Le rapport accablant de la Chambre régionale des comptes sur Epicure à Saint-Gaudens (Haute-Garonne)

Conflits d'intérêts, décisions irrégulières et mauvaise gestion. La chambre régionale des comptes dresse un réquisitoire contre un projet mené par l'ancien maire (PS) de Saint-Gaudens, Jean-Raymond Lepinay. Un projet baptisé Epicure et qui concernait un centre pour déficients visuels. 

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Le rapport n'est pas très épais. Il est composé de 79 pages. Mais la chambre régionale des comptes d'Occitanie tape fort sur un des projets phares de la municipalité de Saint-Gaudens. Le 23 décembre 2008, le maire de l'époque crée une société d'économie mixte locale (SEML) afin de réaliser un centre pour déficients visuels. Le projet prévoit la création d'une clinique de réadaptation (15 lits) et d'un centre de formation aux métiers de l'hôtellerie.

Ce projet existe avant sa reprise par la municipalité. Il est porté par une association. Mais la commune, qui soutenait financièrement le projet, décide, selon l'expression du juge financier, de "mieux contrôler l'utilisation des financements publics". D'après le juge financier, c'est un très mauvais calcul. La SEML Epicure a duré uniquement deux ans, avant sa liquidation judiciaire. Dès le premier exercice comptable, en 2009, il existe un déficit de 285 877 euros. La deuxième année d'exercice, en 2010, les comptes d'Epicure sont encore plus dans le rouge : 466 477 euros.

Pour la chambre régionale des comptes, le verdict est sans appel : "les difficultés financières de la SEML Épicure sont liées à l'importance de certaines dépenses et à la surestimation de certaines recettes". Mais, le juge financier ne se contente pas de pointer un vice de conception et une mauvaise gestion. Il soulève des irrégularités. Parfois grossières. La mairie a garanti (à 100%) un prêt au profit d'Epicure. Montant de l'emprunt : 5 980 000 euros. Mais la délibération à l'origine de cette garantie bancaire est partielle et porte iniquement sur une partie de la somme.

Des zones d'ombres sont encore plus flagrantes. Un atelier d'architecture a perçu 64 000 euros pour des prestations "non identifiées" dixit la chambre régionale des comptes. Le juge financier précise : "aucune pièce justificative...accessible". Un cabinet d'expert comptable a également reçu 46 000 euros d'honoraires et la chambre régionale souligne un point troublant : "sachant qu'un personnel directement rémunéré par la SEML participait à la fiche de paie".

La chambre régionale des comptes soulève également un poste de dépense pour le moins étonnant : 34 000 euros pour des trajets en avion et en taxis.

L'anomalie la plus évidente concerne le fils de la directrice générale d'Epicure. Le juge financière évoque ouvertement un conflit d'intérêt et une violation des règles déontologiques de la profession d'expert-comptable. En effet, c'est le propre fils de la responsable d'Epicure qui assurait le suivi des comptes de la SEML.

Un important volet du rapport de la chambre régionale des comptes est d'ailleurs consacré à la directrice déléguée, Dany Gombert. Le juge financier insiste sur les conditions de sa rémunération : "l'absence de plafond laisse toute liberté quant à la fixation de la rémunération octroyée à Madame Gombert". La chambre régionale des comptes chiffre la rémunération de la directrice générale à "5000 euros nets mensuels soit environ 78 000 euros bruts annuels" et précise : "Le rapport d'inspection de l'ARS (ndlr : Agence Régionale de Santé) est très critique sur cette rémunération au regard des standards en vigueur dans le secteur sanitaire et social".

Le projet Epicure correspondait à un vrai besoin et même un vrai manque s'agissant de la prise en charge de la déficience visuelle. Mais le bilan dressé par la chambre régionale des comptes est particulièrement sombre.

Un épisode judiciaire s'est déjà produit en 2012, avec la condamnation de l'ancienne directrice générale par le tribunal correctionnel de Toulouse. Une enquête a également été ouverte en 2016 par le parquet de Saint-Gaudens. Selon nos informations, des investigations sont menées par le SRPJ de Toulouse et des auditions se sont déroulées ces dernières semaines. Les enquêteurs s'intéresseraient, notamment, à une décision prise par l'ancien maire de Saint-Gaudens en faveur d'Epicure : une baisse de loyer décidée unilatéralement, sans autorisation de l'assemblée générale des actionnaires. 

A noter que l'actuelle municipalité a saisi le tribunal de commerce de Toulouse pour engager la responsabilité personnelle de l'ancine maire, Jean-Raymond Lepinay. 

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