PORTRAITS. Effets Covid et confinement : ils ont changé de vie pour leur bien-être et celui des autres

Pour certains salariés, le confinement a eu l'effet d'un déclencheur : ils ne se retrouvaient plus dans leur travail alors ils ont décidé de changer de voie, de s'occuper des autres comme thérapeutes ou comme coachs. Portraits croisés, à Toulouse et non loin.

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Les confinements successifs ont constitué pour certains salariés un catalyseur. Les envies de changement qui étaient latentes se sont faites pressantes. Etre face à soi, réveiller des projets dormants, chercher un sens nouveau ou plus simplement retrouver un travail. Un actif sur cinq a songé à changer de travail d'après une enquête réalisée en juin 2020 par BVA. Parmi eux, beaucoup se sont tournés vers les autres dans le soin. En voici quatre illustrations.

"Le confinement, ça a été pour moi une prise de conscience de ce qui était important, explique Yohan Cazoulat. J'étais responsable d'un magasin d'électro-ménager. Mon entreprise a fermé. J'avais fait une formation à la programmation neuro-linguistique et c'est comme une graine qui aurait germé".

Le trentenaire est licencié pour motif économique. Grâce à Pôle emploi, il se forme à Toulouse durant une année et s'installe en février 2022 comme thérapeute de couple, praticien en hypnose et coach à Caussade, dans le Tarn-et-Garonne.

Priorité aux liens familiaux

"C'est d'abord la manière dont je faisais les choses qui ne me convenait pas : je travaillais jusqu'à 19h et je n'étais pas chez moi avant 19h30 à cause du trajet. J'avais très peu de temps avec ma famille. Pendant le confinement, j'ai redécouvert la profondeur de ces liens, avec ma femme et ma fille. ça a été comme une bouffée d'oxygène et ce sont ces liens qui m'ont fait bouger".

Yohan Cazoulat a choisi un métier dans lequel il peut adapter ses horaires. "Je travaille de 9h à 17h à mon cabinet. Ensuite je fais du télétravail jusqu'à 19h. Je suis à la maison et j'ai pu déjà avant la soirée, profiter de ma femme et de ma fille. Je n'ai pas la route à faire et si je fais du travail administratif, ma fille peut jouer à côté de moi. Avant elle était toujours fatiguée quand je rentrais. Et moi aussi".

Une quête de sens

Mais ce changement d'orientation, c'est aussi pour Yohan, une quête de sens. "J'ai été gavé, excusez-moi du terme, de cette politique commerciale où tout a un prix. je n'arrivais plus à être en adéquation avec un système dans lequel le client est au service du chiffre d'affaires. Je ne voulais plus penser en terme de stat, de chiffres, de bilans. Je voulais remettre de l'humain dans mon métier".

Dans son nouveau job, Yohan se fait une place progressivement, même s'il avoue que ce n'est pas évident. Son passage dans le commerce l'a aguerri de ce point de vue, affirme-t-il. Il sait qu'il lui faut être patient et persévérant. Mais sa voie, il l'a trouvée, cela ne fait aucun doute pour lui.

"Shoot de bien-être"

Il s'investit particulièrement dans le soutien à la parentalité. "Si on prend les enfants et qu'on les guide vers l'épanouissement, qu'on fait en sorte qu'ils aient les outils pour qu'ils se portent bien, on casse les schémas familiaux et ceux liés à l'école qui dysfonctionnent et on peut régler les problèmes". 

Le regret de Yohan ? Que les thérapies, les accompagnements ne soient pas plus démocratisés. "Soit ce sont les tarifs, soit c'est l'image de nos métiers... on n'arrive pas à les rendre accessible pour tout le monde. Je m'attache à ça pour les ados, les enfants, les adultes. En se faisant accompagner, même sur une très courte période, ça permet d'apaiser tout le système".

"Moi je suis égoïste, ce que j'aime c'est la sensation qu'on peut avoir quand la personne dit à la fin de la séance : "là j'ai avancé, merci". Quand la personne va mieux dans l'espace d'une séance, ça vous apporte un shoot de bien être que vous avez envie de renouveler immédiatement".

Jean-Loup Vachon a fait sa carrière dans l'hôpital public comme cadre hospitalier. Tout d'abord infirmier, il s'est formé en psychiatrie et en gériatrie. Il est responsable d'équipes de soin au sein d'une direction des ressources humaines quand il choisit de se former en art thérapie. Son objectif : soutenir des projets d'équipe. Mais quand on rejette un projet dans lequel il s'est beaucoup investi, c'est la goutte d'eau, il jette l'éponge.

Jean-Loup négocie une rupture conventionnelle avec l'hôpital et s'installe en libéral à Tournefeuille, près de Toulouse. "Le manque de moyens, de volonté politique, un système gestionnaire m'ont contraint à partir. Je n'avais plus envie d'être dans l'idéologie de l'Etat, être un fonctionnaire impliquait que je sois obéissant. Or je cherchais à exercer de manière plus compatible avec mon éthique de l'art thérapie et de la mise en soin des patients. Mon désir était ailleurs, le confinement a accéléré le processus".

La liberté au rendez-vous

Certes toutes les facettes de la gestion du quotidien ne fascinent pas le thérapeute : la comptabilité, les contraintes de gestion, la création d'un site internet, la recherche de patientèle lui paraissent fastidieuses . "Il faut s'y faire", concède-t-il. Mais il apprécie l'indépendance dans l'organisation de son emploi du temps qui lui permet d'avoir plus de temps pour son fils. "Les horaires des ateliers ne sont pas figés. Je peux me dégager du temps, mais aussi recevoir certains patients tard le soir pour m'adapter à eux".

Jean-Loup apprécie sa liberté. "Je peux pratiquer l'art thérapie comme on me l'a appris sans que je sois freiné par un discours de médecin chef de service ou des préoccupations gestionnaires. C'est à moi à composer, ça m'amène à développer beaucoup de compétences, à aller chercher de nouvelles médiations avec la peinture, la terre, la poésie, etc".

Pôle Emploi en appui

"Je me forme à l'art thérapie contemporaine par exemple. Avec 6 éléments que je lui donne, le patient va faire une introduction poétique ou bien j'introduis la séance par une poésie et les patients vont dessiner pour écrire leur poème. À la fin, sur l'ardoise, tout s'efface et il ne reste que la trace psychique".

Jean-Loup a le sentiment d'être aujourd'hui plus disponible pour ses patients car plus libre. "J'ai un plaisir à travailler avec cette autonomie, une satisfaction d'avoir fait ce choix-là et la richesse d'autres liens développés avec des thérapeutes...".

Agé de plus de 55 ans, le thérapeute bénéficie d'une indemnisation pendant 3 ans par Pôle Emploi. "J'ai eu la chance de partir en bons termes de l'hôpital et de bénéficier d'une rupture conventionnelle, ce qui me permet de n'avoir pas de stress de fin de mois. Et ça fonctionne bien !" conclut-il.

Marina Lecroart était conseillère de vente en cosmétiques de luxe. Elle a exercé ce métier pendant plus de 6 ans. C'était avant le confinement de 2020. "Je me sentais de moins en moins à ma place. J'ai commencé à travailler sur moi et je me suis rendu compte que ce métier ne me correspondait plus... La rigidité de personnes parfaites des cheveux aux ongles, ça ne me parlait plus".

Une frustration terrible

"J'avais besoin de me retrouver moi, dans une forme plus naturelle, plus spirituelle aussi. Un besoin d'être dans l'intériorité plus que dans l'extériorité. Je vendais des produits, du rêve aux clientes, mais j'étais dans une frustration terrible par rapport à la superficialité des échanges !"

La jeune femme de 28 ans confie sa détresse d'alors. Elle se sentait prisonnière d'une faille dont elle n'arrivait pas à s'extraire. Le confinement et le temps dont elle dispose soudain pour elle, lui permettent de prendre conscience du gouffre qui la sépare désormais de ce monde. À tel point que le retour lui parait inenvisageable.

Des cosmétiques au coaching

Marina revient malgré tout. Mais c'est pour organiser son départ. Après quelques mois, elle se forme et devient coach de vie certifié à Ramonville au sud de Toulouse. "J'ai toujours été une personne anxieuse qui avait peur du changement. Mais ce changement-là, je n'ai pas eu peur une seconde. Je savais que j'allais vers ma vérité, un alignement avec la personne que je suis, je n'ai pas douté. Il y a la dimension spirituelle, on peut parler de mission de vie dans mon cas", confie la jeune femme qui pratique aussi l'accompagnement holistique.

"J'accompagne les gens avec cette dimension de l'âme, de la vraie nature de ce qu'est l'être humain, poursuit-elle avec un enthousiasme paisible. Il y a l'âme qui vient s'incarner dans un corps, avec des choses à travailler en fonction des différentes vies passées. Ma mission consiste à apporter la paix à la personne qui plonge en elle-même. Je crois à la pureté, la douceur pour développer les consciences. C'est ma façon d'accompagner, ma contribution au monde".

Plateforme en paiement libre

Plus prosaïquement, Marina a adopté le statut de micro-entrepreneur. Les démarches sur internet ne lui ont pas paru aussi compliquées qu'elle l'avait cru. Elle touche encore une partie de ses indemnités chômage mais elle dit avoir très bien démarré.

"Je ne consulte pour l'instant qu'à distance. J'ai commencé sur une plateforme en paiement libre, explique-t-elle, les gens ont eu l'opportunité de tester. Maintenant j'ai un tarif fixe. Et le fait d'ajouter très prochainement un accompagnement sur le plan de la psycho-généalogie va compléter les outils que je peux proposer".

Tous les feux sont au vert semble-t-il et c'est heureux. "Si j'avais continué, j'aurais fait une dépression, un burn-out", avoue Marina qui ne pouvait, elle non plus, revenir en arrière.

Comment se passent les choses à plus long terme ? Myriam Peyroulet est sophrologue et hypnothérapeute. Elle n'a pas attendu le confinement pour changer plusieurs fois de métier. Comptable dans une association dédiée à la protection de l'enfance pendant plus de 20 ans, elle a bifurqué vers la création de bijoux. Mais au bout de 7 ans, "je n'arrivais plus à rester là où j'étais, confie-t-elle.

"J'en avais marre de la création, j'avais fait le tour. Et le milieu est difficile. on ne gagne pas trop sa vie et ça rend les choses compliquées entre créateurs. J'étais, de plus, seule avec deux enfants dont l'une est handicapée. Il me fallait assurer une sécurité financière, être disponible pour les ventes, les marchés et c'était compliqué".

"Ça a été une évidence"

Formée à la sophrologie en 1999, Myriam choisit de s'installer à Toulouse. Elle reprend un cursus entier de formation de sophrologie caycédienne, qu'elle complète par une formation d'hypnothérapeute 3 ans plus tard.

"Je voulais être dans l'accompagnement. J'avais travaillé sur moi depuis l'âge de 18 ans et j'ai toujours été passionnée par le fait de comprendre. Ça m'a permis de réparer mon histoire. On ne peut pas aider les gens, je crois, si on n'a pas fait de travail sur soi. Mon histoire, mon cursus, cet intérêt et mon empathie m'ont guidée, ça a été une évidence". 

Un rêve inaccessible... et pourtant

Myriam n'a pas quitté son ancienne activité du jour au lendemain. À chaque changement, elle a préféré commencé à mi-temps, faire moitié moitié. "Quand je suis passée de comptable à créatrice de bijoux, je ne savais pas où j'allais. Mais tous les jours, je faisais un pas vers cette activité. C'est comme ça que j'ai réussi à changer de travail. Si on voit une montagne, on ne franchit pas le pas. Pour moi les deux, créatrice et sophrologue, c'était des rêves. Je n'ai pas changé par dépit ou parce que je me disais que ça allait marcher. C'étaient des activités qui me correspondaient mais me paraissaient inaccessibles".

Myriam se sent elle aussi à sa place. "Ce qui me nourrit ? Voir les gens s'épanouir, se libérer, le résultat des séances qu'ils font avec moi, leur permettre de trouver un moyen de changer de vie, de changer leurs ressentis et voir que ça leur sert. Ça me plait de voir la diversité des vécus, des histoires et de rencontrer des gens sincères qui expriment leur souffrance, la confiance qu'ils me font et leur capacité de se mettre à nu m'émeuvent beaucoup".

"Des moments incroyables"

"Il y a des moments qui sont incroyables, des révélations qui changent une vie, confie-t-elle. Dans le travail inconscient, des choses peuvent se révéler à eux, ce qui veut dire qu'ils sont prêts. C'est très émouvant d'assister à ça". 

Même si son activité marche bien, Myriam explique que rien n'est jamais pérenne. Il faut continuer de se faire connaître, être vigilant. La thérapeute trouve ça fatigant et chronophage. Mais elle apprécie d'être libre, de gérer ses horaires, son travail, sa façon de faire ses séances à sa guise. "C'est une liberté et je suis en adéquation avec mes valeurs. Avant ce qui me gênait c'était d'être dans un système injuste et compliqué. Là j'applique mes valeurs".

"On est la même personne au travail et en privé (je ne comprends pas cette façon qu'on a de morceler). C'est pour ça que c'était difficile pour moi d'être dans un système. Je suis dans la liberté d'être ce que je suis, d'explorer toutes mes facettes. je suis actrice, je crée ma vie", conclut-elle.

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