Alors que l'intersyndicale appelle à manifester contre la réforme des retraites le 7 mars prochain, les syndicats et associations s'activent en amont à l'échelle locale pour que le mouvement ne perde pas en intensité.
Continuer à lutter, voilà le mot d’ordre pour les syndicats. "Le projet n’a pas encore été retiré, et il n’y a que la mobilisation qui permettra de le retirer" assure Cédric Caubère, secrétaire général de la CGT Haute-Garonne. Hier, jeudi 16 février 2023, pour la cinquième journée de contestation contre la réforme des retraites, la mobilisation "était de très haut niveau" se félicite le syndicaliste.
À Albi, qui accueillait pour l’occasion l’intersyndicale, entre 10.000 et 55.000 manifestants sont descendus dans la rue. Le cortège toulousain, lui, comptait 65.000 personnes selon les syndicats. Un chiffre en baisse par rapport au 11 février, mais qui ne reflète pas l'ampleur de la mobilisation selon Cédric Caubère. "Ça n'a pas trop de sens de regarder les chiffres, réagit-t-il. La grille de lecture, c'est que l'ensemble des travailleurs et travailleuses refuse catégoriquement le projet. Les taux de grève et le niveau de participation sont très élevés depuis le début de la mobilisation."
Prochain rendez-vous lancé par l'intersyndicale : le 7 mars. "On appelle à mettre la France à l’arrêt", interpelle Cédric Caubère, qui précise que le mouvement se fondera sur une double base, "celle du rejet de la réforme et celle des revendications sur les salaires." Présent le 16 février dans le cortège à Montpellier, Jean-Luc Mélenchon indiquait, quant à lui, que la forme des manifestations à répétition avait "atteint sa limite".
Mais alors que depuis le 19 janvier, les manifestations s'enchaînent lors de dates rapprochées les unes des autres, le 7 mars est dans plus de deux semaines. Pour l’instant, les préfectures du Gers, du Tarn-et-Garonne et du Lot ne répertorient "aucune demande de manifestation", mais à l’échelle locale les syndicats et les associations s’activent pour que le mouvement ne s’essouffle pas. "Avec les grèves saute-mouton, on peut perdre de l'énergie, alerte Aline Pineau, co-déléguée Solidaires 09. Il y a aussi des gens qui veulent faire des choses avant le 7 mars."
Des initiatives multiples
À Saint-Girons dans l’Ariège, depuis trois vendredis le syndicat Solidaires et "quelques grévistes" organisent une marche aux flambeaux. "C’est une action qui ne se passe pas complètement dans l’intersyndicale, mais qui vient en complément" sourit Julien Domard, enseignant et organisateur de l’évènement. "C’est intéressant de rajouter des rendez-vous sur d’autres dates, pour maintenir une pression" explique-t-il, soulignant aussi que "tenir une mobilisation à Saint-Girons permet à des gens qui habitent en fond de vallée de se mobiliser." Ce soir, une assemblée générale de grévistes est prévue à 17h30 à Patate 2000. Le cortège partira ensuite à 18h30 depuis la place de la mairie.
Dans la commune de Foix, le syndicat prévoit également la projection du film "La sociale", de Gillers Perret, à 18h30 ce soir à la salle Isabelle Sandy, et une assemblée générale juste après. En Haute-Garonne, la CGT indique également "être en train de programmer des réunions publiques", sans préciser de date.
La nécessité d'expliquer la réforme
"On voit partout un refus de cette réforme, on trouve intéressant d’avoir des temps d’échange avec les citoyens" estime Julien Lassale, conseiller municipal. À Saint-Sulpice-la-Pointe dans le Tarn, l’association "Saint Sulpice Active et Citoyenne" dont il est membre organise ce soir à 18h30, en collaboration avec l’organisme Terre Rouge un ciné débat dans la salle René Cassin. Au programme : prises de parole des syndicats et des partis, mais aussi projection du film Les Jours heureux de Gilles Perret, restauration et concerts. Le but : "expliquer la réforme et répondre aux points techniques."
L’entrée est libre, et l’association affirme vouloir, en cas de succès, étendre le projet à d’autres villages. "On pense que dans les villes périurbaines, il y a aussi des gens qui veulent se mobiliser" indique-t-elle.
Les caisses de grève
Ces mobilisations plus locales veulent aussi soutenir financièrement le mouvement de grève. Dans ces communes de l’Ariège et du Tarn, les bénéfices des soirées organisées (avec la restauration notamment) seront reversés à des caisses de grève. "C’est un outil de solidarité et d’éducation populaire" martèle Julien Domard. Dans la commune de Grabels, le maire LFI René Revol a lui-même participé à une caisse de grève et a exhorté les habitants de sa commune à faire de même, soulignant l’importance de ce dispositif dans le maintien d’une mobilisation sur la durée.
Toutefois, les caisses de grève locales ne sont pas toutes prêtes. À Saint-Girons, et Foix, les organisateurs précisent que les modalités de ces dispositifs ne sont pas encore complètement définis. "On y réfléchit, indique Aline Pineau. Est-ce qu'on donne un premier jour de grève, à qui on donne en priorité..."
En attendant, il existe plusieurs autres caisses de grève pour encourager le mouvement de contestation. L’intersyndicale CGT Agri, SNETAP-FSU, SNUITAM-FSU et Sud Rural Territoires a lancé une cagnotte le 19 janvier. Si l’initiative est nationale, chaque donneur potentiel non-syndiqué "sera mis en relation avec le trésorier local, national ou régional" indique Stéphanie Molinier, co-secrétaire régionale SNETAP-FSU Occitanie.
La CFDT possède également une caisse de grève permettant de "compenser la perte de salaire des adhérents" pendant leur mobilisation. Le service est proposé par la Cnas (Caisse nationale d’action syndicale), financée par une partie des cotisations à la CFDT.
Info'Com CGT, elle, a lancé une "caisse de solidarité" qui s’adresse à tous les secteurs. Gérée en intersyndicale avec Sud-Poste 92, il est possible d’y participer par chèque ou en se rendant sur le site caisse-solidarité.fr La France Insoumise propose également de participer financièrement à une cagnotte en ligne.
Sur ces initiatives, Cédric Caubère reste sceptique. "La logique nous échappe, on demande aux salariés de se mettre en grève, et en même temps de remplir la caisse de grève" dénonce-t-il. Un argument que réfute Julien Domard. "Cela permet à des gens éloignés du syndicalisme de se mettre en grève", rétorque-t-il.