Humiliations et conditions de détention indignes : le parcours de Jennifer, détenue transgenre, serait un calvaire selon son collectif de soutien. Après avoir enfin obtenu son transfert dans le quartier des femmes, un syndicat de surveillants souhaite désormais l'envoyer à Fleury-Merogis.
Insultes, moqueries, provocations... dès ses premiers jours en milieu carcéral, Jennifer (prénom modifié ndlr) est la cible d'humiliations. Fin juin 2020, à la maison d'arrêt de Seysses, la détenue se présente tout de suite comme transgenre "mais les surveillants l'appellent Monsieur volontairement au lieu de l'interpeller par son nom de famille comme c'est l'usage en prison ou la force à porter des vêtements d'homme", souligne Max, un membre du collectif de soutien à Jennifer.
A l'isolement pendant 9 mois
Cette transidentité vaut à Jennifer d'être placée à l'isolement pour la protéger des autres détenus. Elle n'y voit personne, n'a accès à aucune activité, ni aucun espace extérieur.
"Sous couvert de sa sécurité, elle a subi des conditions de détention inhumaines", s'indigne Max.
Après 9 mois de calvaire, une décision du Tribunal judiciaire de Toulouse confirme son changement de sexe à l’état civil et ouvre la voie à son transfert dans le quartier des femmes de la maison d'arrêt de Seysses au début du mois d'avril dernier.
Un victoire pour Jennifer ainsi que pour la communauté transgenre en France, car la détenue toulousaine est une des premières à obtenir un tel transfert.
Mais sa satisfaction sera de courte durée. Quelques semaines après son transfert dans le quartier des femmes, un syndicat de surveillants envoie un courrier au procureur de la République de Toulouse pour demander l'incarcération de Jennifer dans le quartier "transgenre" de Fleury-Mérogis. Motif ?
On demande à des surveillantes de fouiller une détenue qui a des attributs d’homme, mais la loi dit que cela doit se faire entre personnes de même sexe.
Mais pour Jennifer, pas question de quitter la maison d'arrêt de Seysses. Elle ne souhaite pas s'éloigner de ses proches qui lui rendent visite en prison. D'autant que, d'après son collectif de soutien, elle s'est parfaitement intégrée au quartier femmes et dispose de conditions de détention "normales".
Les textes prévoient qu'une femme au sens de la loi, doit être enfermée au quartier femmes. N'en déplaisent aux surveillantes.
Quartier transgenre à Fleury
En France, il y aurait une trentaine de personnes transgenres détenues, d'après le ministère de la Justice. Les associations LGBTI+ pensent que ce chiffre est sous estimé et l'évaluent à environ 200.
La prison de Fleury-Mérogis abritent en effet une partie de ces détenues transgenres. Mais le collectif de soutien à Jennifer rappelle qu'en aucun cas on ne peut considérer qu'il existe dans cette maison d'arrêt un quartier dédié aux personnes transgenres. "Ces femmes sont tout simplement à l'isolement au quartier hommes".
Depuis 2019, ces détenues revendiquent d'ailleurs un accès au sport, à une cour de promenade extérieure et aux mêmes activités que les autres personnes incarcérées.
"Transférer Jennifer à Fleury-Merogis serait non seulement une épreuve supplémentaire pour elle mais aussi un nouveau recul de la condition transgenre. On ne peut pas faire un pas en avant puis un en arrière", se désole Max.
Les conditions de détention des transgenres sont régulièrement dénoncées par les associations LGBTI+ auprès de la ministre déléguée chargée de l’Egalité femmes-hommes et de la diversité, Elisabeth Moreno.
En octobre 2020, son Plan national d’actions pour l’égalité contre la haine et les discriminations anti-LGBT, étalé sur trois ans, prévoyait de « mieux protéger les personnes LGBTI + incarcérées ».
Femmes trans en prison by Emmanuelle Gayet on Scribd