Pour le linguiste Patrick Sauzet, de l'université Jean-Jaurès de Toulouse, la sortie de Jean-Luc Mélenchon contre une journaliste qui a l'accent de Toulouse, est une réminiscence d'une vieille moquerie d'une partie des Français contre l'accent du Midi.
Les réactions ont été nombreuses après "l'imitation" de l'accent de Toulouse par Jean-Luc Mélenchon, se moquant d'une journaliste de France 3, Véronique Gaurel, qui travaille depuis de nombreuses années au service politique de la rédaction nationale de la chaîne mais qui, étant originaire de Toulouse, a conservé son accent du Midi.
A Toulouse et dans le sud, cette façon de "singer" l'accent de la journaliste pour éviter de lui répondre, a choqué. Les Toulousains en particulier, les habitants du Sud en général, sont plutôt fiers de leur accent.
"Cela peut apparaître une moquerie banale de se moquer ainsi de l'accent du Midi, explique Patrick Sauzet, linguiste et professeur à l'Université Jean-Jaurès de Toulouse. On peut se charrier sur les accents, quand c'est réciproque, équilibré. Mais quand ça vient d'un responsable politique, c'est vraiment déplacé".
Une vieille tradition de se moquer de l'accent du Midi
"Il s'agit d'une vieille tradition du nord de la France, de Paris, de se moquer ainsi des gens du Midi à travers leur accent, poursuit-il. L'accent du Midi est le plus connu, le plus repérable et depuis très longtemps, même des auteurs très respectables se sont moquer de cette façon de parler".L'accent du Midi c'est la trace historique de la langue d'Oc dans le Français
Mais au fait c'est quoi un accent ? Quand on est de Sète, on trouve que les Parisiens ont un accent. Alors tout le monde a-t-il un accent ?
"En fait, un accent, explique Patrick Sauzet, c'est une façon de parler la même langue, le Français en fonction de ses origines géographiques. Et l'accent du Midi, celui de Toulouse ou de Nîmes, est en fait la trace historique de la langue d'Oc dans la langue française d'aujourd'hui : le Français prononcé avec un accent se rapproche de la prononciation de l'Occitan".
Une résistance à la normalisation
Alors pourquoi, quand un homme politique comme Jean-Luc Mélenchon se moque de l'accent d'une journaliste, ce n'est pas seulement la journaliste qu'il vexe mais tous ceux qui ont cet accent chantant dans la voix ? Parce qu'il y a un sentiment d'appartenance mais aussi parce qu'il s'agit d'une forme de résistance à la normalisation.Avec un fort d'accent du sud-ouest, on est légitime pour commenter des matchs de rugby, parler de la météo ou de cuisine. Mais pour des gens comme Jean-Luc Mélenchon, cela décrédibilise pour parler de politique
"La norme télévisuelle notamment s'impose de manière très forte, poursuit Patrick Sauzet. Même dans les écoles de journalisme, on tente d'effacer le caractère géographique, régional de la prononciation. Or, tout ce qui n'est pas dans la norme est étrange. Avec un fort d'accent du sud-ouest, on est légitime commenter des matchs de rugby, parler de la météo ou de cuisine. Mais aux yeux de gens comme Jean-Luc Mélenchon, cela décrédibilise pour parler de politique".