"La franc-maçonnerie, c'est s'obliger à la réflexion" : Paul Dedieu, 95 ans, l'un des plus vieux membres de la loge à Toulouse

L'Occitanie compte 22.000 francs-maçons dont 3000 à Toulouse. Parmi-eux, Paul Dedieu. Malgré ses 95 ans, le Toulousain continue à "plancher" au sein du Grand Orient. Ce vénérable participe le week-end du 26 novembre 2022 au 7e salon de la franc-maçonnerie à Toulouse. Rencontre.

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Il y a près de 70 ans, en 1953, Paul Dedieu, rédigeait son testament philosophique dans un cabinet de réflexion avant qu'on ne lui ouvre les portes de la loge du Grand Orient, à Toulouse (Haute-Garonne). Les rites initiatiques qu'il a passés ont fait de lui un "frère" : un franc-maçon. Aujourd'hui âgé de 95 ans, l'ancien résistant et instituteur, est l'un des plus vieux membres toulousains de la franc-maçonnerie parmi les 3000 de la Ville Rose.

De Maître à Vénérable du Grand Orient de Toulouse

"Je jouis d’une retraite assez longue avec la chance de conserver presque intactes mes capacités intellectuelles" souligne-t-il l'oeil malicieux.

C'est un ami et collègue qui lui a proposé de rejoindre ses rangs. "Avant d'accepter, je souhaitais avant tout que l'on ne me juge pas pour mes opinions politiques et que l'on ne m'oblige pas à voter pour un tel plutôt qu’un autre. J’ai accepté, car je savais de quoi il s’agissait et comment cela fonctionnait, notamment ce qu'était une loge. Je ne savais rien en revanche du rituel."

L'instituteur va faire son apprentissage. Il va progressivement monter en grade obtenant celui de Maître, d'officier puis de Vénérable de la loge du Grand Orient de Toulouse. Une pièce décorée de symboles comme l'équerre, le compas, l'œil de la Providence, le sol en damier noir et blanc, une corde à nœuds se déployant tout le long des murs et un plafond bleu étoilé représentant une voûte étoilée, loin du regard du monde extérieur et de ces affres.

Réfléchir et débattre sur tous les sujets de société

C'est dans cet environnement et à travers des rites, demeurés secrets pour la plupart, que Paul Dedieu va "s'obliger à la réflexion" : "Chacun a ses motivations personnelles pour être franc-maçon, estime-t-il. J’ai trouvé là le lieu où l’on pouvait s’exprimer en toute liberté, de penser. C’est un lieu qui m’a aussi obligé à travailler sur le plan de la réflexion philosophique. Cela m’a obligé intellectuellement. La franc-maçonnerie m’a obligé à la réflexion. Nous devons en tant que franc-maçon présenter des planches, c’est-à-dire des travaux sur l’humanisme essentiellement, une réflexion sur qu’est-ce que l’homme? Cela m’a empêché de dormir intellectuellement.

Le changement du climat, l’avenir de l’humanité, le transhumanisme, mais aussi le sport, les loisirs, la misère, l'emploi, le chômage, les religions. Tous les sujets de société sont abordés et débattus au sein des loges. "Les francs-maçons s’intéressent à l’actualité dans une démarche toujours critique. Actuellement, par exemple, je travaille sur les impératifs moraux. Cela nous fait remonter jusqu’à Kant. Je suis en train d’établir une planche en loge, que je présenterai un jour ou l’autre" révèle l'instituteur à la retraite.

Casser l'image d'une franc-maçonnerie à l'influence tentaculaire

L'expérience va lui permettre également de vivre "la fraternité" au sein de sa loge comme en dehors. Des liens qui viennent entacher régulièrement l'image de la Franc-maçonnerie, accusée d'étendre son influence dans les sphères politiques et professionnelles.

Paul Dedieu le reconnaît : "cela a été un réseau d’influence. Cela l’est beaucoup moins aujourd’hui. Quand je suis rentré, 8 sur 10 étaient engagés politiquement. Aujourd’hui, c’est l’inverse. Alors à la question, est-ce que la franc-maçonnerie est un lieu de conspiration ? Moi, je ne l'ai jamais connu."

Mais la franc-maçonnerie du siècle dernier n'est plus la même que celle d'aujourd'hui. "Il y a un siècle, c’était un engagement dans la société, explique Daniel Chartagnac, président de l'Institut Toulousain d'Études Maçonniques. Aujourd’hui, c’est plus un domaine de réflexion. Cela correspond à une époque de déconstruction et d’interrogations. Au 19e siècle, on s’engageait autour de l’âge de 20 ans. Aujourd’hui, c’est autour de l’âge de 40 ans. Lorsque les choses commencent à être posées. Lorsque l'on a une famille, un travail stable. C’est aussi un lieu de formation individuelle, pour en savoir un peu plus sur les autres que sur soi-même."

D'ailleurs, les francs-maçons se font moins discrets. Un peu à l'image des Anglo-saxons qui ont pignon sur rue, ils s'ouvrent de plus en plus vers l'extérieur, comme avec ce 7e salon de la franc-maçonnerie à Toulouse le week-end du 26 novembre 2022, afin de mieux se faire connaître, faire disparaître les préjugés, les peurs. "La principale idée de la franc-maçonnerie, c’est la liberté individuelle, la liberté de choix" assure Paul Dedieu qui défendra cette philosophie jusqu'à son dernier souffle.

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