"On expulse des personnes pour en remettre d'autres dans les hôtels !" : une mairie vote une délibération pour dénoncer les manques de l'Etat

Le conseil municipal d'Auzeville-Tolosane en Haute-Garonne a voté, le mercredi 22 novembre 2023, une délibération de principe d'hébergement d'urgence imposé par l'État sur la commune. Elle interpelle sur les mises à la rue qu'elle juge illégale et le manque de moyens qui lui sont alloués pour répondre à ses missions de proximité.

Réuni le mercredi 22 novembre 2023, le conseil municipal d'Auzeville-Tolosane en Haute-Garonne, a voté une délibération de principe d'hébergement d'urgence imposé par l'État sur la commune.

Cette délibération de principe n'a qu'une valeur symbolique. Mais elle vise à faire réagir l'Etat sur les problèmes engendrés par le manque de moyens liés à l'hébergement d'urgence ne permettant pas à la commune d'assurer ses obligations de proximité, surtout depuis la multiplication des mises à la rue observée depuis septembre 2023.

Depuis 18 mois, les services du CCAS voient un afflux de population ayant recours à l'hébergement d'urgence, lié au conventionnement d'un hôtel pour être centre d'hébergement d'urgence.

L'établissement accueille une centaine de familles, dont 68 mineurs. Une vingtaine d'entre eux sont scolarisés sur la commune. "Nous ne nous opposons pas à un hébergement d'urgence sur la commune, au contraire, nous y sommes très sensibles, précise Sylvia Rennes, adjointe au maire en charge de la cohésion sociale. Mais il faut que les communes aient les moyens".

Car aucun moyen supplémentaire n'a été alloué par l'Etat pour "assurer un accueil scolaire et social décent". Auzeville-Tolosane, en proie à des difficultés financières, a évalué le coût de la scolarité à 1500 euros par enfant et par an.  "Chaque famille a droit à deux colis alimentaires par mois au Secours Populaire, ce qui est ridicule", dénonce l'élue. 

"Mises à la rue sans motif légal"

Dans leur délibération, les élus d'Auzeville s'indignent du sort de ces familles mises à la rue "sans motif légal" : "des adultes, des enfants malades, des personnes en situation de handicap lourd suivi dans les hôpitaux de Toulouse, des femmes victimes de violences conjugales, d'autres personnes en attente de régulation, un public peu informé sur ses droits ", soulève Sylvia Rennes, rappelant le principe d'inconditionnalité et de continuité de la prise en charge. 

"Il n'y a aucune limite de durée de séjour dans un hébergement d'urgence. Les textes de loi sont très clairs, à partir du moment où il y a une prise en charge avec le service intégré d'accueil et d'orientation, sauf si une personne se montre violente envers d'autres, etc... Ce qui n'est pas le cas sur notre commune. 

"Principe de fluidité"

"Une personne placée dans un centre d'hébergement d'urgence ne peut être mise à la rue ou doit être relogée", insiste-t-elle avant d'ajouter : "La préfecture nous a répondu que faute de manque de centre d'hébergement d'urgence, un principe de fluidité était appliqué ! On met à la rue des personnes pour en remettre d'autres dans les hôtels !" La mairie d'Auzeville dénonce également le manque de suivi de ces familles faute de nombre suffisant de travailleurs sociaux. 

Une situation jugée inadmissible, pour les élus municipaux qui "refusent d'être les témoins de cet abandon des services de l'Etat et de la non-conformité des fins de prise en charge, comme prévu par l'article L 343-2-2 du code de l'action sociale des familles", écrivent-ils dans leur délibération. 

Le conseil municipal demande qu'"aucune expulsion d'un hébergement d'urgence ne soit notifiée dès lors que la loi n'est pas respectée, que chaque enfant scolarisé puisse poursuivre sa scolarité dans l'établissement le plus proche de son hébergement". "Certains enfants âgés de six ans, font une heure de bus tous les jours pour aller à l'école", précise Sylvia Rennes.

D'autres communes pourraient voter le même texte

Dans leur texte, les élus réclament aussi que "les personnes malades et sans mobilité hébergées en urgence puissent accéder à des soins médicaux prescrits avec le déplacement des acteurs de la santé sur le lieu d'hébergement, quand leur état de santé est trop dégradé pour se déplacer. Enfin, des moyens alloués à la commune dès lors qu'un centre d'hébergement d'urgence conventionné existe sur la commune."

D'autres maires montent au créneau

La commune d'Auzeville-Tolosane, qui a transmis sa délibération à la préfecture le 23 novembre, en appelle aussi à la solidarité intercommunale. Ramonville-St Agne est également confrontée aux mêmes difficultés. D'autres mairies pourraient prendre le même type de délibération. Dominique Fouchier, maire PS de Tournefeuille y réfléchit. Mais l'édile souhaite d'abord actionner d'autres leviers. Il a par exemple profité du Congrès des maires de France la semaine dernière pour aborder la question avec le ministre de l'éducation nationale, Gabriel Attal. 80 enfants hébergés dans l'une des deux résidences hôtelières, récemment conventionnées avec le 115 sont scolarisés sur la commune. " 80 enfants, c'est beaucoup sur 2800 élèves, j'avais déjà interpellé les services de l'Etat à la mi-août sur le manque de moyens alloués à la commune pour assurer la prise en compte scolaire et sociale", nous précise le premier magistrat de cette commune de 29 000 habitants, joint par téléphone ce mardi 28 novembre 2023. 

"L'école est un angle mort pour l'hébergement d'urgence et l'hébergement d'urgence est un angle mort pour l'école "  a lancé le premier magistrat à Gabriel Attal, comme on peut l'écouter sur une vidéo diffusée sur youtube et le site de mairie de Tournefeuille. Comme Sylvia Rennes, l'élu a rappelé les conséquences. "Nous n'avons aucune information préalable, aucune préparation, aucun moyen supplémentaires si ce n'est quelques heures mises en œuvres par vos services. nous avons des difficultés dans l'accompagnement social humanitaire dans la restauration, des questions de santé  d'assurance scolaire, se posent". 

" On n'est pas au niveau de ce que l'on doit faire sur les enfants hébergés en urgence"

Gabriel Attal, ministre de l'éducation nationale

"Tous les enfants disposeront prochainement d'un numéro INE, qui est l'identifiant éducation national,  pour simplifier le partage d'informations et la capacité à scolariser aussi vite que possible des élèves qui sont dans l'hébergement d'urgence". Une réponse qui pour l'instant ne satisfait pas Dominique Fouchier, à la recherche d'autres solutions. "Il faut trouver d'autres réponses, regarder ce que font les autres communes, et interpeller au niveau national. Je n'exclus pas après de proposer la même délibération de principe que le conseil municipal d'Auzeville-Tolosane", conclut Dominique Fouchier.

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