Courants électriques parasites. Des éleveurs leur attribuaient la mauvaise santé de leur troupeau, ils ont été déboutés par la justice

Un couple d'éleveurs laitiers impute les difficultés de son élevage à des "courants vagabonds" en provenance du transformateur électrique qui jouxte son exploitation, dans les Côtes-d'Armor. Indemnisés une première fois, et ayant obtenu le déplacement de l'équipement électrique, les deux agriculteurs avaient relancé une action en justice, après avoir eux-mêmes rencontré des problèmes de santé. Ils ont été déboutés en appel.

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La cour administrative d'appel de Nantes a débouté un couple d'éleveurs de Lanrodec, entre Saint-Brieuc et Guingamp, qui réclamait un peu plus de 135 000 € de dédommagements. Depuis 2017, ces agriculteurs réclamaient au Syndicat départemental d'électricité des Côtes-d'Armor et à Enedis une réévaluation de leur préjudice, après avoir été indemnisés une première fois. Ils attribuaient leurs problèmes de santé et les problèmes de leur troupeau à la présence d'un transformateur électrique à proximité de leur exploitation.

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Surmortalité des veaux, baisse de la production de lait et problèmes de santé des éleveurs

À Lanrodec, un couple d'éleveurs impute ainsi le faible rendement laitier de ses vaches, et leur mauvaise santé, à des "courants vagabonds" ou parasites, en provenance du transformateur électrique qui jouxte leur exploitation. Celui-ci avait été déplacé une première fois en 2011. À l'époque, le syndicat départemental d'électricité avait d'ailleurs accepté de leur verser une indemnisation de 25 000 €. À cette occasion, les éleveurs avaient signé une "attestation sur l'honneur" selon laquelle ils s'engageaient à renoncer à toute action en justice ultérieure. Mais quelques années plus tard, en 2017, le couple avait finalement demandé une expertise au tribunal administratif de Rennes, estimant que les dommages étaient bien plus lourds.

"Les requérants (...) exposent avoir été confrontés depuis le début des années 1980 à diverses difficultés (...) notamment une dégradation des rendements laitiers, une baisse de fécondité de leur cheptel et une mortalité anormale des (...) nouveaux-nés", retrace la cour administrative d'appel de Nantes, dans un arrêt du 8 novembre 2024, qui vient d'être rendu public. "Cela a eu pour effet des pertes d'exploitation et des difficultés de paiement de leurs fermages, qui ont conduit à la résiliation des baux ruraux dont ils étaient titulaires. Ils ont également constaté l'augmentation de ces difficultés à partir de 2000 et (...) ils souffraient, de même que leur fils et leur fille, de problèmes de santé."

 Après le déplacement du transformateur électrique par le Syndicat départemental d'électricité des Côtes-d'Armor "d'environ vingt-cinq mètres", le couple d'éleveurs avait "constaté une amélioration de la situation".  Mais ils avaient malgré tout engagé une procédure judiciaire en 2017, car ils avaient pu "découvrir" entre-temps "les causes de leurs préjudices" et "en apprécier l'importance", expliquait leur avocat.

L'installation électrique de l'élevage ne respecte pas les normes

Reste que l'expert mandaté par le tribunal administratif de Rennes avait conclu qu'il n'était "pas possible d'affirmer" que des courants "vagabonds" aient parasité le réseau électrique local. "Si la possibilité de tels courants (...) n'est pas exclue (...) de tels phénomènes (...) ne sont pas démontrés, compte tenu (...) d'autres causes possibles de dysfonctionnements", résume la cour administrative d'appel de Nantes dans son arrêt.

Des "liaisons électriques aériennes et souterraines" ont en effet été réalisées "de façon approximative" par le couple, entre ses différents bâtiments, pour "amener l'électricité en chaque lieu", a expliqué l'expert. Ces liaisons "n'ont pas été faites dans les règles de l'art et le respect des normes (...) s'agissant de leur dimensionnement et de leur protection".

Des problèmes d'hygiènes constatés dans l'exploitation

Une vétérinaire, amenée, elle aussi, à se pencher sur le dossier, avait de son côté "reconnu que des courants électriques parasites peuvent perturber le comportement (...) des animaux" mais elle n'avait "pas repéré une causalité certaine, ni même probable" entre "les problèmes de rendement, de qualité laitière et de mortalité" de ce troupeau en particulier et les "phénomènes électriques intempestifs" dénoncés. "D'autres causes" étaient "possibles", comme les "problèmes d'hygiène générale de la traite" et de "qualité de litière" (un défaut de paillage dans les étables qui peut laisser les animaux dans leurs déjections ou sur un sol froid en béton).

"Contrairement à ce que soutiennent les requérants, la situation de l'exploitation ne s'est pas améliorée après 2012 à la suite des travaux effectués par le Syndicat Départemental d'électricité", pour déplacer le transformateur électrique. La vétérinaire a fait remarquer que "la mortalité des veaux perdure sur 2013",  et même que "la production de lait par vache diminue de 2012 à 2016".

"Aucun lien de causalité direct et certain ne peut être retenu entre la présence (...) du transformateur (...) et les problèmes rencontrés par l'exploitation", en a déduit la cour administrative d'appel de Nantes. Le couple d'éleveurs a été débouté, et a jusqu'au 8 janvier 2025 pour saisir le Conseil d'État.

La question complexe et controversée des courants électriques

Depuis plusieurs années, certains éleveurs de vaches laitières constatent des baisses de production significatives et une surmortalité dans leurs élevages, qui les conduisent à suspecter l’effet de champs électromagnétiques ou de courants parasites. Depuis 2022, l’Institut national de la recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE) coordonne un groupe de travail pluridisciplinaire sur ce sujet complexe et controversé. L'Inrae estime que "dans la grande majorité des cas, la mise en conformité électrique de l'exploitation agricole elle-même" améliore la situation. "Mais dans un petit nombre de cas, ces travaux sur l'exploitation restent sans effets sur les problèmes observés" dans les élevages, laissant les agriculteurs dans le désarroi. Sans solutions, certains éleveurs en sont venus à penser que le problème des courants parasites est volontairement passé sous silence, "balayé sous le tapis". Il faut dire que les données scientifiques manquent toujours pour éclaircir les effets des infrastructures électriques collectives, telles que les lignes électriques à haute tension ou les éoliennes, sur la santé des animaux d'élevage.

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