Les programmes internationaux de défense, comme l'avion de transport A400M ou l'hélicoptère NH90, sont une "horreur" à gérer en raison de la confrontation des intérêts politiques nationaux avec les besoins des industriels, a jugé le patron d'Airbus Tom Enders.
"Pour la majorité des acteurs dans l'industrie, les programmes multinationaux sont devenus une horreur parce qu'ils sont très, très difficiles à gérer sur le plan industriel et sur le plan politique", a-t-il affirmé lors d'une intervention devant l'Atlantic Council, un cercle de réflexion de Washington consacré aux questions transatlantiques.Les seuls exemples positifs sont lorsqu'il y a un client principal et un industriel en position de pouvoir choisir librement les fournisseurs, a jugé M. Enders, qui a évoqué les programmes A400M et NH90 comme des "catastrophes" de ce point de vue.
Le programme d'hélicoptère moyen NH90 regroupe un consortium comprenant Airbus, Fokker et AgustaWestland. Pour cet hélicoptère, acheté notamment par la France, l'Allemagne, l'Australie ou encore les Pays-Bas, "nous avons plus de versions que de clients nationaux, imaginez comme cela est efficace", a déploré M. Enders.
Quant à l'A400M, il aura fallu dix ans pour que les sept pays partenaires (Allemagne, France, Espagne, Royaume-Uni, Belgique, Luxembourg et Turquie) viennent à bout des retards et des surcoûts. Une partie de ces difficultés est due au choix d'imposer un consortium européen qui n'avait aucune expérience pour développer les moteurs de l'appareil au lieu de décider de s'en remettre à un fournisseur expérimenté, mais extérieur, selon M. Enders.
Tom Enders a notamment mis en garde contre la répétition de telles erreurs si l'Europe devait un jour lancer un programme de drones, un vieux serpent de mer.
Après de nombreuses années dans le secteur, je suis déterminé, en tout cas pour ma société, à ne jamais plus me lancer dans un tel programme consciemment
Le patron d'Airbus a par ailleurs dénoncé la gestion "inefficace" des programmes d'achats en Europe, malgré l'existence de l'Organisation conjointe de coopération en matière d'armement (Occar), un organisme intergouvernemental censé faciliter la gestion des grands programmes d'armement. "Mais les pays maintiennent un contrôle étroit sur l'Occar, les directeurs nationaux pour les acquisitions surveillent jalousement l'Occar pour qu'elle ne devienne pas réellement efficace", a-t-il dénoncé, tout en regrettant la fragmentation de la défense européenne.