Une nouvelle année de mobilisation agricole vient de s'écouler. Malgré tout, les revendications persistent. Ce couple d'agriculteurs souffre de normes et de contrôles qu'ils jugent trop importants.
À première vue, c’est une bordure de route des plus banales sur une départementale de la Somme. Et pourtant, à cause de cette bande de terre, l’exploitante de cette parcelle a été contrôlée par les services de l’État en septembre dernier.
"Ici, c'est un souci qu’on a eu avec du glyphosate qui s'est déplacé légèrement à cause d'un petit coup de vent. On a malencontreusement traité une toute petite partie de la bordure, raconte Justine Marquant exploitante en polyculture. On a été convoqués par sept personnes qui sont venues vérifier dans notre champ ce qui s'était passé et pourquoi. Ils sont venus, ils ont mesuré cette partie-là pour nous dire de le ressemer en herbe. Ce que l'on aurait fait naturellement. Et puis, ils vont revenir pour vérifier."
Sous surveillance rapprochée
Un dispositif qu'elle trouve démesuré : "Ça fait perdre le temps de tout le monde. Pourquoi faire déplacer tout le monde ? Pourquoi convoquer ? (...) Ça paraît ridicule parce que je pense qu'il y a d’autres choses à vérifier que ça."
Des contrôles comme celui-ci peuvent coûter cher : baisse des aides de la PAC, amende, voire peines de prison. Alors pour rentrer dans les clous, Justine Marquant consacre trois jours hebdomadaires à cette pile de dossiers. Depuis juillet, elle tente de corriger une erreur dans l’une de ses déclarations, en vain. "On est deux agriculteurs à avoir déclaré la même partie de parcelle", explique l'agricultrice.
Une maladresse immédiatement repérée par les services de l'État : "On a des contrôles satellites tous les trois jours, nos champs sont pris en photos tous les trois jours et tout ça est vérifié depuis leur ordinateur. On a l'impression d'être observé tous les jours depuis leurs bureaux. Tout est tracé."
Des démarches chronophages
Et les contrôles ne s’arrêtent pas là. Produit utilisé, dosage, consommation d’eau, tout est référencé au millilitre près. Pour son mari Rémi, lui aussi exploitant, ce traçage typiquement français s’ajoute au millefeuille déjà conséquent des normes européennes. "On est tellement surveillés qu'on est jamais sûrs d'être dans les clous et ça nous prend tellement de temps que ça nous freine dans notre travail. Et puis, on n'est jamais détendus. Le soir, même s'il est tard, il faut obligatoirement avancer dans les papiers parce que sinon on est perdus et si on a des oublis, c'est la catastrophe. On est sanctionnés."
Des sanctions qui pèsent lourd sur les épaules de ce couple : "Demain, si vous avez un contrôle, ils peuvent sucrer vos aides. Mais nous, on ne peut pas se permettre ça. On a besoin de tout. Déjà qu'on n'a plus grand-chose..."
Une mobilisation générale
Après une année décevante pour l'agriculture française, Patrick Legras président coordination rurale pour les Hauts-de-France, appelle à un sursaut du monde politique. "Ça va faire un an qu'on essaie d'avancer sur les dossiers agricoles. Sur les dossiers de revenus, les problèmes de surtranspositions de lois françaises sur l'Europe, sur les problèmes de contrôles. Sur ces problèmes-là, le temps presse et surtout avec l'année 2024 que l'on a eue. Les agriculteurs de l'ensemble du pays veulent qu'on aboutisse au moins sur les dossiers qui ne coûtent pas et qui peuvent être acceptés avant le budget, qui est un problème au niveau des différents gouvernements", affirme-t-il.
Comme Justine et son mari, des dizaines d’exploitants manifesteront le week-end des 4 et 5 janvier avec la Coordination rurale pour demander une simplification des normes.
Avec Enza Benocci / FTV