Manque d'enseignants, fuite d'élèves, les difficiles débuts d'un collège toulousain censé être un exemple de mixité sociale

Ouvert en septembre 2022, il manque des enseignants au collège Guilhermy de Toulouse pour cette deuxième rentrée scolaire. Le président du Conseil départemental demande au Rectorat de trouver des solutions au plus vite. Construit dans le cadre d'un vaste plan de mixité sociale, ce nouveau collège connaît des débuts difficiles.

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Le bâtiment est flambant neuf. Construit en face de Météo France, de l'autre côté de la rocade Arc-en-ciel, non loin de la base de la Ramée, le collège Guilhermy de Toulouse (Haute-Garonne) accueille environ 570 élèves de la 6ème à la 3ème depuis cette rentrée scolaire. Ils viennent de Tournefeuille, des quartiers du Mirail, de Lardenne, de Saint-Simon et de Cugnaux.

Il manque 80 heures d'enseignement pour cette rentrée

Avec cette carte scolaire censée relever le défi de la mixité sociale, il connaît des débuts difficiles entre le manque d'enseignants et une fuite d'élèves vers l'enseignement privé. 

Après la fermeture définitive du collège Raymond Badiou à la Reynerie en 2020, ce nouveau collège a en effet pour ambition de s'inscrire comme une référence dans le cadre d'un grand plan de mixité sociale porté par le Conseil départemental et l'académie de Toulouse depuis plusieurs années.

Or un an après son ouverture en septembre 2022, le président du Conseil départemental de Haute-Garonne alerte l'Éducation nationale pour cette nouvelle rentrée scolaire. Dans un communiqué de presse daté du 20 septembre 2023, Sébastien Vincini s'inquiète du manque de professeurs affectés au collège Guilhermy de Toulouse.  

On ne peut pas promouvoir l'égalité des chances et la réussite de tous les élèves, s'il n'y a pas suffisamment de professeurs dans les classes.

Sébastien Vincini, président du Conseil départemental de Haute-Garonne

Selon Vincent Gibert, le vice-président du Conseil départemental en charge de l'éducation, "le 15 septembre, il manquait en effet 80 heures d'enseignement par semaine au collège Guilhermy".  

"Ma fille a déjà raté 30 heures de cours en 3 semaines suite à l'absence de trois professeurs dans sa classe. C'est dommage car cette rentrée s'est très bien passée. C'est un démarrage exemplaire, y compris avec les élèves, toute l'équipe enseignante est très mobilisée. Il faut que ce collège ait les moyens vu les enjeux qu'il a à relever", nous explique Vassilia Vigneron, présidente des parents d'élèves Fcpe au collège Guilhermy.

Ce collège représente un défi particulier

Le Rectorat de Toulouse nous confirme qu'il manquait 10 heures et 18 heures d'enseignement en lettres modernes, 7 heures en arts plastiques pour cette rentrée scolaire. Pour ces trois situations, "les solutions ont d'ores et déjà été trouvées. Les contractuels sont cours d'affectation" toujours selon le Rectorat. 9 heures d'anglais resteraient donc encore à trouver.

Il manquait aussi 18 heures d'Espagnol et 18 heures de documentaliste, mais ces deux postes ont été pourvus cette semaine, sans doute après le coup de pression de la part des parents d'élèves et du Conseil départemental. Le collège Guilhermy fait en effet l'objet de toutes les attentions depuis son ouverture.

Cet établissement représente un défi particulier. On sait qu'on a un écart de niveau entre deux types de population avec des secteurs géographiques très différents. Le Département a mis beaucoup de moyens dans la construction du bâtiment, dans les personnels territoriaux sur l'accompagnement des dispositifs pédagogiques. Il y a beaucoup d'attente de la part des parents d'élèves. Il faut que tous les partenaires, y compris l'Education nationale et le gouvernement soient à 100% avec nous pour ce programme ambitieux de mixité sociale.

Vincent Gibert, vice-président du Conseil départemental de Haute-Garonne

Car les défis à relever sont nombreux. Pour certains parents d'élèves, qui préfèrent rester anonymes, ce redécoupage de la carte scolaire a été douloureux. Ils ont fait le choix de la contourner et de quitter l'établissement pour aller dans le privé.

Une mixité à marche forcée

"J'ai retiré ma fille du collège Guilhermy l'an dernier en cours d'année", nous explique une maman qui vit à Tournefeuille. "Elle était scolarisée en 6ème dans un autre établissement, mais avec la nouvelle carte scolaire, elle a été obligée de partir au collège Guilhermy en 5ème, on ne nous a pas laissé le choix. Elle s'est retrouvée sans amis, c'était dur pour elle puis elle a été victime de harcèlement scolaire par un des élèves de sa classe. Elle était très mal, j'ai dû me battre pour qu'elle puisse retourner dans son collège d'origine. Je comprends la volonté de mixité sociale, mais cela ne doit pas se faire à marche forcée".

Une autre maman, qui préfère aussi témoigner anonymement, a aussi retiré sa fille du collège cette année. Elle aussi a connu des difficultés d'intégration. Comportement en classe, langage, scolarité, sa fille a eu dû mal à s'y retrouver. 

L'ambiance n'était pas propice au travail. Il y avait beaucoup de chahut dans sa classe avec trop d'enfants aux parcours scolaires compliqués. L'enseignant mettait parfois 30 minutes à retrouver du calme. Sur trente élèves, seulement six étaient de Tournefeuille et de Cugnaux, les autres étaient issus du Mirail ou de quartiers dits "prioritaires". Cela aurait pu fonctionner mais avec moins d'élèves par classe, plus d'accompagnement et une meilleure répartition des effectifs. Quand on fait 70% issus de quartiers difficiles et 30% d'autres origines, ce n'est plus de la mixité sociale. Sur les 6 élèves de Tournefeuille et de Cugnaux de sa classe l'an dernier, 5 ont changé d'établissement à cette rentrée.

Maman d'élève de Tournefeuille

Pour cette maman d'élève, ce n'est pas un problème de volonté éducative. "L'équipe enseignante et éducative était très bien, pleine de bonne volonté. C'est vraiment un problème de moyens et d'encadrement, il n'y avait que 3 surveillants titulaires en 2022 par exemple, c'est insuffisant vu les effectifs. On nous parle de mixité sociale, mais faut-il encore s'en donner les moyens et bénéficier d'un encadrement à la hauteur des enjeux. C'est une mixité trop déséquilibrée", conclut cette maman d'élève qui a inscrit sa fille dans un établissement privé cette année.

"Vivre ensemble demande un apprentissage"

Le vice-président du Conseil départemental a conscience de ces difficultés de démarrage. Mais il conteste ce problème de répartition des effectifs.

Il y a une très grande hétérogénéité dans ce collège, c'est certain. Mais contrairement aux idées reçues, quand on regarde les chiffres des catégories socioprofessionnelles, cet établissement ressemble socialement à tous les autres du département. Mais je comprends que pour des enfants issus de milieux sociaux très différents, vivre ensemble demande un apprentissage. Notre volonté est de les aider et que tous les élèves puissent réussir.

Vincent Gibert, vice-président du Conseil départemental de Haute-Garonne en charge de l'éducation

Du côté des parents d'élèves du collège Guilhermy, cette fuite d'élèves, difficile à quantifier, suscite des inquiétudes. "Ce collège doit rester attrayant et il a tout pour l'être. Nous avons obtenu 11 postes de surveillants (titulaires et non titulaires) cette année. L'équipe pédagogique est exceptionnelle et très mobilisée avec pleins de projets. Moi et d'autres, nous faisons le choix de rester dans le service public. Et je crois dans ce projet éducatif", nous précise Vassilia Vigneron, présidente Fcpe au collège Guilhermy.

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