REPORTAGE. Vaisselle, gâteaux et tapisserie : pourquoi les salons de thé ne cessent de se multiplier

Faire une demi-heure de queue pour déguster un thé et une pâtisserie devient un rituel fréquent pour de nombreux Toulousains. En centre-ville, les salons de thé prolifèrent depuis une dizaine d'années, et ne désemplissent pas. Comment expliquer cet engouement ? On a cherché à comprendre.

Dans une rue étroite de l'hypercentre de Toulouse (Haute-Garonne), une légère fumée à l'odeur sucrée s'échappe d'une porte entrouverte. Les lettres rouges sur la devanture verte annoncent : "Le Bol Bu". Dans le plus vieux salon de thé de Toulouse, on mange des crêpes, attablé au milieu des tableaux surannés qui recouvrent les murs.

Derrière le comptoir, Alice Lemire, toute nouvelle gérante de l'établissement, qui a ouvert bien avant sa naissance, en 1975. "C'est un lieu que je connais depuis toute petite, raconte la jeune femme. Mes parents se sont rencontrés ici et ont pris l'habitude de m'y emmener."

Alice a repris le Bol Bu il y a un et demi. Le lieu a été créé par un artiste, "avec des pièces de récup' et peu de moyens. Il a voulu recréer l'atmosphère de chez sa grand-mère, dont on distingue les traits sur plusieurs tableaux, explique-t-elle. Une décoration figée dans le temps, pour des clients souvent nostalgiques. "Beaucoup de personnes venaient au Bol Bu pendant leurs études, dans les années 70 ou 80, souligne Alice. Ils reviennent ici en pèlerinage, pour se remémorer les souvenirs de leurs jeunes années." 

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Tea time à l'anglaise 

Si le Bol Bu est l'ancêtre des salons de thé toulousains, il ne ressemble pas aux autres, qui se sont multipliés ces dernières décennies, dans le centre de Toulouse. Ici, pas de pâtisseries élaborées, de brunch anglais ou de file d'attente interminable. Pourtant, il s'inscrit dans l'engouement que ces lieux procurent. L'image désuète, parfois démodée qui colle à la peau des salons de thé est devenue, pour beaucoup d'entre eux, facteur de leur succès. 

Chez Bapz, à quelques rues de là, on cultive cet état d'esprit. "On est assez conservateurs, on reproduit les mêmes recettes depuis plus de 20 ans", assure Benoît Lacam, gérant du salon de thé depuis quelques mois. L'établissement a été créé en 2000, par un Anglais qui a su laisser sa trace. Aux murs des chapeaux, une vieille pendule, au plafond des parapluies ouverts et sur les tables une vaisselle typiquement british, chinée par les anciens propriétaires. À la carte, une quarantaine de thés différents. 

"On essaye de faire durer les choses. Les clients peuvent venir goûter comme ils le faisaient enfants chez leurs grands-parents, poursuit le gérant. Le mot d'ordre, c'est la madeleine de Proust". Une madeleine remplacée par des carrot cakes, apple pies ou autres scones. Une cliente d'une cinquantaine d'années revient ici régulièrement, dès qu'elle passe par Toulouse : "C'est notre point de rencontre avec ma fille. Un moment de plaisir dans le calme et le confort des fauteuils. Le thé servi dans sa petite vaisselle est excellent. C'est un moment de partage dans un lieu où se sent bien." 

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L'importance du cadre

Dans le centre-ville de Toulouse, on compte une vingtaine de salons de thé. "L'autre salon de thé", "O thé divin", le "Flower's", "Le Salon d'Eugénie", "Au Jardin des thés", "Madame Bovary"... Souvent chaleureux et tranquilles, tous n'ont pourtant pas le charme de l'ancien. De nouveaux établissements plus modernes ouvrent leurs portes, dans une logique bien différente, qui repose sur l'innovation. Chez Art Tea Shop, à deux pas de la basilique Saint-Sernin, se mêlent thés originaux, créations artistiques et décoration photogénique. 

Morgane Comte, 32 ans a ouvert l'établissement fin 2019. Son idée : allier les arts et la cuisine, "pour que les clients puissent nourrir leur corps et leur âme". Ici, tout est en constante évolution, les objets d'arts changent régulièrement et sont à la vente. On peut y déguster des thés parfumés et rares : séché au clair de lune, vieilli plus de cinq ans dans une mandarine ou encore au goût d'algue. "Chez nous le thé a une histoire", insiste la patronne. Sur les étagères trônent des boîtes à thés sur lesquelles elle a dessiné chaque motif à la main. 

"Beaucoup de personnes viennent photographier la décoration, et notamment notre tapisserie, qui plaît beaucoup, constate-t-elle. On a voulu créer un cadre cosy où chacun se sent à l'aise, un peu comme chez lui." Autour d'une table, un groupe de jeunes, la vingtaine, prennent en photo leurs pâtisseries et théières sous tous les angles. "On cherchait un endroit où se poser et c'est le décor qui nous a attirés, expliquent-ils. C'est très mignon et plus agréable de venir dans un salon de thé que dans un café, l'ambiance est tranquille, souvent moins bruyante." 

L'influence des réseaux sociaux  

La passion des Toulousains pour les salons de thé peut alors s'expliquer par leur volonté de ne plus simplement consommer, mais de vivre une expérience, de prendre le temps dans une bulle où le cadre et l'ambiance rassurent. Lieux de solitude ou de partage, les salons de thé offrent une atmosphère intime et familière.  

Leur fréquentation a néanmoins explosé grâce aux réseaux sociaux : on ne vient plus simplement s'attabler, mais aussi photographier, donner une esthétique au moment. Certains établissements ont même fait de cette tendance leur fonds de commerce. À Toulouse, le salon de thé "La ville rose" a, dès son ouverture, tout misé sur sa décoration "instagrammable", pour attirer les clients, qui viennent avant tout pour le décor, plus que pour la carte. 

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