Guy Novès est le plus grand entraîneur de l'histoire du rugby français. Il lui a consacré plus de 40 ans de sa vie, d'abord au Stade Toulousain, avec lequel il a tout gagné, puis au XV de France. Quatre ans après sa fin de carrière, il se raconte dans un livre intitulé "la tête haute".
De son enfance, dans un milieu modeste ancré dans la valeur travail, à son éviction du poste d'entraîneur-sélectionneur du XV de France - en passant par ses années comme prof d'éducation physique au collège de Pibrac, et de joueur puis d'entraîneur au Stade Toulousain - dans son livre autobiographique Guy Novès se raconte "la tête haute" (publié le 4 mars dernier par les éditions Hugo Sport).
Guy Novès c'est "l'homme aux 1 000 matchs" (et même un peu plus) en 42 ans de carrière, dont 1/4 comme joueur et les 3/4 comme entraîneur. Après 2 titres de champion de France en tant que joueur et 7 sélections sous le maillot tricolore (dont une fameuse victoire contre les "All Blacks" à Toulouse en novembre 1977), il est devenu le plus grand entraîneur de l'histoire du rugby français : aux commandes du Stade Toulousain il a remporté 100 matches de Coupe d'Europe, 4 titres de champions d'Europe et 10 titres de champion de France.
Milieu modeste et valeur travail
Derrière ce palmarès et sa réputation d'homme de caractère, qui ne mâche pas ses mots et n'aime pas partager son autorité, son livre révèle quelqu'un plein de sensibilité, aimant sa famille, ses proches et "tous ceux qui l'aiment", et reconnaissant envers tous ceux qui l'ont entouré et épaulé pour réaliser l'exceptionnelle carrière qu'il a réussie : Serge Laïrle, Yannick Bru et tant d'autres.
Je suis né de parents issus d'un milieu modeste : ils m'ont légué la valeur du travail, que j'ai essayé de transmettre à mes 3 enfants. Mon père me disait toujours : "si tu veux un toit au-dessus de ta tête il te faut construire ta maison" : comme mon frère, j'ai construit ma maison de Toulouse de A à Z et je peux vous assurer que couler du béton dehors par -4°c sans l'avoir appris, cela vous forge.
La valeur travail : c'est le socle sur lequel Guy Novès s'est bâti. Dans le sport, il a commencé par l'athlétisme : il est aujourd'hui toujours détenteur du record de France du 1 200 m Cadets, établi le 4 juillet 1971. Puis il s'essaie au rugby : sa vitesse fait de lui un ailier naturel, et il marque plusieurs essais dès son 1er match.
Rugbyman et prof de collège
Pourtant lors de son concours d'entrée au CREPS de Toulouse il n'obtient qu'une note de 6 sur 20 dans l'épreuve de rugby : cela ne l'empêche pas de terminer major de promotion comme professeur d'EPS (Education Physique et Sportive). Il est nommé prof d'EPS au collège de Pibrac, dans la banlieue toulousaine, et y restera fidèle pendant les 13 années de sa carrière dans l'enseignement.
La valeur travail appliquée au sport, je l'ai transmise à mes élèves sans avoir besoin d'élever la voix. Quand ils ont appris les circonstances de mon éviction du poste d'entraîneur du XV de France, d'anciens élèves - aujourd'hui âgés de 40 ou 50 ans, certains devenus chefs d'entreprise - m'ont appelé pour me témoigner leur soutien.
Les qualités auxquelles il est attaché : l'honnêteté, la liberté et la loyauté. Sa façon d'exprimer les deux premières lui ont valu la réputation d'"homme de caractère", qui ne s'embarasse pas de circonlocutions pour dire ce qu'il pense.
"Ma récompense, c'est le respect que j'ai gagné de la part de mes joueurs, de toutes les générations, y compris de très réputés internationaux étrangers".
Après 40 années passées au Stade Toulousain, 1/3 comme joueur et 2/3 en tant qu'entraîneur, il est nommé entraîneur-sélectionneur du XV de France pour succéder à Philippe Saint-André après la Coupe du Monde à l'automne 2015. "Ce n'était pas pour moi une apothéose mais une fin de carrière de qualité" tient-il à souligner.
Le limogeage : une blessure
7 victoires, un match nul et 13 défaites, 2 ans plus tard, lui est son staff sont limogés par le nouveau président de la FFR, Bernard Laporte, "pour insuffisance de résultats".
"J'ai vécu un an avec une gouvernance qui m'avait choisi, puis une année avec une autre, qui n'avait pas trop envie de me garder ; la façon dont j'ai été limogé m'a fait beaucoup de mal" confesse-t-il.
Licencié pour "faute grave" sans entretien préalable ni respect des procédures, Guy Novès attaque cette décision des dirigeants de la FFR devant le tribunal des Prud'hommes de Toulouse : le 8 avril 2019 les juges lui donnent raison et lui accordent plus d'un million d'euros d'indemnisation ; ni lui ni la fédération n'interjetteront appel de cette décision.
Même s'il en sort par le haut, cet épisode le marque profondément et pour longtemps.
Le récit d'une vie, pas un règlement de comptes
Le récit autobiographique qu'il vient de publier n'est pas pour autant un "règlement de comptes" : seuls 2 chapîtres sur 22 sont consacrés à cette affaire.
J'avais besoin d'extérioriser tout ce que j'ai vécu, de mon enfance à aujourd'hui, pour ma famille et tous ceux qui me sont proches, comme un exutoire après toutes ces années "la tête dans le guidon". Après toutes ces années, quand la carrière s'arrête, on a du temps pour s'interroger sur ce qu'on a fait. Ce livre ce n'est pas un au revoir mais un Merci !
Question : l'auteur a-t-il voulu se raconter dans un livre pour cicatriser après la blessure subie à la suite de cette brutale fin de carrière qu'il ne méritait pas ? Ou est-ce parce qu'il a enfin réussi à surmonter cet épisode au fond de lui, qu'il a voulu se livrer sans rien cacher dans cette autobiographie ?
Lui même ne connaît pas la réponse.