On mange de plus en plus de viande venue de l'étranger, soumis à des normes très strictes, les producteurs français en difficulté

Selon un rapport publié par FranceAgrimer en juillet 2022, plus de 30% de la consommation totale de viande concernait des produits d’importations en France. +11,5% par rapport à 2021.Un mal pour les éleveurs d’Occitanie qui disent "ne pas jouer dans la même cour". Soumis à des normes environnementales strictes et beaucoup plus contraignantes que les pays importateurs.

Si la consommation de viande est en hausse depuis 10 ans en France, le cheptel bovin lui décroît. Malgré une diminution de 10% du nombre de têtes du cheptel en six ans, la France reste le premier producteur de viande bovine en Europe. Mais les normes environnementales imposées, en lien notamment au réchauffement climatique fragilisent les exploitations.

À elle seule la filière représente 11,8% des gaz à effet de serre produits dans le pays. Un "bilan défavorable pour le climat ", précise la Cour des comptes, dans un rapport de mai 2023. L'institution  préconise "le respect des engagements de la France en matière de réduction des émissions de méthane (accord prévoyant une baisse de plus de 30 % sur la période 2020-2030) appelle nécessairement une réduction importante du cheptel".

Des éleveurs fragilisés

Thibaut Dijols est éleveur de bœuf fermier de l’Aubrac label rouge à Linars, près de Laguiole en Aveyron. Sa vache "Haute" était la tête d’affiche du salon international de l’agriculture en 2018. Avec son épouse, Thibaut est à la tête d’un cheptel de 150 bêtes. La viande est commercialisée en boucherie traditionnelle et grandes surfaces.

"Les Français préfèrent acheter des produits étrangers par rapport au prix. Alors que la traçabilité de ces produits n’est pas transparente. Et puis ils ne sont pas soumis aux mêmes normes qu’en France qui imposent des cahiers des charges très stricts", explique l'éleveur.

"On va moins à la boucherie traditionnelle, le consommateur va regarder au moins cher, oubliées les années covid ! Où avec le blocus des importations, les gens recherchaient de la qualité et le circuit court. Le consommateur oublie vite et avec l’inflation, il regarde son porte-monnaie".

Son exploitation reste viable. Il arrive à faire face mais regrette un manque de communication sur les produits français de qualité. "Nous sommes en label rouge, et nos produits sont à peine un peu plus chers qu’une viande importée, mais cela les consommateurs ne le savent pas ou ne le voient plus aujourd’hui. Les produits importés ne sont pas soumis aux mêmes normes qualitatives et environnementales que nous", déplore-t-il et cela nous fragilise.

Selon l’étude, la moitié du poulet consommé en France provient de l’importation (Belgique et Pologne) et alimente la restauration hors foyer. Pour Mathilde Bacou, éleveuse de poulets en agroforesterie en circuit court dans le Lauragais, "c’est n’importe quoi, tout cela fragilise les exploitations françaises. On nous impose des normes beaucoup plus strictes et au final cela se traduit par une augmentation des importations".

Par ailleurs, elle soulève la lourdeur administrative et l’impossibilité de structurer un modèle de production plus vertueux. "Moi, je ne vais pas nourrir la France entière, je vends en moyenne sur les marchés une centaine de poulets par semaine. Si on accompagnait davantage l’installation de petites exploitations sur un même territoire, on pourrait se structurer et faire face à la demande".

La loi de l’offre et de la demande

Si la production diminue en France avec l’ambition de satisfaire des objectifs climatiques et environnementaux, et qu’en parallèle la consommation ne suit pas, alors les importations augmentent. Selon l’étude, malgré l’inflation, (11,8 % sur les viandes rouges l’an passé et plus de 10 % sur le poulet), la consommation totale de viande est en hausse pour la deuxième année consécutive.

Pierre Beaufils est éleveur de vaches laitières Prim’Holstein dans le Tarn-et-Garonne. Il vend également de la viande de vaches de réforme. Il ne reprend pas pour le moment les rênes de l’exploitation familiale et préfère rester salarié, car la conjoncture n’est pas bonne. Lui aussi pointe du doigt les normes environnementales qui pèsent sur les fermes françaises en comparaison aux élevages étrangers, dont les produits envahissent les étals de nos supermarchés.

"Prenez la viande de porc importée des pays de l’Est, c’est n’importe quoi. Rien que sur le transfert frigorifique, les normes ne sont pas respectées. Le consommateur ne sait pas tout, il y a un réel manque de transparence. On ne joue pas du tout dans la même cour et c’est navrant", précise l'éleveur.

Il évoque aussi l’inflation qui pénalise l’achat de produits français, "le consommateur recherche moins la qualité et regarde en priorité le prix.

Des bouchers tirent leur épingle du jeu

En grande surface, la majorité des viandes de bœufs sont d’origine vaches de réforme, la race laitière. Malgré l’inflation, la boucherie familiale Arbert à Saint-Orens ne connaît pas une baisse de consommation. Arnaud Dulaurans précise qu’il travaille avec des petits producteurs ariégeois et propose uniquement à la vente des produits de qualité. "On se démarque par ce que l’on sait faire avec une clientèle très fidèle. Le problème, c'est que dans les grandes surfaces les gens achètent de la viande de race laitière et cela n’est pas mentionné".  

"Nous n’avons pas augmenté nos prix pour préserver notre clientèle. C’est un choix, nous avons baissé nos marges commerciales pour avoir un volume plus important. Il faut savoir éduquer les clients au goût et bien communiquer sur le produit. Tous les éleveurs sont des amis, c’est un lien très fort qui nous lie à des producteurs qui ne travaillent pas forcément en bio, mais qui travaille parfaitement avec des cahiers des charges très lourds", rajoute Arnaud Dulaurans.

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