Certainement une première en France. En raison de la pollution atmosphérique dans son pays d’origine, le Bangladesh, la cour administrative d’appel de Bordeaux a refusé l’expulsion d’un homme travaillant à Toulouse et souffrant de problèmes respiratoires chroniques.
Pour l’avocat de cet homme originaire du Bangladesh, Maître Ludovic Rivière, cela ne fait aucun doute "cette décision introduit quelque chose de nouveau qui est la prise en compte d’un critère climatique pour apprécier si l’on peut renvoyer dans son pays d’origine, le Bangladesh, un étranger qui est gravement malade et qui a besoin de soins en France dont il ne peut pas bénéficier dans son pays d’origine".
Le 18 décembre dernier, la cour administrative d’appel de Bordeaux a refusé l’expulsion de cet homme arrivé en France en 2011 fuyant des persécutions dans son pays d’origine, le Bangladesh. Pour la cour, renvoyer cet homme de 40 ans vivant et travaillant à Toulouse dans son pays d’origine l’exposerait "à une aggravation de sa pathologie respiratoire en raison de la pollution atmosphérique".
Critères de pollution atmosphérique
L’homme est originaire de Bengali, une commune située à 200 km de Dacca, capitale du Bangladesh, l’une des villes les plus polluées au monde. Actuellement sous traitement médical conséquent. Il souffre d’une maladie respiratoire chronique avec syndrome d’apnée du sommeil sévère qui nécessite une assistance respiratoire la nuit. Il détient depuis 2015 un titre de séjour temporaire "d’étranger malade".
Ce monsieur est atteint d’une maladie respiratoire et à défaut de traitement, il est exposé à un risque de mort certaine
"Le fait d’imaginer de le renvoyer là-bas est totalement impossible car le taux de pollution qui règne dans ce pays est un des taux de pollution le plus important au monde. Le taux de particules fines en suspension dans l’air au Bangladesh, à Dacca la capitale, est de six fois le taux maximum autorisé par l’OMS".
"L’air dans ce pays est totalement irrespirable", rajoute Ludovic Rivière, "et il l’est encore plus pour quelqu’un comme ce monsieur, atteint d’une maladie respiratoire".
Etranger malade
Le 18 juin la Préfecture de Haute-Garonne prend à son encontre une mesure d’obligation de quitter le territoire français(OQTF). Maître Ludovic Rivière fait valoir pour sa défense un avis médical expliquant que "la prise en charge dans son pays d’origine n’est pas possible, rappelant que quand bien même le traitement d’origine existerait au Bangladesh, il est totalement illusoire de vouloir soigner quelqu’un pour une maladie respiratoire en le soumettant en même temps à des conditions de vie irrespirables, c’est aberrant. Il est indispensble de le préserver d’un taux de pollution aussi élevé".
Le tribunal administratif de Toulouse avait alors annulé l’obligation de quitter le territoire mais c’est la cour administrative d’appel de Bordeaux saisie par le Préfet de Haute-Garonne qui appuiera sa décision sur les critères de pollution atmosphérique.
Pour la cour d'appel, renvoyer cet homme malade dans son pays d’origine constituerait "une aggravation de sa pathologie respiratoire en raison de la pollution atmosphérique. Reconnaissant par ailleurs que cet homme « se trouverait confronté à des risques d’interruption d’un traitement moins bien adapté à son état de santé et à ses dysfonctionnement de l’appareil respiratoire dont il a un besoin vital, en raison d’une part de difficultés de remplacements de pièces, et d’autre part, de coupures d’électricité durant la nuit".
Réfugié climatique ?
Le statut de réfugié climatique n’existe pas, cet homme bénéficie d'un titre de séjour temporaire en qualité d’étranger malade. "C’est un raccourci", explique Maître Ludovic Rivière, "mais il frappe les esprits. Il permet de faire prendre conscience qu’aujourd’hui on ne peut plus compter sans ce type de critère, sinon on raisonne dans le vide. C’est-à-dire qu’on ne peut plus ne pas apprécier la situation des ressortissants étrangers malades. Des étrangers qui par ailleurs travaillent comme ce monsieur".
Suite à cette décision de justice, l’homme a récupéré son titre de séjour qu’il possède depuis 2015.