Lors du congrès des maires, jeudi 21 novembre 2024, le gouvernement a remis sur la table le projet d'élargissement des prérogatives de la police municipale. À Toulouse (Haute-Garonne), si les syndicats de police se réjouissent de cette perspective, la Ligue des droits de l'Homme s'inquiète de possibles dérives portant atteintes aux libertés publiques.
S'équiper de drones, fouiller les coffres de véhicules ou encore relever l'identité d'un suspect : autant de compétences, jusque-là réservées à la police nationale, dont l'application pourrait bientôt être prolongée aux municipaux. Ce plan Beauvau, initié par le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, a été évoqué par le gouvernement, jeudi 21 novembre, à l'occasion du Congrès des maires, et devrait bien faire l'objet d'une proposition de loi courant 2025.
Ces compétences, qui modifient le rôle des policiers municipaux, suscitent des réactions contrastées au sein des élus, des syndicats de police et des défenseurs des droits humains à Toulouse (Haute-Garonne) qui compte 390 policiers municipaux en 2024.
"Une boîte à outils" à disposition des maires
Cette loi, si elle aboutit, redonnera le pouvoir aux maires de décider eux-mêmes des prérogatives ou équipement de leurs polices municipales. "Il n'y aura pas d'obligation", précise le secrétaire d'État à la sécurité du quotidien, Nicolas Daragon. "L'État ne doit rien imposer", a-t-il martelé, indiquant que l'objectif est de mettre à disposition des maires une "boîte à outils" dans laquelle chaque élu pourra piocher. À Toulouse, Jean-Luc Moudenc salue l'initiative et parle d'une amélioration des missions de la police municipale pour "corriger une anomalie".
Face à l’insécurité, les maires doivent pouvoir élargir les prérogatives des polices municipales. Le Beauvau des polices municipales, relancé avec @BrunoRetailleau au #CongrèsDesMaires, ouvrira le débat dès 2025 ! pic.twitter.com/9h8D4IdrkJ
— Nicolas Daragon - Ministre (@NicolasDaragon) November 21, 2024
Si les contours de cette proposition de loi sont encore à préciser, du côté des syndicats de police municipale, elle est reçue de manière plus partagée. Yannick Cheveau, président national CFTC PM-SPT (Police Municipale Sécurités et Préventions Territoriales), reconnaît que certaines de ces propositions répondent à des demandes légitimes de la profession.
"Aujourd'hui, si je veux arrêter un véhicule, je n'ai pas la possibilité de vérifier les informations du propriétaire, du conducteur ou même du passager, déplore-t-il, Si l'on souhaite effectuer ce contrôle, il faut appeler la police nationale, ce qui est une perte de temps et d'énergie. Donc, la plupart du temps, on ne le fait pas."
"Laisser du bleu sur la voie publique"
En ce sens, l'élargissement des prérogatives de la police municipale permettrait aux agents "de travailler plus efficacement". "Dans ce cas, je signe tout de suite, lance Yannick Cheveau. Mais nous ne devons pas tomber dans le piège de devenir des auxiliaires pour la police judiciaire où on ferait tout le travail qu'ils ne veulent pas faire, car l'objectif dans les communes est quand même de laisser du bleu sur la voie publique."
En revanche, si l'objectif est de nous utiliser comme des "agents poubelles" pour d'autres services, il y aura moins de policiers municipaux sur le terrain.
Yannick Chevauxprésident du syndicat de police CFTC
Travailler mieux, mais avec de meilleures rémunérations
Pour le syndicaliste, les nouvelles prérogatives envisagées doivent être suivies d'une véritable amélioration des conditions de travail des policiers municipaux, et surtout une meilleure considération des agents. "Demanderiez-vous à quelqu’un d’être policier municipal pour 1 800 € par mois ? Moi non", souffle-t-il.
De son côté, le président de la Ligue des droits de l'Homme de Haute-Garonne, voit dans ce projet un transfert inquiétant de compétences. "Cela me semble aller dans le sens d’un démantèlement de l’État de droit, au profit d’une conception particulière de la démocratie, où l’élu a tous les pouvoirs, alerte-t-il. Nous tenons à ce que la police nationale soit garante de certains principes, notamment celui de maintenir la violence illégitime à distance des enjeux politiques."
Il est déjà difficile d'éviter une dérive sécuritaire au sein de la police nationale. Nous sommes très perplexes face à l’utilisation des drones par exemple.
Jean-François Mignardprésident de la Ligue des droits de l'Homme Haute-Garonne
Outre l'aspect politique, le président de département de la LDH, dénonce une atteinte aux libertés publiques. "Le maire pourrait devenir, d’une certaine manière, un « shérif », argue-t-il. C’est une forme de maintien de l'ordre à l'anglo-saxonne, où la sécurité et l’ordre sont pilotés par des individus qui agissent selon leur propre volonté."
Atteinte aux libertés
Le gouvernement justifie son projet par le basculement vers une "société de plus en plus violente". "Aucun territoire n'est épargné, dans les villes comme en milieu rural", a d'ailleurs appuyé le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau. Pour la Ligue des droits de l'Homme, "ce discours idéologique s'apparente à un clin d'œil à la frange la plus à droite de l'électorat". "La revendication de la sécurité à tout prix à l'approche des élections municipales dans deux ans, cela peut les pousser à adopter ce type de discours", glisse Jean-François Mignard.
Il y a aussi un aspect financier : cela permettrait à l'État de se décharger de la charge financière que représente la police, car ce sont les budgets des communes qui risquent de supporter ces coûts.
Jean-François Mignardprésident de la Ligue des hommes Haute-Garonne
Une séance de concertation, concernant l'équipement et l'armement des policiers municipaux, devrait avoir lieu le 16 janvier dans le Rhône. Le "Beauvau" des polices municipales prendra fin en avril 2025, avant la rédaction d'un texte de loi dans la foulée.