12 travailleurs saisonniers du Tarn-et-Garonne ont décidé de saisir le conseil des Prud'hommes de Montauban. Ils dénoncent des conditions de travail et d'hébergement indignes. Leurs salaires n'ont pas été versés. Leurs employeurs avaient déjà été condamnés pour des pratiques similaires.
Ils sont espagnols, argentin ou encore français. Pendant plusieurs semaines ils ont travaillé dans une exploitation agricole du Tarn-et-Garonne. Entre début juillet et fin août, ils ont ramassé des prunes ou des courgettes. Loïc Bats est l'un d'entre eux. A 22 ans, le jeune homme n'en est pas à sa première expérience : depuis l'âge de 14 ans, il gagne un peu d'argent en participant aux cueillettes dans le département.
"Cette fois-ci, j'ai postulé via Pole Emploi. Ca s'est toujours bien passé. Mais là, quand j'ai commencé à travailler, j'ai vite vu que quelque chose clochait" nous explique t-il. "On faisait des journées à rallonge, parfois jusqu'à 11h par jour. Le patron était très sanguin. Par exemple, une fois, nous étions arrivés aux champs à 7h03, il nous a hurlé dessus disant que la cueillette démarrait à 7h00 pile et que la prochaine fois, il nous retirerait 1/2 journée de salaire ! Même en pleine canicule, nous avions une pause la matin de 10mn, une pause le soir de 10mn aussi et parfois à peine 1h pour manger le midi" continue t-il.
Il parle de propos racistes qui l'ont choqué et de conditions d'hébergements insalubres. "Trois de mes collègues étaient logés dans un mobil home, sans toilettes, sans eau, les autres étaient sous des tentes, ils se lavaient avec une bouteille d'eau". Loïc ne reste pas longtemps. Au bout d'une semaine, avec 3 autres français, il démissionne.
"C'est là que ça s'est corsé. J'ai demandé mon salaire. A ce jour, il n'a toujours pas été versé. Il me doit 500€. Cela peut ne pas paraître une grosse somme mais j'avais des projets, j'avais besoin de cet argent. Pour certains de mes collègues, les salaires peuvent atteindre 2500€ ou 3000€ car ils ont fait toute la saison. A chaque fois, il nous disait : mais si, je vous ai payé. J'ai fait le virement, mais rien ne venait jamais. J'ai dû l'appeler plus d'une dizaine de fois en août sans succès. Quand en plus j'ai appris que ce n'était pas la première fois qu'il faisait ça, j'ai décidé de faire appel à la justice".
Des employeurs plusieurs fois condamnés
L'exploitation agricole mis en cause est déjà connue de la justice. Depuis 2016, elle est régulièrement condamnée par le conseil des Prud'hommes pour le non paiement des salaires. Récemment encore, en janvier 2019, elle a été condamnée à verser les salaires, les heures supplémentaires et des dommages et intérêts.
Les plaignants étaient 18 Bulgares venus travailler la saison précédente. Ils ont attendu plus d'un an et cette décision de justice pour être rémunérés.
"C'est inacceptable !" s'insurge Christophe Couderc de la CGT 82 qui accompagne ces victimes "ces gens là nuisent à toute la branche. Le département manque déjà de main d'oeuvre, avec de telles pratiques cela ne va rien arranger !" Il se dit aussi très inquiet pour le futur "Certains syndicats agricoles demandent au Préfet de pouvoir embaucher des demandeurs d'asile pour pourvoir au manque de main d'oeuvre. Mais vous imaginez s'ils tombent chez des gens comme ça ? Jamais ils n'oseront se plaindre ! Ils seront esclaves !"
Malgré ces diverses alertes, l'employeur en question a pu continuer de recruter cette saison sans difficulté.
Une procédure en liquidition judiciaire en cours
Les employeurs mis en cause sont un couple et leur fils. Nous les avons rencontrés sur leur exploitation.
Ils disent cultiver en bio, du raisins, des prunes et des courgettes. Ils réfutent les accusations dont ils font l'objet."C'est de la jalousie, de la haine, nos concurrents sont jaloux, ils cherchent à nous couler" s'insurge le père invoquant la théorie du complot.
"Les salaires, on les paie mais pas forcément au 2 ou au 3 du mois. Parfois c'est le 7 ou le 10, le temps que nos fournisseurs nous paient aussi. La vérité, c'est que les banques ne jouent pas le jeu ! On a dû en changer deux fois !" poursuit la mère faisant feu de tout bois pour expliquer la situation.
La réalité serait tout autre. Selon la vice-procureur de Montauban, l'entreprise serait en grave difficultés financières. Elle risque la liquidation. "Au bout d'un moment quand on ne peut pas payer les salaires, on vend des terres ou on fait faillite. Ils sont dans une fuite en avant" explique t-elle
Vendredi 6 septembre, l'inspection du travail et les gendarmes sont intervenus sur place pour dresser un procès verbal. Le compte rendu envoyé au parquet de Montauban pourrait faire bouger le dossier. Selon l'inspection du travail du Tarn-et-Garonne que nous avons contactée, des cas comme celui-ci sont rares "pas plus de 5 dans le départements" affirme t-elle.
Cette saison, plus de 8000 travailleurs saisonniers seront venus dans les champs du 82 "et la demande est en forte augmentation car la récolte des fruits est très bonne cette année" précise l'inspection du travail.