Pas de pluie depuis 32 jours, et la crainte de mesures préventives d'économie d'eau en Occitanie dès le mois de mars se confirme. Mais alors quelles peuvent être ces mesures ? Et qui peut être concerné ? Le gouvernement s'est prononcé et cela ne fait pas plaisir aux associations environnementales.
Les gouttes annoncées mercredi 22 février 2023, dans certains endroits d'Occitanie ne doivent pas faire oublier la situation actuelle. Depuis 32 jours aucune pluie réelle n'est tombée en France. Ce qui fait parler de "sécheresse hivernale" à Aude Witten, directrice générale adjointe de l’agence de l’eau Adour-Garonne.
Interrogée sur Franceinfo, Aude Witten explique qu'il y a "malheureusement, une combinaison inédite de facteurs défavorables qui nous permettent de caractériser l'ampleur de cette sécheresse hivernale".
Cela s'explique notamment par un retard en terme de précipitations ainsi qu'un faible enneigement. Les nappes se rechargent donc mal.
Des économies d'eau dès maintenant
"Tout cela se traduit sur les débits des cours d'eau. En janvier sur l'axe Garonne, on a observé des débits inférieurs de 40 à 80 % au débit moyen. Notre amortisseur, en période de basses eaux, c’est la capacité à relâcher de l’eau dans les cours d’eau. Or, les réserves sont aussi dans une situation extrêmement préoccupante. Celle de Montbel en Ariège n'est remplie qu'à hauteur de 21 %, alors que d'habitude, à cette période, elle le serait à hauteur de 70 %".
Aude Witten en est persuadée, les mesures d'économie d'eau "doivent commencer dès maintenant".
De réunions de concertation se tiennent actuellement sous l'égide des préfets, pour préparer avec les agriculteurs, les industriels, et les collectivités, les mesures qui peuvent être mises en place.
"Les opérateurs électriques comme EDF, on déjà arrêté de turbiner l'eau pour pouvoir mieux passer en phase de remplissage des réserves. Tout le monde peut faire quelque chose. Ça concerne tous les usages : les usages domestiques, les usages industriels, les usages agricoles. On a un objectif d'économies de 10 % des volumes", avance la directrice générale adjointe de l’agence de l’eau Adour-Garonne.
"Pas d'agriculture sans eau" pour le gouvernement
La situation est à ce point critique que Christophe Béchu, le ministre de l'Agriculture, annonce mardi 22 février, que "la France est en état d'alerte" .
Lundi prochain, le ministre doit réunir des préfets afin de "prendre des mesures de restriction qui soient "soft", dès le mois de mars, pour éviter de se retrouver dans des situations catastrophiques d'arbitrage" à l'approche de l'été et qui devraient concerner les particuliers. Christophe Béchu appelle “dès maintenant” à faire des efforts, notamment sur le remplissage des piscines, sans impliquer les agriculteurs. "Ce serait hypocrite d’empêcher les agriculteurs de produire, estime le ministre affirmant qu'il n'y a pas d'agriculture sans eau."
Des mots repris un à un, le même jour, par le ministre de l'Agriculture, Marc Fesneau : "il n'y a pas d'agriculture sans eau", confirmant au passage que 60 nouveaux projets d'ouvrages hydrauliques à vocation agricole allaient être "mis en service d'ici à juin".
Un positionnement qui provoque de vives tensions avec les militants écologistes, qui réclament de repenser le modèle agricole pour s'adapter au changement climatique.
L'irrigation représente 78% de l'eau du bassin Adour-Garonne
"On laisse entendre que c'est le simple citoyen qui par ses baisses de consommation va impacter ce déficit, dénonce Cécile Argentin, présidente de FNE Midi-Pyrénées. Il faut le faire, mais même si chacun d'entre eux réduit de moitié son utilisation d'eau, cela ne résoudra en rien la problématique. Ne pas parler du monde agricole lorsqu'on évoque les restrictions d'eau, comme le fait Monsieur Béchu, c'est complètement hallucinant !"
L'association de protection de la nature et de l'environnement, FNE milite pour des restrictions en fonction des bassins ou de sous-bassins, où la réalité du terrain n'est pas la même partout.
"Si on se cantonne au bassin Adour-Garonne, sur les mois à venir, c'est 78% de l'eau qui est consacré à l'irrigation, ajoute-t-elle. Le restant, c'est l'eau potable, l'industrie. La marge de manœuvre avec le citoyen de base est assez limitée. Il faut un vrai courage pour imposer ces restrictions."
Durant l'été 2022, les préfectures ont pris une multitude d'arrêtés de restriction concernant les particuliers, tout en multipliant, dans le même temps, les dérogations pour les golfs, les terrains de sport et l'agriculture. La politique du deux poids, deux mesures.
(Avec AFP)