Les incivilités se multiplient dans les communes. Pour aider les élus à y faire face la gendarmerie propose des formations élaborées par le GIGN. Trois heures de théorie et de pratique. Reportage à Villefranche-du-Lauragais.
Ils sont maire ou adjoint au maire, conseiller municipal. Une vingtaine de personnes se sont inscrites ce mardi à Villefranche-de-Lauragais (Haute-Garonne) pour la formation organisée par la gendarmerie. Objectif : connaître les clefs pour faire face de manière pacifique à des incivilités.
"A la fin de cette formation, dit Julie Vergnault, vous serez à même de gérer pacifiquement toutes les crises auxquelles vous serez confrontés, par vos mots, votre attitude. Ce sont des techniques qui ont fait leurs preuves et qui fonctionnent", souligne la jeune femme, négociatrice de la gendarmerie. "Mais attention, prévient-elle d’emblée, si la violence est déjà installée, vous appelez la gendarmerie !"
Face aux incivilités une méthode du GIGN
Dans l’ex-région Midi-Pyrénées, on compte 16 négociateurs qui sont appelés en renfort pour des cas de personnes retranchées, parfois armées ; des citoyens qui "dégoupillent" comme on dit, des rétentions familiales, des refus d’hospitalisation d’office. Ces gendarmes formés pour la négociation vont à leur tour donner quelques bases aux élus qui pensent en avoir besoin, grâce à un module mis au point par le GIGN (Groupe d'Intervention de la Gendarmerie Nationale).
En 2020, en France, le nombre de faits signalés par des maires a été multiplié par trois par rapport à 2019. 1276 signalements. Tout y passe, de la querelle de voisinage au dépôt sauvage en passant par la perte d’un emploi, un divorce, le Covid. Toutes les situations stressantes, inquiétantes sont susceptibles de générer de la violence.
Ces sessions de formations limitées à 20 personnes sont ouvertes à tous ceux dans les mairies qui pourraient être pris à partie par un citoyen. Au moins 700 élus, maires, adjoints ou conseillers devraient être formés en ex-Midi-Pyrénées.
Et pourquoi pas installer la personne, s’asseoir avec elle, même si quelques minutes auparavant elle vous a traité de tous les noms
Dans le foyer rural de la petite ville de Villefranche-de-Lauragais, les élus écoutent avec attention. Avec cette formation, en trois heures ils doivent s’imprégner des méthodes à utiliser en cas de crise. D’abord identifier le meneur, le fauteur de trouble et l’isoler. Adopter un comportement en synchronisation avec son interlocuteur. Garder la bonne distance, trouver le ton juste.
"Il ne faut pas hésiter à lui porter de l’attention", dit le référent des négociateurs, formé par le GIGN. "Et pourquoi pas installer la personne, s’asseoir avec elle, même si quelques minutes auparavant elle vous a traité de tous les noms", explique Patrice Georgevail.
Il faut ensuite écouter. "La personne en crise doit vider son sac", explique la négociatrice de la gendarmerie. Il faut la laisser verbaliser. L’écoute va générer de l’empathie et faire naître un rapport de confiance. Alors viendra le temps de faire quelques suggestions pour arriver enfin à un changement de comportement et faire chuter l’agressivité.
Des jeux de rôle pour apprendre à gérer une crise
Voilà pour l’essentiel de la théorie. Mais il reste encore la pratique. Pour ces formations, les négociateurs ont prévu quelques jeux de rôle. La maire de Lagarde (Haute-Garonne) doit faire face à une quinzaine de parents d’élèves (joués par les autres maires en formation). Des gens en colère, inquiets pour leurs enfants et méfiants sur le protocole Covid mis en place dans l’école de la commune. Ils font irruption dans la mairie. Ils sont nombreux, bruyants mais elle gère plutôt bien la situation et applique une ou deux règles apprises quelques minutes plus tôt.
"J’ai essayé d’être à l’écoute et de reformuler leurs demandes. Ce n’est pas facile à mettre en œuvre", reconnait-elle dans un débriefing organisé dans la foulée. Cette élue, maire d’un village de 420 habitants, se sent relativement épargnée par les incivilités mais avec cette méthode, elle se sent déjà plus à l’aise ; mieux à même de prendre du recul, de peser ses mots.
Garder son self-contrôle
L’autre jour quelqu’un était en colère parce que le chien du voisin avait tué son chat et il en voulait au maire
"Le maire doit être dans son self-contrôle, dit un autre élu, c’est fondamental. Mais c’est loin d’être évident, on est tous des êtres humains", confie Jacques Oberti, maire d'Ayguesvives (Haute-Garonne).
Lui qui est élu depuis 25 ans dit avoir changé. "Quand j’étais maire au tout début je montais très vite dans les tours et puis on s’aperçoit que c’est improductif. L’autre jour quelqu’un était en colère parce que le chien du voisin avait tué son chat et il en voulait au maire", raconte Jacques Oberti. Les élus doivent faire face à des situations qu’ils n’auraient jamais imaginées lorsqu’ils se sont présentés aux élections. Et la crise du Covid selon lui est propice à cette forme de cocotte-minute, avec des gens qui souffrent de cette impression de privation de liberté.
"Pour les plus sanguins c’est difficile, admet le référent négociateur. Mais ils sont prêts à essayer. En venant à ces formations, cela engendre une certaine réflexion. Ils viennent chercher les clefs pour améliorer leur communication. Cela permet de rassurer les gens qui ne sont pas forcément dans la colère mais qui sont plutôt inquiets".
Pour Patrice Georgevail, les maires qui s’en sortent le mieux ne sont pas forcément ceux qui ont le plus d’expérience. Ce sont les élus des petites communes qui connaissent 90 % de la population. Dans ces villages on parvient plus facilement à apaiser les conflits.