L'obligation vaccinale est entrée en vigueur ce mercredi 15 septembre. Dans les hôpitaux, les cliniques, la tâche des personnels chargés de ce contrôle est de plus en plus délicate. Témoignage d'un soignant qui a porté plainte. Le procès est d'ores et déjà prévu le 3 novembre.
L'obligation de présenter un schéma vaccinal complet pour travailler dans les hôpitaux et cliniques est effective depuis le mercredi 15 septembre 2021. Bien avant cette échéance et alors que son entrée en vigueur se rapprochait, des tensions ont été observées à l'entrée des établissements de soins. Au point que 466 maires de grandes villes (dont Jean-Luc Moudenc à Toulouse), directeurs d'hôpitaux (dont le CHU de Toulouse) ou professeurs de médecine ont signé une tribune dans le journal Le Monde, pour "appeler à un sursaut républicain face aux attaques contre les acteurs du monde hospitalier". La directrice adjointe du CHU de Toulouse nous a confié avoir été personnellement menacée.
❌ Une #tribune dans Le Monde pour dire stop.
— CHU de Toulouse (@CHUdeToulouse) September 13, 2021
Le directeur général et des responsables médicaux du @CHUdeToulouse sont cosignataires, aux côtés de 466 maires, directeurs d’hôpitaux, médecins et professeurs, pour dire stop aux #attaques envers les acteurs du monde hospitalier. https://t.co/VQLZRvs0c6
Dans ce contexte tendu, un employé de la clinique d'Occitanie à Muret affirme avoir été agressé par un ambulancier. Il a décidé de porter plainte.
Agressé pendant un contrôle du pass sanitaire
Nous sommes le 3 septembre, entre 13h et 14h. Alexandre Hagenauer-Létang est chargé de contrôler l'accès au service des dialyses de la Clinique d'Occitanie à Muret. "Avant, je prenais la température à l'entrée. Ensuite j'ai été chargé de vérifier les pass sanitaires et d'effectuer un bio nettoyage à l'entrée sur les zones touchées par les visiteurs. "
À ce moment-là, cet agent de service hospitalier, employé au service NephroCare de la clinique d'Occitanie, forme une personne pour le remplacer au filtrage. Se présente alors une voiture des ambulances Auterive avec 2 personnes et 1 patient. L'auxiliaire se soumet au contrôle sans souci mais l'ambulancier refuse de présenter son pass. "Il était agacé. Il m'a dit que nulle part ailleurs on le lui demandait. Je lui ai répondu que, me concernant, c'était le contraire. "
Un deuxième véhicule de la même société d'ambulances arrive. Alexandre Hagenauer-Létang propose alors que ce soit cet ambulancier qui accompagne le patient. "J'ai vu mon agresseur revenir très énervé en me disant qu'il voulait rentrer et voir un responsable. Le ton est monté. Je lui ai barré le passage en mettant ma main sur son torse. J'ai alors reçu 2 grands coups dans le thorax. J'ai reculé d'un bon mètre. Je ne suis pas tombé car il y avait les portes." Le soir même, il dépose plainte après avoir consulté les urgences. Bilan : fractures au niveau des côtes C4 et C5.
Une version contestée par la société d'ambulances
Pour Denis Tessarotto co-gérant des ambulances Auterive, la version diffère. "Toute la semaine, mon chauffeur est rentré sans qu'on ne lui demande quoi que ce soit. Ce jour-là, il était avec une jeune personne. Il n'a pas voulu que ce soit elle qui rentre avec le patient car ça allait être compliqué pour elle. Il a demandé à voir la direction, ce qu'a refusé cette personne à l'accueil. Mon chauffeur l'a alors poussée, mais il ne l'a pas frappée. "
La scène a été filmée par les caméras de surveillance, ce qui permettra de vérifier la véracité des propos des deux parties. Mais le chauffeur a été convoqué à la gendarmerie de Muret.
Au 3 septembre et selon son employeur, le chauffeur avait déjà une dose de vaccin et son schéma vaccinal est complet depuis cet événement. "Mon chauffeur est revenu depuis à la clinique d'Occitanie. Le vigile l'a bien laissé rentrer mais un personnel soignant l'a de nouveau refoulé. Je ne comprends pas. Il est employé chez nous depuis 3 ans et je n'ai jamais eu de problèmes avec lui. "
Traumatisme et action en justice
Alexandre Hagenauer-Létang a eu plusieurs jours d’ITT (du samedi au mardi matin suivant). Il reprend son travail le 10 septembre et retombe sur son agresseur. "J'ai été très surpris de le revoir. Je pensais que ma direction avait fait le nécessaire." Il a bien eu un rendez-vous avec la direction de NephroCare Occitanie qui n'a pas souhaité déposer plainte en solidarité avec son employé. "J'ai fait valoir mon droit de retrait et mon accident de travail a été prolongé jusqu'au 25 septembre. Maintenant j'ai peur de revenir travailler. Je ne me sens plus en sécurité. Il en va de ma dignité. J'ai subi une agression et on ne me protège pas en interdisant l'accès à cette personne."
Avec son avocat Me Pierre Dubuisson, il a donc décidé de porter plainte. "Ma démarche n’est pas pour moi mais aussi pour mes collègues. En cas d'agression, quel recours auront-ils à part de se défendre tout seul ?" Cet agent de service hospitalier, qui n'est pas syndiqué, affirme être soutenu par le CE de l'entreprise et tout le personnel soignant. Il voudrait sans doute que cette action en justice soit un signal fort. "Je veux que le diplôme d'État de cette personne soit remis en cause, qu'il ne soit plus en contact avec les soignants et les patients. Je veux l’entendre et comprendre ce qui lui est passé par la tête. Depuis, j'ai des troubles du sommeil, j'ai du mal à manger et j'ai plusieurs séances prévues avec un psychologue."
Cette affaire de "violence sur un professionnel de santé" sera examinée par le Tribunal correctionnel de Toulouse, le 3 novembre à 14h. On ne sait pas encore si cette plainte restera un cas unique ou si d'autres suivront.