"On n’a plus l’expertise locale". Météo France en grève pour dénoncer l'automatisation des prévisions qui génèrent d'importantes erreurs

De la neige alors qu'il fait 9°, des températures estivales en plein hiver, depuis que Météo France a mis en place son nouveau système Alpha 3P (Programme-Prévision-Production) les anomalies sont fréquentes. Faute de personnel, les données sont désormais synthétisées par des algorithmes. Mauvais temps pour ce service public essentiel pour prévenir les catastrophes climatiques.

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Le 23 mars 2024, ce sera la journée mondiale de la météorologie. Et pourtant, les services météos du service public ne sont pas à la fête. Depuis la suppression de nombreux postes et l'automatisation des prévisions, les salariés sont dans une grève longue reconductible tous les mois.

"Programme-Prévision-Production" n'est pas l'Alpha et l'Omega de la prévision

Depuis le 23 novembre 2023, le "Programme-Prévision-Production" automatise les prévisions grâce à une base de données. Auparavant, ces données étaient analysées et souvent rectifiées par une intervention humaine avant que le grand public ne les découvre sur le site ou l'application de Météo France.

Ce nouveau système mis en place alors qu'il était toujours en phase d'expérimentation a connu de nombreux bugs dès le départ. "Il aurait fallu mettre les 2 systèmes (le nouveau et l'ancien) en boucle ensemble pendant un an pour déceler les problèmes. Tout s'est fait dans la précipitation car on manquait d’effectifs", reconnaît Clément Testa de la CGT Météo France de Toulouse.

Le 28 novembre 2023, le site de Météo-France prévoyait 28 degrés à Strasbourg pour le samedi 9 décembre. Autre anomalie, de la neige annoncée à Briançon (Hautes-Alpes) en même temps qu'une température de 9°C ! 

"Avant, tous les matins, à la conférence de 9 h, les centres en régions et le centre national de Toulouse se mettaient d’accord sur un cadrage météorologique grossier et ensuite, dans chaque région, on affinait les prévisions, en utilisant les modèles de prévision les plus pertinents", déclare un autre salarié.

Seulement voilà, ce n'est plus le cas. 7 personnes auparavant faisaient correctement ce que le programme 3P Alpha tente de combler difficilement. "Ce qu’Alpha voit très mal ce sont les épisodes de brouillards, les orages et les événements neigeux. Avant, nous avions 3 modèles de prévisions et ensuite les humains décidaient lequel était le plus approprié. Maintenant Alpha remplace tout ça"

Depuis, l'élu CGT Clément Testa reçoit "des plaintes de salariés toutes les semaines". Il ne reste qu'un poste de prévisionniste correcteur à Toulouse, en charge de tout le territoire national pour tenter de corriger les erreurs. Et cette personne ne chôme pas car elle doit rectifier sans cesse les prévisions, là où auparavant c'était fait par les différents centres.

Baisse des effectifs de 23% en 10 ans

L'intervention des algorithmes tente de pallier une baisse drastique des effectifs. Météo France n'a plus le personnel pour assurer ses missions de service public. Le journal Libération indique que l'organisme a perdu 23% de ses effectifs en 10 ans, passant de 3 409 postes en 2012 à 2 581 en 2022.

Les prévisionnistes présents à l'échelon national regrettent également que les données générées par Alpha et mises en ligne automatiquement ne soient pas modifiables immédiatement. "Pendant 4h, on ne peut pas intervenir et c'est un délai trop long lorsqu’il faut agir vite" déplore Clément Testa. 

Une nouvelle donne qui ne permet plus de passer autant de temps pour des situations complexes et qui discrédite Météo France auprès de ses partenaires. C'est ainsi qu'en début d'année, l'épisode neigeux que connaît Paris fait la une des médias, sans avoir été anticipé par Météo France.

Les défaillances très nombreuses au départ ce sont un peu estompé mais perdurent. Malheureusement, Météo France ne peut plus faire marche arrière car il n'y a plus le personnel nécessaire.

Toulouse, l'exception

Si les effectifs ont fortement diminué, à Toulouse ils sont restés stables d'après le syndicaliste CGT. "Nous avons 1 200 personnes, c'est presque la moitié du personnel global car Toulouse est un météo pôle. Mais des petits centres comme Saint-Girons ou Auch ont été fermés. Historiquement il y avait un centre par département, maintenant c'est plutôt 1 par Région. Les 2/3 des centres n'existent plus."

En Occitanie, il reste encore ceux de Perpignan, Tarbes, ou Montpellier. Les prévisions pour le grand public sont tout sauf stables et fiables. Heureusement, tout le travail réservé aux professionnels comme les agriculteurs ou ceux qui travaillent pour prévenir des catastrophes climatiques reste sujet à un contrôle humain. Mais pour combien de temps ? "On crée une météo à 2 vitesses. Tout le monde, toutes les collectivités, n'ont pas les moyens de se payer par exemple les services de "Predict" qui est une filiale de Météo France certes très fiable mais qui vend très cher ses services. Et puis même, on voit par exemple que certains pros comme ceux qui travaillent aux équipements regardent les 2 sources et nous appellent en disant : qui faut-il croire? Le site internet ou le service que l'on paie? Ils sont parfois assez différents. Ça crée des dysfonctionnements et ça risque de durer encore quelques mois."

Alors Clément Testa et la CGT -comme d'autres qui appellent à la grève- veulent mettre l'accent sur le mal-être des salariés et la qualité du travail. Face au dérèglement climatique et ses incidences (inondations, feux de forêts, etc...) la France a besoin de prévisions météorologiques fiables et précises.

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