De l'Estaque, quartier marseillais où il a grandi, Robert Guédiguian a développé une vision lucide mais optimiste du monde : Ce réalisateur et nouveau président de la cinémathèque de Toulouse, fait du cinéma comme il ferait de la politique.
Dans le cinéma de Guédiguian, il n'y a "pas d'entourloupe". Le réalisateur de 'Marius et Jeannette' cherche à "montrer une image sur la manière dont les gens vivent, avec un point de vue qui s'affiche".
Faire du cinéma, c'est s'exprimer en toute liberté mais en pensant aussi qu'on a une responsabilité",
Plaide le cinéaste marseillais au moment de démarrer le tournage de son 20e film et de prendre la tête de la cinémathèque de Toulouse à l'âge de 62 ans.
Bouc poivre et sel, Guédiguian le "provincial" aborde, avec le même esprit militant, sa mission d'"ambassadeur" du cinéma en tant que président de la seconde cinémathèque de France, après Paris : "C'est une obligation morale" de "transmettre" aux générations futures. Une cinémathèque, "c'est le coeur battant du cinéma", dit-il, mais "c'est un lieu libre et indépendant, où tout est montré et tout doit être montré", un lieu qui "n'est pas au service d'une quelconque théorie ou idéologie".
Quand Guédiguian endosse son costume de réalisateur, c'est tout l'air marin de sa cité phocéenne natale qui l'enveloppe, sa classe ouvrière d'origine qui l'inspire.
Je regarde toujours le monde de là-bas, du balcon sur lequel j'étais quand j'étais petit à Marseille",
observe-t-il de son accent chantant. "On travaille toujours avec sa biographie. Je ferai toujours les films d'un garçon qui est né à l'Estaque, fils d'un ouvrier arménien et d'une femme de ménage allemande, qui a grandi là, qui a vécu avec des copains arabes et espagnols, et qui a voulu changer le monde et continue à vouloir changer l'air".
L'humanité au-dessus de tout
Même s'il a rendu sa carte du PCF il y a plus de 25 ans, Guédiguian est "toujours communiste". Et s'il se dit "athée", il "pense avoir une vision sacrée du monde". Car il croit en l'humanité: "l'humanité est au-dessus de tout, même si parfois elle est en-dessous de tout".La "folie" de l'intégrisme religieux, la "dérive libérale", "la misère, l'exclusion"...
Quand on constate ce qui se passe, on est obligé d'être lucide, ça fait partie du cinéma de montrer le monde tel qu'il est, mais aussi tel qu'il pourrait être",
souligne le lauréat du prix Louis-Delluc 1997. "A l'heure des brasiers, il ne faut voir que la lumière". Ce fumeur de cigares cite le poète cubain José Marti dont il s'inspire pour "ne pas oublier de regarder les belles choses". "Faire du cinéma, c'est presque faire de la politique", admet ce germanophone marqué par Hugo, Brecht, Tchekhov ou encore Molière et Racine.
Quand il tourne 'La ville est tranquille' ou encore 'Les neiges du Kilimandjaro', celui qui est aussi producteur a toujours comme "préoccupation la lecture qu'aurait pu en faire (son) père", électro-mécanicien sur les docks: "je ne peux pas faire un film qui ne puisse être lu au premier degré".
De la sociologie au cinéma
Tout le monde peut voir Guédiguian, se réjouit-il, à la différence des Godard, Pasolini ou Tarkovski qui l'ont pourtant "beaucoup influencé". Le cinéaste qui "emprunte au cinéma italien" aura le même fil conducteur dans son prochain long-métrage 'La villa', qu'il filmera tout l'hiver avec toujours sa femme comédienne Ariane Ascaride et sa fidèle équipe d'acteurs et de techniciens.Mais pour la première fois, ce sera un "huis clos, à 100% tourné" dans sa petite calanque de Méjean, sur la Côte Bleue, où il possède un cabanon. Avec sa thèse de sociologie en poche, Guédiguian se destinait à être chercheur ou enseignant. Il a basculé dans le cinéma "par hasard" à 22 ans. Aurait-il pu faire autre chose ? Certainement, mais "une activité qui s'adresse au public, en rapport avec la politique", sourit-il. Et d'exhorter tout le monde à "faire de la politique. A toute allure".