La déclaration d'utilité publique du barrage de Sivens (Tarn) a été annulée, plus d'un an après l'abandon du projet, une victoire a posteriori pour les opposants qui les conforte dans leur sentiment que le projet était bien "illégal".
Dans son jugement, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la déclaration d'utilité publique (DUP), l'autorisation de défrichement et la dérogation à la loi sur les espèces protégées (la zone humide de Sivens en comportait une centaine).
Le "surdimensionnement" du projet, ainsi que son "coût élevé" et ses "atteintes graves" à l'environnement "excèdent l'intérêt de l'opération", estime le tribunal. Ces points avaient déjà été soulevés par la ministre de l'Ecologie Ségolène Royal lors de sa décision d'abandonner le projet dès janvier 2015.
LES REACTIONS A L'ANNULATION DE LA DUP
- "C'est la confirmation par la justice que ce projet était bien illégal et que, donc, les opposants, y compris les zadistes, avaient raison", a réagi Ben Lefetey, porte-parole du Collectif Testet, qui réunit de nombreux opposants. "Il aura fallu un mort pour que tout s'arrête", peste l'opposant, en référence au jeune écologiste Rémi Fraisse, décédé le 26 octobre 2014 dans l'explosion d'une grenade de la gendarmerie lors d'affrontements sur le chantier du barrage. En vidéo, le rappel des faits de Pascal Lagorce :
Le tribunal administratif de Toulouse a estimé que le projet de barrage de Sivens n'était pas d'utilité publique. Il donne ainsi raison aux opposants, les fameux zadistes qui ont occupé le site pendant des mois.
- "Comme souvent en France, les bétonneurs ont voulu passer en force", a commenté dans le 19/20 de France 3 Midi-Pyrénées Gérard Onesta, vice-président Europe Ecologie-Les Verts du Conseil régional d'Occitanie. Il a rendu hommage a Rémi Fraisse, aux zadistes et a salué une "victoire du droit" :
- Par l'intermédiaire de ses avocats, la famille de Rémi Fraisse a "salué" le jugement, constatant "avec douleur que si les recours administratifs et le dialogue environnemental avaient été respectés, les travaux n'auraient pas démarré et cette tragédie ne serait jamais arrivée".
- Le département du Tarn, maître d'ouvrage, a quant à lui souligné dans un communiqué que l'annulation de la DUP "s'appuie non pas sur le défaut d'intérêt général mais sur les dimensions" de la retenue d'eau, indiquant que, justement, le nouveau projet a été "redimensionné". "Nul ne conteste aujourd'hui le besoin en eau avéré", ajoute le Département.
"Repartir de zéro"
L'annulation des arrêtés par le tribunal devrait compliquer la mise en place du nouveau projet de retenue d'eau, réduit de moitié, qui avait été adopté le 6 mars 2015 par le département du Tarn en même temps qu'il entérinait l'abandon du projet initial voulu par Ségolène Royal Royal.
Les autorités locales avaient en effet émis le souhait de se baser sur la DUP de l'ancien barrage pour ériger le nouveau. Son annulation obligera à "repartir de zéro", a souligné Ben Lefetey.
Le Premier ministre Manuel Valls avait en mi-septembre 2015 émis le souhait que le nouveau projet de barrage "ne soit pas réalisé à la Saint-Glinglin".
Le second projet Sivens, dit "Sivens light", doit être situé à 330 mètres seulement en amont, voire encore plus près. Il est lui aussi combattu par les opposants au barrage initial, qui estiment que des moyens alternatifs existent pour alimenter en eaux les terres agricoles alentour. "S'ils passent à nouveau en force, on sera là pour s'opposer. Il y aura à nouveau des zadistes", a averti Ben Lefetey.
Le site de Sivens avait été occupé à partir d'octobre 2013 par de nombreux zadistes opposés à la construction, devenant ce que la presse a appelé le nouveau Notre-Dame-des-Landes, en référence à la Zad créée pour s'opposer au projet d'aéroport près de Nantes. Les occupants de Sivens avaient été évacués par les forces de l'ordre le 6 mars 2015.
Le projet initial ne concernait qu'une modeste retenue d'eau d'une surface équivalente à l'Esplanade des Invalides à Paris. Il avait été déclaré d'utilité publique en octobre 2013, après le vote quasi unanime du conseil départemental du Tarn, et malgré trois avis défavorables rendus par le conseil scientifique régional du patrimoine naturel et le conseil national de la protection de la nature.
La mort de Rémi Fraisse le 26 octobre 2014 avait entraîné la suspension du projet qui, en juillet 2014, avait été jugé par la Commission européenne en infraction avec la directive européenne sur l'eau.