Onze jeunes chercheuses chargées de cours à sciences Po Toulouse réclament des mesures fortes pour mettre fin aux violences sexuelles. Elles soutiennent les nombreuses victimes qui se sont manifestées et dénoncent l'insuffisance des moyens face à l'aspect systémique de ces violences.
Le grand chelem, le tribunal des salopes, l’une de nos interlocutrices a déjà connu ces rituels sexistes à Sciences Po. C’était en 2006 et cela existe encore en 2021.
Bérénice, Bérengère et Mathilde font partie d'un collectif de onze jeunes chercheuses, toutes doctorantes au Lassp, l'un des deux laboratoires de recherche de Sciences Po Toulouse. Elles veulent soutenir les nombreuses victimes qui se sont manifestées après le témoignage de Juliette, une étudiante toulousaine qui a porté plainte pour viol. Elles réclament désormais des mesures fortes pour mettre fin à ces violences.
Au tribunal des salopes, lors du week end d’intégration, les filles doivent raconter les relations sexuelles qu’elles ont eu. Le Grand Chelem, c’est un défi entre garçons qui consiste à avoir des relations sexuelles avec au moins une fille de chaque école participant au Critérium inter IEP (Institut d'Etudes Politiques).
C’est ce système qui perdure qu’elles veulent dénoncer. Cette dimension systémique. Ce climat qui banalise depuis tant d'années des situations dégradantes et humiliantes avec des connotations sexuelles. Elles demandent que des moyens soient mis en place pour y mettre fin définitivement.
On pense que les mesures prises répondent seulement au cas par cas. Il y a eu la loi anti bizutage mais cela ne fait pas beaucoup avancer les choses. Ce sont les regards qui n’évoluent pas.
Des mesures d'urgence
Concrètement, elles demandent :
- une formation obligatoire sur les violences sexistes, sexuelles et discriminatoires dès la rentrée prochaine pour les étudiants, les enseignants et les administratifs
- un accès juridique gratuit et immédiat pour accompagner les victimes
- une sensibilisation sur les ressources existantes pour les victimes et une campagne de dissuasion
"On veut pouvoir être dans des endroits "safe"", dit l'une des chercheuses. "Il faut des campagnes choc pour éviter le sentiment d’impunité". Car il y aurait parfois, au sein de ces institutions d’élite, un système de protection des agresseurs. Un élève condamné en section disciplinaire à Toulouse aurait ainsi été réintégré par le Cneser, le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Ce sont les trois points les plus urgents mais il faut, selon elles, mettre en place une politique plus importante, plus incisive.
"Le côté positif, reconnait l’une des chercheuses c’est que l’on a une institution qui se remet en question mais le sujet reste très peu débattu. En interne, même des femmes titulaires qui nous soutiennent n’osent pas s’exprimer publiquement".
Maintenir le débat et engager une réflexion
Ces jeunes femmes ont peur que le débat qui s’est installé s'arrête, une fois la pression médiatique retombée. "Nous ne sommes pas en opposition avec l’administration mais nous voulons la pousser à prendre des mesures, au-delà du ponctuel. Il faut une réflexion à l’IEP et dans l’enseignement supérieur en général." Elles estiment que l’enseignement supérieur est propice au développement de cette culture de la violence sexuelle en raison des relations hiérarchiques entre enseignants, étudiants et directeurs de thèse. Pour elles, il faut une réflexion sur la question de la domination et sur l’exercice du pouvoir.