La capsule Crew Dragon de l'entreprise spatiale privée SpaceX a pris son envol ce samedi 30 mai avec pour destination la station spatiale internationale. Un évènement historique pour les Etats-Unis, et pour l'histoire de la conquête spatiale. Un spécialiste à la Cité de l'espace vous explique.
Malgré la pandémie de Covid-19, les Etats-Unis avait décidé de maintenir l'horaire prévu pour lancer dans l'espace leur capsule 100% américaine. Cela devait être le mercredi 27 mai, mais le vol a été reporté au samedi 30 mai 15h22 (21h22 heure française), en raison de la météo. A cause du coronavirus, la NASA ne recommandait à personne de se rendre en Floride pour voir le décollage de la fusée. En revanche, elle a réalisé une retranscription en direct sur Youtube :
Si vous n'êtes pas anglophone, et même si vous l'êtes, le vocabulaire spatial est très particulier. C'est la raison pour laquelle la Cité de l'espace à Toulouse a décidé de retranscrire l'évènement à travers des posts sur son compte Twitter. Le rédacteur en chef de l'actualité spatiale de la Cité de l'espace Olivier Sanguy était aussi l'invité d'un direct sur une chaine Twitch, commenté en français. Il explique pourquoi ce décollage est historique.
Retour de la souveraineté spatiale américaine
En 2011 les Etats-Unis ont arrêté d'envoyer leurs propres navettes spatiales dans l'espace pour des raisons de coût d'exploitation, explique Olivier Sanguy. "Et aussi parce qu'ils ont décidé que les engins étaient trop complexes, et trop dangereux". Depuis 2011 donc, les Américains se rendent dans l'espace grâce aux moyens des Russes, qu'ils paient.
Le vol de la NASA en partenariat avec SpaceX marque alors un retour à l'autonomie des Etats-Unis. "Et jamais ils n'avaient perdu leur autonomie aussi longtemps, 9 ans!" remarque le rédacteur en chef des questions spatiales pour la Cité de l'espace.
Vers des vols spatiaux privés touristiques
Ce vol à destination de la station spatiale internationale est orchestré par la NASA à travers une compagnie privée : SpaceX. C'est cette entreprise américaine qui a conçu la capsule dans laquelle les astronautes Robert («Bob») Behnken et Douglas («Doug») Hurley vont voyager. "Si cela se passe comme prévu la capsule sera certifiée pour transporter des astronautes depuis les Etats-Unis jusqu'à la station spatiale internationale" précise Olivier Sanguy.
L'un des objectifs de cet envol est commercial. Le programme s'appelle d'ailleurs "Commercial Crew Program" : équipage commercial. "L'idée est de préparer une activité économique pour le privé" fait savoir le médiateur de la Cité de l'espace. Il explique que NASA n'a pas signé l'exclusivité à SpaceX, et que la capsule pourrait donc faire voler de riches touristes autour de la terre. Pour un voyage comme celui-là, la NASA a déboursé près de 50 millions de dollars par siège. Jusqu'ici, les Russes leur faisaient payer environ 90 millions par siège. Un sacrée économie financière. Surtout, "cette fois l'argent reste dans le circuit économique américain, c'est la différence majeure" analyse Olivier Sanguy.
Our @NASA Administrator wished @Astro_Doug and I well through the glass wall of astronaut quarantine today.
— Bob Behnken (@AstroBehnken) May 27, 2020
Looking forward to being part of the team that will make him and the rest of America proud tomorrow! #LaunchAmerica https://t.co/moKUEuD9Gh
Un enjeu commercial
Au delà de la probabilité d'un développement du tourisme dans l'espace, le décollage du Crew Dragon annonce aussi une utilisation commerciale par des entreprises privées. "C'est ce qu'espèrent développer la NASA et SpaceX" explique Olivier Sanguy. On imagine par exemple des entreprises pharmaceutiques ou des sociétés privées qui utiliseraient ces voyages en orbite pour effectuer toute sorte de tests et d'expériences que l'on ne peut pas faire sur terre. "Il y aurait une activité économique orbitale privée dans laquelle le tourisme ne serait qu'une activité" détaille le rédacteur en chef.
Si certains voient cet envol comme un exploit, d'autres s'inquiètent des conséquences de ce dernier. Pour rappel, SpaceX appartient à Elon Musk, également directeur général de Tesla, un constructeur de voitures électriques. Le 6 février 2018, une fusée de SpaceX avait été lancée avec une voiture de marque Tesla à bord. Un coup marketing mémorable.
Sunset pic.twitter.com/fpLhlqvuJg
— Elon Musk (@elonmusk) May 27, 2020
Dernier test de certification
En 2019 SpaceX et la NASA avait déjà effectué la même trajectoire qui a été réalisée samedi, mais sans personne à bord de la capsule. Un test réussi. La capsule était restée une semaine dans l'espace. Cette fois, les deux astronautes devront patienter un à quatre mois avant d'espérer remettre les pieds sur terre. "Ils resteront jusqu'au prochain vol qui amènera une relève d'équipage à la station spatiale internationale" explique Olivier Sanguy. En 2021, ce genre de relève pourrait être assurée par Thomas Pesquet par exemple.
Le spectacle de l'année ce soir à 22h33 sur NASA TV : le premier lancement habité de @SpaceX, et le retour des vols habités depuis Cap Canaveral ! En prime, vous verrez à l'oeil nu l'ISS passer dans le ciel vers 23h10. Répétition pour mon vol de 2021 ? ? pic.twitter.com/7QGQj8eIKe
— Thomas Pesquet (@Thom_astro) May 27, 2020
Le décollage dépendait non seulement de la météo de la Floride d'où part la fusée, mais aussi des températures prévues dans les sites de secours situés, cette fois, au niveau des côtes canadiennes et américaines. "Les astronautes le disent : le seul moment où on est sûr qu'on part en mission, c'est quand on entend les moteurs partir" rapporte Olivier Sanguy. La réussite d'un lancement dans l'espace est tributaire de multiples paramètres. Et les vols ne peuvent pas être reportées à quelques heures plus tard ...
Pourquoi 15h22 précisément ?
Pour comprendre la précision de l'heure de départ, Olivier Sanguy utilise la comparaison d'un train en marche. "Pour réussir à monter dans un train en marche, il faut atteindre la bonne vitesse (la même que celle à laquelle le train avance) au bon moment". En dix minutes, la capsule doit passer de 0 à 28 000 kilomètres/heure.
Pour être à la même vitesse que la station spatiale, et à la même altitude, le Crew Dragon a décollé à 15h22 heure américaine (21h22 heure française). Une minute avant, ou après, ça aurait été trop tard. Le vol avait déjà été reporté une première fois, passant de mercredi à samedi, pour des questions de météo. La fusée SpaceX a finalement décollé ce samedi 30 mai, marquant ainsi un tournant dans l'histoire des voyages dans l'espace.C'est la vitesse à laquelle la station tourne autour de la terre sans tomber et sans s'en éloigner, précise le médiateur de la cité de l'espace.