La perte de lignes d'assemblage Airbus à Toulouse : le cauchemar de l'aéronautique confronté aux limites de la loi Zéro artificialisation

La loi ZAN (Zéro artificialisation nette) a été votée l'an dernier pour réduire de moitié, puis stopper, à horizon 2050, les nouvelles artificialisations de sols, pour des constructions immobilières ou industrielles. Une mesure écologique, votée par le député centriste de Haute-Garonne Jean-François Portarrieu. Mais il alerte désormais sur les contraintes qui pèsent sur l'industrie aéronautique, et les risques pour son développement.

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"Cette loi, je l'ai voté à deux mains, assure fièrement Jean-François Portarrieu. Mais il faut bien réfléchir à comment on la met en place, et mieux anticiper les contraintes." Le député de l'Alliance centriste sait de quoi il parle. Très attentif à la santé de l'industrie aéronautique toulousaine, le Haut-garonnais a tenu à alerter le gouvernement, vendredi 1er mars 2024, sur de possibles trous dans la raquette de la loi ZAN (Zéro artificialisation nette). 

Dans une question au gouvernement, l'élu souligne : "Airbus a enregistré une commande exceptionnelle d'environ 2100 appareils, de la gamme A320/A321, dont beaucoup sont assemblés à Toulouse. [...] Cela nécessite une montée en cadence de la production. [...] Les entreprises toulousaines du secteur sont confrontées à un nouveau problème, avec un manque de foncier disponible pour se développer." 

L'aéronautique, pas d'intérêt national ?

Et ce problème de foncier ne devrait pas aller en s'arrangeant. Car dans le cadre de la loi ZAN, l'Etat met à disposition de certains secteurs une "enveloppe" de 125.000 hectares. Sorte de dérogation de construction pour des entreprises qui portent un "projet d'intérêt national". Mais le groupe Airbus, comme toute l'industrie aéronautique, n'en fait pas partie

"J'alerte le gouvernement là-dessus, mais aussi les entreprises de la région, pour qu'elles se réveillent. Il ne faudrait pas que, dans 3 ou 4 ans, Airbus ne puisse plus construire de ligne d'assemblage à Toulouse. Parce que d'autres ne se gêneront pas pour les accueillir, la Chine par exemple", se désole le député. 

À Cornebarrieu, commune limitrophe de l'aéroport de Blagnac, Alain Toppan, le maire, va dans le même sens. "Pour moi, ce serait une décision politique gravissime. On a toujours imaginé que l'aéronautique serait là, à Toulouse, pour toujours. Mais il faut s'en donner les moyens. Airbus a de telles contraintes aujourd'hui, sur le plan de l'assemblage par exemple, que l'idée d'aller se développer ailleurs ne serait pas complètement hors-sujet."

L'édile de poursuivre : "On sait qu'Airbus a besoin de foncier, ce n'est pas une surprise. Il y a des terrains, autour de l'aéroport, qui sont prévus pour être ciblés par Airbus dans ses projets d'implantation. Ces hectares sont d'ailleurs inscrits dans le nouveau PLUi-H (Plan local d'urbanisme intercommunal de l'Habitat) en cours de préparation par la métropole. Mais il faut pouvoir se projeter, et avoir la garantie que ces terrains puissent être constructibles dans les années à venir."

Une réponse de l'Etat

Après sa question au gouvernement, Jean-François Portarrieu a pu obtenir une première réponse de Patrice Vergriete, Ministre des Transports. "Déjà, il m'a dit que j'avais raison, je ne m'attendais pas à ça (rires). Il m'a dit que le gouvernement était ouvert aux changements dans cette enveloppe pendant encore un an ou deux."

Le Ministre a aussi rappelé qu'en plus de l'enveloppe nationale de 125.000 hectares, une enveloppe locale était à la disposition des régions, à hauteur de 12.500 hectares. Cette enveloppe pourrait ainsi être utilisée auprès de l'industrie aéronautique. 

Pour le maire de Cornebarrieu, Alain Toppan, "ne pas compter une entreprise comme Airbus dans l'enveloppe nationale, je trouverais ça curieux. Et renvoyer vers la Région, alors qu'on parle d'un groupe d'envergure européenne, c'est aberrant."

Du côté d'Airbus, officiellement, on ne parle pas de nouvelles constructions à venir. L'entreprise est consciente qu'elle va avoir besoin d'étoffer ses lignes de production, et cite l'exemple de son site d'assemblage Lagardère, à Cornebarrieu. Les installations liées à l'A380 y ont récemment été démantelées, pour implanter une ligne d'assemblage A320, et bientôt une deuxième en supplément. De quoi croître ses capacités, sans s'étendre. 

Un problème de communication

Jean-François Portarrieu a discuté avec les cadres du groupe Airbus "et d'autres industriels de l'aéronautique toulousain", pour sa question au gouvernement. "Ils m'ont remercié d'alerter le gouvernement là-dessus, mais aussi de les alerter eux. Ils m'ont dit qu'ils n'avaient pas tous apprécié l'importance du sujet. Qu'en tant qu'industriels, ils ont un peu la tête dans le guidon."

Pour le député, il y a clairement eu un problème de communication, entre le gouvernement et ces industriels de l'aéronautique. "J'ai fait le lien entre les deux, c'est aussi mon rôle, se félicite Jean-François Portarrieu. À eux aussi maintenant de faire les démarches pour demander ce label de projet d'intérêt national."

Le centriste ne compte pas en rester là, il compte doubler son intervention d'un courrier au Ministère. Et dans quelques jours, il va rencontrer le président de la Chambre de commerce et d'industrie de Toulouse, pour là encore, alerter sur cette situation.

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