine diabolique qui ne va cesser de nous écraser.
Le plus insupportable, pour lui, c’est ce livre, "Le pull-over rouge", de Gilles Perrault, qui porte l’hypothèse de l’innocence de Christian Ranucci, condamné à mort pour le meurtre de Marie-Dolorès. Et qui s’appuie entre autres sur le témoignage de Jean-Baptiste, six ans, témoin de l’enlèvement et qui n’a pas reconnu sur les photos présentées par la police Christian Ranucci, ni la voiture. Une terrible culpabilité qui ne le lâchera pas. "Il a transformé une vérité judiciaire", dit-il, parlant de Gilles Perrault.
Vérité ou erreur judiciaire
Adolescent, il lit le dossier judiciaire "pour se faire son opinion". Et sa rage, il la tourne vers les médias, la justice qui a laissé planer le doute. "J’en veux à la justice car elle a laissé dire que c’était éventuellement une erreur judiciaire". Il dit sa haine d’un auteur [Gilles Perrault, NDLR] qui, selon lui, s’est fait de l’argent sur leur histoire et raconte que son père faisait du scandale dans les librairies qui vendaient l’ouvrage à Marseille. Il dit encore que quand les droits du livre ont été vendus et le film réalisé, son père, Pierre Rambla, a menacé de "mettre une bombe" dans les cinémas qui le diffuseraient. Et de fait, une interdiction de projection avait touché plusieurs communes de l'agglomération marseillaise.
L’avocat général David Sénat s’agace : "Qu’est-ce que vous voulez ? Qu’on rétablisse la censure, qu’on brûle des livres, qu’on pende des auteurs ?".
Et le président de renchérir : "Si votre demande, monsieur Rambla, c’est que des gens ne disent plus que Ranucci est innocent, ça n’arrivera pas et vous ne vous en sortirez jamais… "